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La numérisation aussi lente que nécessaire des films d'Alain Tanner

Jean-Luc Bideau et Bulle Ogier dans le film d'Alain Tanner, "La Salamandre", 1971. [AFP]
Numérisation: "La Suisse a pris un retard énorme par manque de volonté politique" / Vertigo / 6 min. / le 14 mai 2020
Secrétaire général de Cinéforom et président de l’Association Alain Tanner, Gérard Ruey œuvre à offrir une nouvelle visibilité aux vingt longs métrages du cinéaste genevois. Et lance un appel pour accélérer la numérisation du patrimoine audiovisuel en ce temps de crise.

Depuis 2017, l’Association Alain Tanner œuvre à la numérisation des vingt longs métrages du cinéaste genevois, comme "Charles mort ou vif" ou "La Salamandre". Pour l’instant, six films seulement ont été numérisés et l'on devrait pouvoir redécouvrir "Fourbi", avec Karin Viard, cet automne sur les plates-formes de vidéo à la demande.

Le travail de numérisation est long et fastidieux et il ne s’achèvera pas avant fin 2022. Pourquoi? Aucun film n’a été perdu ni en trop mauvais état pour être exploité. Mais il faut rechercher les négatifs, qui parfois se trouvent dans des laboratoires étrangers. Il y a souvent des problèmes de droits, il faut vérifier que le film soit complet, faire les démarches pour rapatrier ces négatifs en Suisse, les analyser, les scanner, reprendre le film image par image et le retravailler si possible sous la houlette du chef opérateur de l’époque.

Un travail de fourmi

Tout cela prend trois ou quatre mois et a un coût: la numérisation de "Dans la ville blanche", par exemple, s’est élevée à 45'000 francs. Il s'agit d'un travail de fourmi dont le but va au-delà de la simple "sauvegarde" d’un patrimoine. Selon Gérard Ruey, président de l’Association Alain Tanner, l'objectif principal de l'association est surtout d'offrir une nouvelle visibilité à ces films et de les rendre accessibles au public en les proposant sur des plate-formes numériques.

Numérisé récemment, "Dans la ville blanche" a pu être projeté depuis dans cinq ou six festivals en Asie. Il existe en effet une vraie demande pour les films de Tanner, dont le cinéma intéresse aussi à l’international. Hélas, le processus de numérisation n'est pas très rapide.

La Suisse a pris un retard considérable dans le domaine de la numérisation des films, notamment en comparaison avec les pays scandinaves. On aura de la peine à le combler.

Gérard Ruey, président de l’Association Alain Tanner

Au rythme de cinq films par an

"Aujourd'hui, l'Office Fédéral de la Culture a missionné la Cinémathèque pour numériser les 44 films qui ont obtenu un Prix du cinéma suisse depuis la création de cette distinction en 1998, ainsi que les films sélectionnés par des grands festivals de cinéma", explique Gérard Ruey. "Mais les ressources de la Cinémathèque suisse sont insuffisantes. Ils ne peuvent traiter que cinq films par année".

Et l'ancien producteur de lancer un appel: "En ce moment, beaucoup de laboratoires techniques manquent de travail en raison de la crise liée au Covid-19. Peut-être serait-ce l'occasion d'en profiter pour accélérer le mouvement de numérisation et leur donner du travail?" Pour ce faire, affirme-t-il, il faudrait des ressources humaines supplémentaires à la Cinémathèque suisse pour que l’analyse des originaux puisse se faire, ce qui permettrait ensuite de lancer les travaux de numérisation dans ces fameux laboratoires au chômage technique.

Raphaële Bouchet/mh

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