Après des mois de tergiversations, on y voit un peu plus clair. La 73e édition du Festival de Cannes, qui devait commencer ce mardi, sera bel et bien annulée en raison de la Covid-19. Cela n'est arrivé que deux fois dans son histoire, en 1939 pour cause de guerre mondiale et en 1968, suite aux manifestations estudiantines.
Néanmoins, Cannes sera invité dans d'autres festivals de cinéma pour présenter les films qui avaient été retenus en sélection officielle 2020. Suspense oblige, le contenu de cette sélection sera annoncé en juin. Tous les films porteront le label Cannes, signe de prestige et de qualité.
"Avec le label Cannes 2020 et le marché du film en ligne, un "Cannes hors les murs" sera le troisième axe de notre redéploiement cet automne", dit Thierry Frémaux, délégué général, évoquant une présence aux festivals de Toronto, Deauville, Angoulême, San Sebastian, New York, Busan en Corée du Sud ou encore le festival Lumière à Lyon.
Certains cinéastes ont néanmoins fait savoir qu'ils retiendraient leur long métrage jusqu'en mai prochain pour figurer dans la sélection de la 74e édition du Festival, comme Paul Verhoeven et son très attendu et déjà repoussé "Benedetta" avec Virginie Efira.
Spike Lee fidèle au rendez-vous
Autre information, Spike Lee qui devait présider le jury de cette 73e édition devrait normalement reprendre cette fonction en 2021. "Spike Lee nous a dit qu'il nous serait fidèle quoi qu'il arrive. J'espère que nous y arriverons l'an prochain," a déclaré Thierry Frémaux, au site britannique Screendaily.com.
Le cinéaste américain aurait d'ailleurs dû présenter, hors compétition, "Da 5 Bloods", un film sur la guerre du Vietnam, qui doit sortir directement sur Netflix le 12 juin. Cette "surprise" aurait dû améliorer les relations très tendues entre la plateforme et le festival le plus prestigieux du monde, tensions qui ont donné lieu à plusieurs polémiques.
Un chef-d'oeuvre oublié du palmarès
Pourtant l'histoire d'amour entre Spike Lee et le Festival de Cannes avait très mal commencé. C'était en 1989. Spike Lee présentait en compétition "Do the Right Thing" qui raconte l'histoire de la tension raciale grandissante dans un quartier de Brooklyn, en pleine canicule. Le film commence comme une comédie pour se terminer dans un final tragique, sous le double portrait de Martin Luther King, apôtre de la non-violence, et de Malcolm X, leader du mouvement radical qui prônait la légitime défense. Ce chef-d'oeuvre est à revoir sur Arte.
Alors président du jury de l'édition 1989, Wim Wenders qui, paraît-il, détestait le film en raison du personnage incarné par Spike Lee "sans aucune héroïsme", avait décerné la Palme d'or à "Sexe, mensonges et vidéo" de Steven Soderbergh tandis que "Do the Right Thing" repartait bredouille. Spike Lee, estimant qu'on lui avait volé la Palme d'or, avait gardé rancoeur contre Cannes, mais surtout contre Wim Wenders, dont il avait gravé le nom sur sa batte de baseball.
Depuis leur querelle s'est éteinte et un Grand Prix du jury pour "BlacKkKlansman" est venu célébré le talent de Spike Lee en 2018.
Le coût de l'annulation
L'annulation physique du Festival de Cannes a forcément un coût. Son président, Pierre Lescure, estime que le manque à gagner "pourrait se situer entre 5 et 10 millions" d'euros. Mais il souligne que "la façon dont le festival a structuré ses finances et sa trésorerie en instaurant un fonds de dotation le met à l'abri". Ce fonds est doté d'environ 20 millions d'euros mais, conclut Pierre Lescute, "le festival ne sera jamais une machine commerciale".
Sujet de Rafael Wolf
Adaptation web: Marie-Claude Martin