Les différents rôles du masque au cinéma

Grand Format

WARNER BROS. / Collection ChristopheL via AFP

Introduction

Dans les films de superhéros, les films d'horreur ou en costume, les thrillers ou la science-fiction, le cinéma a toujours raffolé des personnages masqués. Parce qu'ils inquiètent, intriguent ou ravissent. Tour d'horizon de ce camouflage pas comme les autres.

Chapitre 1
Un objet symbolique qui fascine

AFP - Alberto Pizzoli

Masque funéraire, masque de carnaval, masque de clown, ...  cet accessoire existe dans toutes les civilisations et cultures. Un objet que l'on associe toujours à la notion de dissimulation mais qui peut prendre plusieurs aspects.

Le masque peut servir à cacher, révéler, séduire, protéger, recouvrir, faire rire ou faire peur. Dans tous les cas, en porter un exprime toujours quelque chose de celui ou celle qui le porte.

De plus, le masque garantit un pouvoir sur celui qui n'en a pas car il permet de voir sans être vu, de connaître sans être reconnu, et même de changer d'identité. Mais porter un masque n'est pas sans risque. Une fois démasqué, c'est toute la mascarade qui s'écroule.

Dans l'imaginaire collectif, cet objet a toujours fasciné par sa puissance d'évocation. Il ne pouvait donc que séduire le monde de la fiction, en particulier le cinéma, art visuel par excellence, qui a su exploiter tout son potentiel, s'inspirant d'ailleurs souvent d'oeuvres antérieures (romans, bandes dessinées, opéras,...)

Tour d'horizon des principales fonctions du masque au cinéma.

>> A écouter: les masques à l'écran, chronique de Pascal Berheim :

GettyImages 922909346
Six heures - Neuf heures, le samedi - Publié le 9 mai 2020

Chapitre 2
Pour faire le bien

Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

De Zorro, personnage inventé en 1919, aux vengeurs des films de Marvel et DC Comics, un grand nombre de superhéros sont masqués. Cela protège leur identité et leur permet d'avoir une double vie. Celle de justicier luttant pour le bien et celle d'un homme ou d'une femme ordinaire le reste du temps.

>> A lire : Zorro ou les aventures du justicier masqué

Dans le cas emblématique de Batman, son masque - qui devient au fil du temps une cagoule noire avec des oreilles pointues - lui permet de repérer ses ennemis par ultrason, comme la chauve-souris dont il a pris le symbole.

De manière un peu paradoxale, Batman, qui lutte pour le bien, est un homme de l'ombre, toujours impassible derrière son masque. Face à lui, son ennemi, le Joker, porte un maquillage coloré de clown -  tel un masque qui lui collerait à la peau - qui montre sa folie et son extravagance.

Michael Keaton et Jack Nicholson dans "Batman" de Tim Burton. [Warner Bros / The Guber Peters C / Collection ChristopheL/AFP]
Michael Keaton et Jack Nicholson dans "Batman" de Tim Burton. [Warner Bros / The Guber Peters C / Collection ChristopheL/AFP]

>> A lire : "Batman", le film qui a lancé la saga et Les clowns maléfiques au cinéma

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Anne Hathaway dans le rôle de Catwoman dans le film "The Dark Knight Rises". [AP Photo/Warner Bros/Keystone]
[AP Photo/Warner Bros/Keystone]

Chapitre 3
Pour faire peur

Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

S'il y a bien un genre où le masque prédomine, c'est celui des films d'horreur. En plus de protéger l'identité des tueurs, le masque est destiné à effrayer les victimes et le public dans une ambiance malsaine.

Le plus connu est celui de "Scream", film de Wes Craven sorti en 1996. Evoquant le visage triste d'un fantôme apeuré, il rappelle le personnage peint par Edvard Munch dans son tableau "Le Cri".

La force des masques dans les films d'horreur est de montrer aux victimes et aux spectateurs un visage inexpressif, et le plus souvent blafard. Impossible de déchiffrer ce que ressent la personne cachée derrière. Un artifice qui permet d'accentuer le détachement complet des tueurs face à la violence de leurs actes.

Dans le cinéma français, le personnage de Fantômas exploite à merveille cette impassibilité. Dans la trilogie réalisée par André Hunebelle entre 1964 et 1967, Fantômas joué par Jean Marais fait face au commissaire Juve incarné par Louis de Funès. La trouvaille du film - dont Jean Marais s'attribue d'ailleurs l'idée - est d'avoir remplacé la traditionnelle cagoule portée par les criminels par un masque vert qui recouvre toute la tête de l'acteur.

Ce second visage, qui n'exprime rien d'autre qu'une sorte de sourire sarcastique, confère au film un côté inquiétant, ce qui a grandement participé à sa réussite. La critique a parlé d'un "film d'action terrifiant et burlesque" à la fois.

Chapitre 4
Pour cacher

Lucas film / walt Disney / Collection ChristopheL via AFP

Parfois, c'est le visage qui fait peur et le masque est là pour cacher un physique ingrat, difforme ou accidenté.

On pense bien sûr au tueur de "Vendredi 13" qui cache un visage difforme derrière un masque de hockey ou encore "Massacre à la tronçonneuse", où un serial killer trucide des gens pour se fabriquer un masque de chair humaine qui le rendrait plus beau.

Mais les visages monstrueux ne sont pas l'apanage des films d'horreur. L'émouvant Elephant Man, Dark Vador ou encore le Fantôme de l'opéra ont aussi marqué de leur empreinte le 7e art.

Le masque de la série de films "Vendredi 13". [EPA/NEIL HALL/ keystone]
[EPA/NEIL HALL/ keystone]

Plus récemment, pour son film "Au revoir là-haut", adaptation du roman de Pierre Lemaître primé du Goncourt en 2013, Albert Dupontel a fait appel à la créatrice Cécile Kretschmar pour concevoir la série de masques que porte le héros, Edouard Péricourt, ancien Poilu défiguré durant la Première Guerre mondiale.

L'homme y cache ses blessures sous des masques plus originaux les uns que les autres, reflétant son humeur et ses préoccupations. C'est à la fois un cache et un révélateur.

Objets centraux du film, ils ont été conçus par la créatrice comme une collection haute-couture.

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Édouard ne les portait jamais deux fois, le nouveau [masque] chassait l’ancien qui était alors accroché avec ses congénères, sur les murs de l’appartement, comme des trophées de chasse [...].

Extrait de "Au revoir là-haut", Pierre Lemaître

Chapitre 5
Pour séduire

Warner Bros. / Stanley Kubrick P / Collection ChristopheL via AFP

Lorsque l'on parle masque et séduction s'imposent tout de suite des images de bals masqués et de carnavals. Là aussi, le cinéma n'a pas boudé son plaisir.

On retient en priorité le bal costumé de "Eyes Wide Shut" (1999), dernier film de Stanley Kubrick, où le personnage incarné par Tom Cruise assiste une orgie sexuelle masquée, une cérémonie secrète dont on ne saura pas si elle s'est réellement déroulée ou si elle est une pure projection mentale.

>> A lire : "Eyes Wide Shut", le dernier rêve de Stanley Kubrick il y a vingt ans

Autre bal masqué mémorable, celui d'"Amadeus" (1984) de Milos Forman, où Mozart est affublé d'une tête de licorne. En contrepoint de cette vision joyeuse, le réalisateur a conçu plusieurs scènes où l'on voit Salieri, ennemi juré de Mozart, caché sous un masque en forme de spectre et rendant visite au musicien viennois pour lui commander une messe des morts. Terrorisé par cette figure lugubre, Mozart, déjà malade et épuisé, finira par mourir prématurément.

Si Milos Forman a inséré autant de scènes centrées sur la dissimulation, c'est en hommage à Amadeus Mozart, lui-même très porté sur les mascarades. En témoignent ses opéras comme "Les Noces de Figaro" "Cosi Fan Tutte" ou encore "Don Giovanni".

Archétype du séducteur et figure vénitienne par excellence, comment ne pas parler de "Casanova", mis en scène par Fellini, en 1976. Le film s'ouvre par une scène de carnaval, où l'on découvre Casanova déguisé en Pierrot, un costume qui va à l'encontre de la nature rusée du séducteur aux 1001 femmes.

Dans un style tout autre, "The Mask" (1994), qui a lancé la carrière de Jim Carrey, raconte l'histoire de Stanley Ipkiss, personnage timide et peu sûr de lui, qui découvre les pouvoirs surnaturels d'un masque trouvé par terre. Dès qu'il le porte, Stanley devient quelqu'un de totalement désinhibé doublé d'un séducteur hors pair. Accessoirement, il en profite pour braquer quelques banques.

Cameron Diaz et Jim Carrey dans "The Mask" sorti en 1994. [ARCHIVES DU 7EME ART / PHOTO12 VIA AFP]
Cameron Diaz et Jim Carrey dans "The Mask" sorti en 1994. [ARCHIVES DU 7EME ART / PHOTO12 VIA AFP]

On peut aussi séduire par la crainte qu'on inspire - accompagné d'une intelligence sophistiquée. C'est le cas d'Hannibal Lecter, joué par l'incroyable Anthony Hopkins - oscarisé pour ce rôle - dans "Le Seigneur des agneaux" sorti en 1991. Interrogé en prison, le psychopathe cannibale porte une muselière pour éviter qu'il ne dévore quelqu'un et entretient une relation trouble avec l'enquêtrice du FBI, campée par Jodie Foster, oscarisée également.

Chapitre 6
Pour se protéger

Netflix

Même s'il ne s'agit pas de cinéma, impossible de passer sous silence la série "Casa de Papel" où des braqueurs, terrés dans la Fabrique nationale de monnaie à Madrid avec des otages, se protègent de la police en faisant porter à tout le monde une tenue rouge et un masque représentant Salvador Dali. Plus moyen pour les forces de l'ordre de distinguer un voleur d'un otage. Porter un masque devient ici le moyen de devenir anonyme.

Ce masque ironique à l'effigie du peintre surréaliste espagnol, tout comme celui du héros anarchiste "V for Vendetta" (2006) ou le maquillage outrancier du "Joker" seront récupérés par des mouvements politiques comme Anonymous et Occupy avant de devenir un symbole de contestation dans de nombreuses manifestations de par le monde.

>> A lire : Le Joker, symbole de contestation et de révolte dans les manifestations

Enfin, le cinéma n'a pas attendu le coronavirus pour comprendre la fonction sanitaire du masque. Plusieurs films catastrophe ou de science-fiction s'en sont saisis. "Alerte" de Wolfgang Petersen (1995) ou "Contagion" de Steven Soderbergh (2011) n'en sont que deux exemples parmi une pléthore.

Comme dans un twist cinématographique de mauvais goût, il est possible qu'avec la réouverture des cinémas, les masqués changent de camp. Au lieu de les voir sur grand écran, ils seront là, dans la salle, à deux sièges de vous... qui porterez également un masque.

AFP - Stéphane de Sakutin