C'est une petite révolution pour la France, tenue de respecter la contraignante chronologie des médias. Initialement attendu sur les écrans français le 18 mars, le film "Pinocchio" de Matteo Garrone, avec un Roberto Benigni très émouvant dans le rôle de Gepetto, est diffusé sur Amazon Prime France depuis le 4 mai. "Sans garantie d'ouverture des salles en juillet, il fallait trouver une solution pour faire vivre ce film familial par excellence" explique Jean Labadie, président du Pacte, société de distribution et de ventes de films.
Sa société, qui a déboursé 700' 000 euros en promotion, n'a pas hésité longtemps avant de céder les droits exclusifs à la plateforme de SVOD. Et ce pour une durée de dix ans, condition sine qua non, selon le distributeur, à la visibilité que mérite le film, visuellement splendide et beaucoup plus proche de l'univers noir et réaliste de son créateur Carlo Collodi. Cette version de Matteo Garrone vient d'ailleurs d'être nominé 15 fois aux David di Donatello, l'équivalent des Oscars transalpin.
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Autre stratégie en Suisse où le distributeur maintient pour l'instant une sortie en salles pour ce "Pinocchio" promis à une très belle carrière puisqu'il a déjà rapporté 15 millions de dollars au box-office italien. Le film sera à découvrir en juillet sur les écrans des salles obscures helvétiques.
C'est un fait observé depuis le début du confinement: de plus en plus de nouveautés sont désormais proposées sur internet alors qu'elles étaient destinées aux grands écrans. Avec la fermeture des salles, les cinémas se sont fait siphonner une grande quantité de sorties, avec succès. Mais ce modèle économique est-il rentable? Restera-t-il pertinent après la réouverture des salles?
La guerre entre Universal et les exploitants américains
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'après avoir vendu un film à une plateforme de streaming - et à ses millions d'abonnés -, producteurs et distributeurs renoncent à toute recette financière supplémentaire. Il n'en va pas de même avec la VOD où le spectateur doit payer, soit pour louer, soit pour acheter le film. Et l'affaire peut se révéler très rentable. C'est ce qu'a compris Universal aux Etats-Unis.
Fort du succès inattendu de "Troll 2" - qui a rapporté 95 millions de dollars en trois semaines en Amérique du Nord uniquement en VOD - la société de production a décidé de sortir désormais ses films "dans les deux formats", à la fois en salles et sur les plateformes de vidéo à la demande. Une décision qui a mis très en colère les exploitants de salles de cinéma qui ont menacé de boycotter tous les films Universal.
Il faut dire que les exploitants n'ont rien à gagner avec la VOD: quand un film sort en salles, l'exploitant garde entre 50 et 60% des recettes tandis qu'avec la VOD, près de 80% revient aux studios producteurs. Moins d'intermédiaires, plus de gains! La pandémie incontestablement risque de bouleverser les règles qui prévalaient avant le 16 mars.
Sujet radio: Rafael Wolf
Adaptation web: Marie-Claude Martin