Pour pallier la fermeture des salles de cinéma et leur lent déconfinement cet été, une solution se profile peut-être: le Drive-In. Le concept est simple: un écran géant installé en plein air, souvent sur un grand parking, vous venez avec votre voiture à la nuit tombée, payez une place par véhicule et regardez le film dont le son est retransmis dans votre autoradio.
Assister bien au chaud à une représentation de cinéma en grignotant pop-corn et hot-dogs, c'est la promesse du Drive-In, créé aux Etats-Unis, le mariage de raison entre le culte de la voiture et celui du cinéma. Le premier Drive-In voit le jour en 1933 dans le New Jersey. Le concept connaît un âge d'or en Amérique dans les années 1950 et 1960, avec 5'000 écrans, surtout en zones rurales et en banlieues. Mais l'augmentation du prix des terrains et l'augmentation du nombre de salles de cinéma et des vidéo-clubs entament sérieusement le succès des Drive-In. Dans les années 1990, il n'en existe plus que 900 et aujourd'hui, 305 seulement aux Etats-Unis.
A l'origine, les Drive-In touchaient essentiellement les familles. Puis, ce sont les adolescents qui s'y sont mis, ravis de pouvoir fricoter librement dans leur voiture, en témoigne cette scène du film culte "Grease" où John Travolta tentait d'embrasser Olivia Newton-John.
Des églises aux opéras, tous au Drive-In
Avec la pandémie, le concept du Drive-In revient à la mode, pour des raisons évidentes de sécurité. Plusieurs Drive-In américains sont restés ouverts pendant le confinement et ont d'ailleurs, pendant cette période, doublé leur chiffre d'affaires en projetant les dernières nouveautés sorties avant le confinement. Certains Drive-In ont même loué leur espace à des paroisses pour proposer des messes sur grand écran.
Cela donne des idées aux festivals de cinéma. Celui de Tribeca, co-fondé par Robert De Niro, vient d'annoncer une grande tournée cet été, dès le 25 juin, avec des films nouveaux et des classiques projetés dans des Drive-In à travers les Etats-Unis. Le Festival de Cabourg, fin août, et le Festival de Bologne proposeront également ce mode de diffusion. Et début mai, le Festival du film de Vilnius a transformé le parking vide de l'aéroport fermé de la ville en un Drive-In géant et a connu un véritable succès avec la projection de "Parasites" de Bong Joon-ho. L'aéroport doit normalement rouvrir le 10 mai, mais songe sérieusement à continuer ces projections.
Le Drive-In fait aussi des émules du côté de l'opéra. Le English National Opera a annoncé le premier Opéra Drive-In pour septembre prochain. En voiture ou en vélo, le public pourra assister à une version raccourcie de "La Bohème" de Puccini.
Et en Suisse?
En Suisse, l'idée fait son chemin, mais il n'y a pas encore de Drive-In régulier. Quelques-uns ont lieu tous les étés, surtout en Suisse alémanique. En Suisse romande, il y a le TCS Ciné Drive-In qui a lieu généralement mi-août à Cossonay. Il y a aussi des événements ponctuels organisés trois fois par année par des bénévoles d'une association qui s'appelle Drive-In Cinéma.
Les Drive-In vont-ils remplacer, momentanément, les salles de cinéma? C'est ce que la rumeur qui court laisse penser, mais cela parait hautement improbable. Mettre en place un Drive-In coûte cher et rapporte peu. Il faut trouver un lieu, obtenir des autorisations, les frais d'entretien sont élevés et le concept ne permet qu'une seule projection, le soir, ce qui limite les recettes. Il est difficile d'imaginer que les exploitants de salles de cinéma, déjà endettés, investissent massivement dans un concept aussi lourd qui a peu de chance de réussir économiquement.
En revanche, pour les Open-Air de l'été, c'est une alternative sérieuse. En juillet et août, les Drive-In pourront occuper le terrain, sous réserve des autorisations délivrées par les politiques. Pourquoi pas un Drive-In géant sur la Piazza Grande de Locarno? Le pari est lancé.
Sujet radio: Rafael Wolf
Adaptation web: Lara Donnet