"Le cas Richard Jewell": pour savoir comment se fabrique un bouc-émissaire
A près de 90 ans, Clint Eastwood revient avec un de ses thèmes de prédilection: le héros individuel persécuté par l'Etat. Basé sur une histoire vraie, "Le cas Richard Jewell" est d'abord un extraordinaire portrait en clair-obscur d'un patriote naïf, piégé par les institutions qu'il vénère. C'est ensuite un thriller mâtiné de comédie où le réalisateur se plaît à ridiculiser - caricaturer - le FBI et les médias qu'il déteste. C'est enfin une fable sur la fabrication des bouc émissaires. Mise en scène limpide, narration sans temps morts et casting bluffant. Du très bon Eastwood.
"Baghdad in My Shadow": pour en finir avec les tabous
Un auteur échoué, une architecte qui a quitté son mari resté en Irak et un gay se retrouvent au café Abu Nawas, lieu de rencontre des Irakiens en exil à Londres. Cette communauté se retrouve en danger lorsque l'imam de la mosquée pousse les fidèles à sévir contre ces "impies".
Avec "Baghdad In My Shadow", le réalisateur suisse d'origine irakienne Samir secoue trois grands tabous de la société arabe: l'athéisme, l'homosexualité et la libération de la femme. Personnages lumineux pour un film plutôt sombre. Proche du documentaire, le film a reçu le Prix du public aux dernières Journées de Soleure.
Öndög: pour se perdre dans des paysages sublimes
Le cadavre d'une femme nue a été trouvé au milieu des steppes peuplées uniquement d'animaux. Un flic proche de la retraite charge un jeune policier de monter la garde sur le lieu du crime. Ignorant les dangers qui rôdent, il demande l'aide d'une bergère taciturne, la seule à connaître cette région aride.
"Öndög" (qui signifie l'oeuf du dinosaure) du réalisateur Wang Quan'an parle du cycle de la vie dans ce film minimaliste et majestueux qui accorde une attention toute particulière aux paysages et à aux rares protagonistes qui y vivent.
"Rétrospective Nanni Moretti": pour (re)découvrir 13 de ses films
De son premier long-métrage tourné en super 8, "Je suis un autarcique" (1976), qui portait un regard ironique sur le gauchisme via une troupe de théâtre d'avant-garde, à "Santiago, Italia" (2018), documentaire qui se souvient de cette Italie des années 70 qui offrit l'hospitalité aux dissidents de Pinochet, Nanni Moretti continue de capter avec finesse, humour et acuité l'évolution de son pays.
Alternant oeuvres intimistes, où il se met en scène en disant "je", et films plus collectifs, l'acteur et cinéaste italien est celui qui a fait le lien entre néo-réalisme et comédie à l'italienne. Les cinémas du Grütli proposent une rétrospective en treize films.
Et encore....
"#JeSuisLà": pour le charme flou d'Alain Chabat
Alexandre, chef d'un restaurant, mène une vie tranquille au Pays basque. Tout va bien mais rien ne le fait vibrer sinon Soo, une Coréenne francophone avec laquelle il correspond via Instagram. Sur un coup de tête, il décide de la rejoindre à Séoul. Sera-t-elle au rendez-vous?
Loin d'être une dénonciation des réseaux sociaux, "#JeSuisLà" en explore les potentiels romanesques, sans s'attarder sur ses conséquences. Le film, étrange, comme suspendu, un peu funambule, est une invitation à l'école buissonnière. Alain Chabat imprime à cette fausse comédie romantique un burlesque très attachant.
"Un divan à Tunis": pour distinguer Freud d'un Barbu
Après avoir exercé en France, Selma, 35 ans, ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis. Au lendemain de la Révolution, la demande s'avère importante dans ce pays "schizophrène".
Freud est-il compatible avec l'islam? Oui, répond avec un certain culot la réalisatrice franco-tunisienne Manele Labidi qui réussit une comédie rythmée et allègre, avec des personnages hauts en couleur, des embardées burlesques et l'élégance souveraine de Golshifteh Farahani. Un délice.
"Le Prince oublié": pour voir Omar Sy en collant
Michel Hazanavicius est un réalisateur polymorphe. Il a réalisé un film muet, des parodies d'espionnage, une biographie fragmentée de Godard, un film de guerre. Leur point commun? Une certaine nostalgie d'un monde perdu. "Le Prince oublié", son 7e long métrage, n'échappe pas à la règle.
Mélangeant réalité et monde imaginaire, Michel Hazanavicius rend encore une fois hommage au cinéma en transformant le monde imaginaire en grand studio de cinéma. Poétique, inventif, tendre pour les uns; clinquant, mièvre et mal rythmé pour les autres.
Et toujours:
"La fille au bracelet": un grand film de procès
Lise, adolescente de 16 ans vivant dans un quartier résidentiel, a-t-elle assassiné sa meilleure amie? Deux ans plus tard, son procès s'ouvre. Coupable ou innocente?
Le spectateur, jamais omniscient dans ce récit sans flashback, est placé dans le rôle d'un juré d'assises et doit imaginer, au fil des témoignages, ce qui s'est réellement passé. Vrai film de procès, "La fille au bracelet" dépasse le "whodunit" en montrant avec finesse la fracture des générations.
"La Communion": le choc d'une transfiguration
Daniel, 20 ans, se découvre une vocation spirituelle dans un centre de détention mais son passé criminel l'empêche de faire le séminaire. Qu'importe! Au culot, il va remplacer un prêtre de campagne.
Inspiré d'une histoire vraie, "La Communion" du Polonais Jan Komasa raconte l'histoire d'une imposture sans juger son héros, partagé entre sa nature violente, son désir de rédemption, sa foi sincère et son excitation à subjuguer une population qui lui fait confiance. Avec le charismatique Bartosz Bielenia. Captivant.
"Adam": double portrait de femmes
"Adam" met en scène la relation entre Samia, une jeune femme enceinte hors mariage, et Abla, veuve et mère d'une fillette de huit ans. Hostiles au départ, les deux femmes vont apprendre à s'apprivoiser et à devenir plus fortes. Elles en ont besoin dans cette société patriarcale qui supporte mal les femmes seules.
Avec "Adam", son premier film, l'actrice Maryam Touzani se penche sur le calvaire des mères célibataires au Maroc, considérées comme des parias. Un huis-clos sensuel et sensible.
RTS Culture/mcm