Le 21 février 1965, le très charismatique militant pour les droits civiques Malcolm X est abattu d'un coup de fusil et de vingt-et-un coups de revolver alors qu'il donne un discours dans un auditorium à Harlem devant 400 personnes, dont sa femme et ses quatre filles. Trois hommes sont rapidement arrêtés, l'un dont la culpabilité ne fait pas de doute – il est sur les lieux – et deux autres, arrêtés plus tard chez eux, qui vont passer vingt ans en prison sans cesser de clamer leur innocence.
"Qui a tué Malcolm X?", c'est le titre de la série produite par Netflix parce que le doute persiste. Jusqu'à présent, la vérité semblait n'intéresser personne, à l'exception de quelques historiens dont Abdur-Rahman Muhammad, guide touristique à Manhattan, devenu en quelques décennies d'enquête le plus fin connaisseur de ce dossier. C'est son travail acharné que suit ce documentaire sur six épisodes de quarante-cinq minutes.
Après l'affaire Grégory, l'affaire des jeunes accusés à tort de viol dans Central Park en 1989 ("When they see us"), les vrais crimes non ou mal élucidés inspirent décidément les producteurs de séries chez Netflix. Est-ce pour satisfaire notre appétit pour les faits divers? Ou, plus glorieux, notre goût de la vérité et de l'Histoire?
Un portrait de l'Amérique des années 1960
La série "Qui a tué Malcolm X?", montée comme un thriller, est avant tout le portrait de l'Amérique des années 1960. Une Amérique encline à l'injustice, à la peur, mais aussi au soulèvement des négligés. On cerne ici les manigances de puissants organismes pour les contenir: le FBI bien sûr, dirigé alors par John Edgard Hoover, et Nation of Islam, un groupe politico-religieux fondé par Elijah Muhammad, qui fut le père spirituel de Malcolm X avant d'en être un ennemi.
Malcolm X, l'ancien voyou devenu brillant orateur, d'une droiture morale qu'il veut sans faille, était-il devenu une menace pour le gourou et pour sa garde rapprochée aux mœurs et aux finances plus que troubles? C'est la thèse la plus souvent soutenue, mais qui néglige le très probable rôle joué par le FBI. Car Malcolm X le tribun, celui qui a osé parler aux Noirs de leur condition comme personne avant lui, dérangeait beaucoup de gens. Accusé de semer la haine et de vouloir la guerre civile, lui disait ne souhaiter rien d'autre que de redonner à chacun sa fierté. Martin Luther King a reconnu qu'avec sa mort, le monde (pas seulement les Noirs américains) perdait un grand leader potentiel.
Cette série qui est aussi le portrait de Malcolm X nous en donne des preuves. Et nous rappelle aussi que la fiction peut être parfois plus forte que le mensonge. En effet, depuis sa diffusion, le bureau du procureur de Manhattan a annoncé que l'enquête sur la mort de Malcolm X allait être rouverte. La suite au prochain épisode.
Sujet radio: Anne-Laure Gannac
Adaptation web: ld
"Qui a tué Malcolm X?" une série documentaire en 6 épisodes à voir sur Netflix.