"Dark Waters": parce que le cinéma peut être d'utilité publique
Robert Bilott, avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques, change de camp quand il découvre que la région de son enfance est empoisonnée par une usine du puissant groupe Dupont. Afin de faire éclater la vérité sur cette pollution mortelle, il va risquer sa carrière, sa famille et sa propre vie.
Todd Haynes s'éloigne de son cinéma de prédilection, le mélodrame flamboyant, pour embrasser un genre qu'il adore comme spectateur: le film-enquête. Basé sur une histoire vraie, le réalisateur de "Carol" réussit un film dans la lignée du grand cinéma populaire militant américain des années 70. Sa mise en scène tendue, proche du documentaire, et la beauté crépusculaire de sa photographie, font de ce "Dark Waters" un thriller palpitant, porté par un Mark Ruffalo complètement habité.
Il y a une superbe image avec des couleurs qui rappellent la peinture d'Hopper.
Mark Ruffalo est juste exceptionnel dans ce rôle d'avocat.
"L'homme invisible": pour savourer un film d'horreur intelligent
Le roman de H.G. Wells (1897) a été porté à l'écran, grand ou petit, une vingtaine de fois. Pourtant, le réalisateur Leigh Whanne réussit à surprendre avec sa revisite féministe du sujet, en posant cette question: que se passerait-il si un psychopathe avait le pouvoir de devenir invisible? Film d'horreur, certes, mais un des plus pertinents pour dénoncer la violence faite aux femmes: un agresseur que personne ne voit et une femme qui appelle au secours mais qu'on n'entend pas et qu'on dit folle. Avec la décidément exceptionnelle Elisabeth Moss ("La Servante écarlate").
"Judy": pour la performance époustouflante de Renée Zellweger
Le film s'attache à la dernière année de la vie de l'actrice et chanteuse Judy Garland, révélée avec "Le Magicien d'Oz". Usée par l'alcool et les médicaments, endettée jusqu'au cou, la star déchue accepte un contrat de plusieurs concerts à Londres et retrouve sur scène, parfois, l'éclat qu'elle a perdu dans la vie.
Adaptation de la pièce "End of Rainbow", "Judy" entremêle scènes de concerts et flash-backs qui rappellent l'enfance abusée et sacrifiée de celle qui est devenue la plus grande icône gay. Le film permet à Renée Zellweger, qui chante elle-même, d'offrir une prestation étourdissante qui lui a valu un Oscar.
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Un très beau biopic. Un hommage plein de grâce et d'empathie pour son emblématique héroïne.
Il y a une scène d’une pureté, en termes d’émotion, qui vous prend aux tripes.
"Les secrets du Dr. Ruth": portrait attachant de la sexologue nonagénaire
A 90 ans, la sexologue Ruth Westheimer évoque devant la caméra de Ryan White le chemin parcouru depuis sa petite enfance en Allemagne jusqu'à ses décennies de gloire aux Etats-Unis. Survivante de l'Holocauste, elle a fait l'éducation sexuelle de plusieurs générations d'Américains, a été la première à mettre des mots sur la sexualité, à parler de la jouissance féminine et à sortir l'homosexualité de la honte.
Le film a la modestie de s'effacer devant le charisme exceptionnel de cette femme de 140 cm qui a encore l'énergie d'épingler le gouvernement américain pour son soutien aux groupes anti-avortement.
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J’ai trouvé ce film bouleversant. Ca m’a fait rire et ça m’a ému.
"Thiel le Rouge": parce que certains documentaires sont très romanesques
Né en 1910, le Neuchâtelois Reynold Thiel est un formidable personnage romanesque. A la fois homme d'affaires, pianiste virtuose, couturier, compositeur, communiste convaincu et cible de la police fédérale qui cherche à savoir pourquoi ce géant voyage si souvent à Moscou, Pékin ou Bucarest.
Sa rocambolesque histoire a d'abord été racontée en 30 épisodes par le journaliste Alain Campiotti dans Le Temps. Elle est désormais portée à l'écran dans le documentaire de la réalisatrice Danielle Jaeggi, par ailleurs fille du meilleur ami de jeunesse de Thiel.
>> A lire, l'article RTS Culture : "Thiel le Rouge", l'histoire telle qu'on ne l'apprend pas dans les livres
Et toujours à l'affiche...
"Le cas Richard Jewell": du très bon Eastwood
A près de 90 ans, Clint Eastwood revient avec un de ses thèmes de prédilection: le héros individuel persécuté par l'Etat. Basé sur une histoire vraie, "Le cas Richard Jewell" est d'abord un extraordinaire portrait en clair-obscur d'un patriote naïf, piégé par les institutions qu'il vénère. C'est ensuite un thriller mâtiné de comédie où le réalisateur se plaît à ridiculiser le FBI et les médias qu'il déteste. C'est enfin une fable sur la fabrication des boucs émissaires. Du très bon Eastwood.
"Baghdad in My Shadow": pour aimer les impies
Un auteur échoué, une architecte qui a quitté son mari resté en Irak et un gay se retrouvent au café Abu Nawas, lieu de rencontre des Irakiens en exil à Londres. Cette communauté se retrouve en danger lorsque l'imam de la mosquée pousse les fidèles à sévir contre ces "impies".
Avec "Baghdad In My Shadow", le réalisateur suisse d'origine irakienne Samir secoue trois grands tabous de la société arabe: l'athéisme, l'homosexualité et la libération de la femme.
"Öndög": pour se perdre dans des paysages sublimes
Le cadavre d'une femme nue a été trouvé au milieu des steppes peuplées uniquement d'animaux. Un flic proche de la retraite charge un jeune policier de monter la garde sur le lieu du crime. Ignorant les dangers qui rôdent, il demande l'aide d'une bergère taciturne, la seule à connaître cette région aride.
"Öndög" (qui signifie l'oeuf du dinosaure) du réalisateur Wang Quan'an parle du cycle de la vie dans ce film minimaliste et majestueux qui accorde une attention toute particulière aux paysages et à aux rares protagonistes qui y vivent.
"Rétrospective Nanni Moretti": pour (re)découvrir 13 de ses films
De son premier long-métrage tourné en super 8, "Je suis un autarcique" (1976), à "Santiago, Italia" (2018), documentaire qui se souvient de cette Italie des années 70 qui offrit l'hospitalité aux dissidents de Pinochet, Nanni Moretti continue de capter avec finesse, humour et acuité l'évolution de son pays.
Alternant oeuvres intimistes, où il se met en scène en disant "je", et films plus collectifs, l'acteur et cinéaste italien est celui qui a fait le lien entre néo-réalisme et comédie à l'italienne. Les cinémas du Grütli, à Genève, proposent une rétrospective en treize films.
RTSCulture/mcm
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