Clint Eastwood aime les marginaux, les déclassés, les méprisés. Clint Eastwood déteste les médias, les institutions fédérales et l'injustice. Clint Eastwood aime les héros, mais déteste ceux qui les fabriquent. C'est ce que montre "Le cas Richard Jewell", son 40e film, qui raconte l'histoire d'un patriote naïf et têtu, piégé par les institutions qu'il vénère. Le réalisateur qui aura 90 ans en mai n'a rien perdu de ses pouvoirs de conteur et signe une mise en scène d'une grande fluidité.
Une histoire vraie
Le film revient sur une affaire qui déchaîna l'opinion. En 1996, Richard Jewell, agent de sécurité aux Jeux d'Atlanta, donne l'alerte sur un sac suspect et impose un périmètre de sécurité. La bombe explose tout de même, faisant deux morts et une centaine de blessés, mais le bilan aurait été cent fois pire s'il n'était pas intervenu. Dès le lendemain, Richard Jewell devient le héros des Etats-Unis puis, quelques jours plus tard, son principal ennemi.
Ce n'est pas la première fois que Clint Eastwood s'interroge sur la notion du héros persécuté, en s'inspirant d'une histoire vraie. C'est même un de ses dadas depuis dix ans. Qu'on se souvienne de "Sully", ce pilote virtuose qui sauva tous les passagers de son avion grâce à son amerrissage forcé sur le fleuve Hudson en 2009 mais qui fera l'objet d'une enquête pour avoir manqué à la procédure.
Une splendide étude de caractère
Dans "Le cas de Richard Jewell", le héros n'est pas aussi glorieux. C'est là toute la force du film. A la fois agaçant et attachant, fiable et ridicule, sincèrement soucieux de la sécurité des autres mais zélé au point de les mettre en danger, fasciné par la police à laquelle il s'identifie mais pas trop regardant avec le fisc, cet homme qui rêve d'être un héros a, de plus, le malheur d'être obèse, de cacher un arsenal sous son lit et de vivre avec sa mère. Son comportement et son apparence en font une cible parfaite. Pour le FBI qui le soupçonne d'être un terroriste, un pompier pyromane en quête de notoriété; et pour les médias qui voient en lui le plouc parfait.
Une charge contre le FBI et les médias
L'intelligence de Clint Eastwood est de montrer toutes les facettes de son héros et de transformer cet homme ordinaire en "cas" comme l'indique le titre du film. Ce n'est pas l'homme qu'on doit juger mais son action. Demeure cependant une question: fallait-il charger à ce point le FBI et les médias pour sauver son héros? L'acharnement d'Eastwood à ne montrer que les vices et dysfonctionnements de ces deux institutions finit par affaiblir son propos. L'étude de caractère de son personnage principal, et les liens tout en bonté tissés avec sa mère, aurait largement suffi à nous convaincre.
Un casting d'enfer
Il faut dire que pour porter ces deux personnages, Eastwood ne s'est pas trompé de casting. Paul Walter Hauser est prodigieux dans son rôle de héros ordinaire, au point que lorsqu'il regarde à la télévision le vrai Richard Jewell on préfère l'acteur à l'original. Kathy Bates incarne une mère comme on en voit peu au cinéma: un être à la fois très raisonnable et une mère totalement fusionnelle. Et Sam Rockwell, en avocat nonchalant mais talentueux, offre au film de purs moments de comédie.
Marie-Claude Martin