Fictions, documentaires, séries, tous les tournages se sont arrêtés en Suisse romande. Une interruption qui touche producteurs, réalisateurs, comédiens, techniciens, métiers para-artistiques et qui aura des conséquences économiques désastreuses. Ce d'autant que le cinéma suisse n'est pas vraiment une industrie, plutôt une somme de petites structures de production, sans grande trésorerie. Les plus fragiles risquent de ne pas survivre à la pandémie.
Gérard Ruey, ancien producteur et secrétaire de Cinéforum- Fondation pour le cinéma - a mené une enquête auprès des producteurs. "Entre quinze et vingt tournages ont été arrêtés ou reportés, en majorité des documentaires mais aussi quatre fictions importantes. Rien que pour ces quelques films, les frais de surcoût s'élèvent à plus d'un million de francs", explique-t-il à la RTS.
Pas d'assurance en cas de force majeure
Qu'englobe ce million perdu? D'abord le coût du travail. Comme souvent dans le monde artistique, les acteurs du secteur sont sous contrat CDD, contrat à durée déterminée. Ils ne sont donc pas pris en charge, du moins pour l'instant, par le chômage technique. La priorité pour la profession est donc de payer tous ces gens qui n'ont pas demandé à se retrouver sans travail. Ensuite, il y a les impacts techniques indirects. Normalement, les productions ont des assurances qui couvrent les dommages de toutes natures, sauf ceux qui relèvent des cas de forces majeures. C'est le cas de la pandémie du coronavirus. Une charge qu'il faudra payer d'une manière ou d'une autre.
Surtout, éviter de bloquer l'avenir
Cineforum est en contact étroit avec l'Office fédérale de la Culture et la SSR pour envisager différentes mesures qui combleraient ces manques mais aucune n'est vraiment satisfaisante aux yeux de Gérad Ruey. "Une des possibilités serait que les producteurs puissent bénéficier d'un financement complémentaire justifié par des dépenses supplémentaires. Mais pour l'heure, ce financement est pris sur le crédit ordinaire du cinéma. De fait, cet argent ne sera plus disponible quand il s'agira de relancer la machine. La profession va essayer d'amortir le choc mais il faut absolument des moyens supplémentaires alloués à nos différents fonds pour éviter que l'avenir ne soit bloqué. Si, comme Macron l'a dit, nous sommes en guerre, alors il nous faut un plan Marshall".
Les séries, point fort de l'industrie
Autre secteur touché, les séries qui sont les poids lourds de l'industrie du cinéma, et sur lesquelles mise beaucoup la SSR. Le propre de la série est d'aller vite pour dépenser moins. Deux étaient en projet, une seule vraisemblablement pourra voir le jour cette année, sans compter l'interruption du tournage de la troisième saison de "Wilder", d'un budget s'élevant à 6 millions de francs - plus qu'un long métrage normal. Une série permet à une soixantaine de personnes de travailler pendant quatre mois. Leur abandon ou leur report engendre donc des conséquences catastrophiques, sans compter les dégâts sur la post-production. Pour Gérard Ruey, il y a aussi de la casse, c'est inévitable, mais le pire à ses yeux serait que la Suisse perde ses compétences. "Le tissu est très fragile, il suffit d'un rien pour que les gens quittent le métier".
"Cellule de crise" sauvée
Dans ce chapelet de mauvaises nouvelles, un miracle! Le tournage de la bien-nommée série "Cellule de crise" du Genevois Jacob Berger a été bouclé quelques jours seulement avant qu'il soit interdit de voyager en Europe.
Tout a été terminé à temps, reste le montage. "J'ai déjà un peu commencé mais il est très difficile de travailler à distance. La série va donc se mettre sur pause, et nous la reprendrons quand nous serons en mesure d'être tous ensemble, de manière continue ou épisodique", conclut le réalisateur.
Propos recueillis par Raphaële Bouchet
Adaptation web: mcm