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33 courts-métrages suisses pour raconter le "Lockdown"

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Lockdown / Vertigo / 18 min. / le 26 mai 2020
Des cinéastes des trois grandes régions linguistiques ont réalisé en un temps record et avec les moyens du bord, ce que leur inspirait le confinement. Une collection qui dit la vitalité et la réactivité du cinéma suisse.

Que filmer quand on est confiné? Comment travailler seul quand d'habitude on travaille en équipe? Comment faire en dix jours ce que d'ordinaire on met des mois à réaliser? Que raconter quand il ne se passe quasiment rien?

Un regard personnel sur une expérience commune

Trois producteurs suisses (Frédéric Gonseth, Mikael Steiger et Michela Pini) ont regroupé leurs forces pour lancer le projet Lockdown Collection Swiss Filmakers. L'idée? Proposer à des cinéastes des trois grandes régions linguistiques de "poser un regard personnel sur le semi-confinement lié à la pandémie et laisser une trace artistique de ce moment étrange, alors que le cinéma suisse est encore paralysé" dit Anne Laure Daboczi, directrice de production.

Une manière également de s'adresser au public sans attendre la réouverture des salles,

>> A écouter, l'interview d'Anne Laure Daboczi, directrice de production :

Collection "Lockdown", by Swiss filmmakers. [RTS]RTS
Lockdown Collection Swiss Filmakers - Partie 1 / Brazil / 8 min. / le 24 mai 2020

Sur 80 projets, 33 projets ont été retenus et réalisés avec les moyens du bord: 16 Alémaniques, 10 Romands et 7 Tessinois. De la réalité des SDF enfermés à l'extérieur à l'exclusion des aînés, de l'enrichissement de certains entrepreneurs en période de crise à la perte inexorable de sa grand-maman de coeur, du journal intime au film contemplatif, la Collection "Lockdown" a déjà valeur de document.

Elle regroupe fiction ("Virula" de Frédéric Gonseth, avec Michel Voïta), documentaires, essais, parfois presque SF ("Si le Soleil ne revenait pas" de Séverine Cornemusaz), journaux intimes ou balades poétiques. Non seulement, cette collection raconte de manière sensible ce que nous aurons vécu pendant cette période inédite de l'histoire mais elle démontre la vitalité et la réactivité du cinéma suisse.

Deux films romands en noir et blanc

Léo Maillard, scénariste de plusieurs séries, dont "Helvetica", et Germinal Roaux, réalisateur du très beau "Fortuna", se sont prêtés, entre autres, à cet exercice exigeant, dont la règle était de terminer son film en moins de dix jours.

Le premier a filmé dans "14" son fils, Samuel, un adolescent qui s'ennuie à mourir dans sa chambre qui devient de plus en plus petite au fil des jours, qui n'en peut plus de ne plus voir ses potes, qui a envie de vivre comme on vit à 14 ans et "de faire l'amour avant de mourir".

Le second a filmé ses sentiments avec son téléphone portable: d'abord l'effroi face cette situation inédite et anxiogène, puis l'émotion de redécouvrir la beauté de la nature et l'éveil du printemps. Les deux films sont en noir et blanc pour capter une forme d'intemporel.

L'Eden vu par téléphone portable

Dans "Revoir le printemps", Germinal Roaux filme ce qu'il voit quand il sort enfin de chez lui et s'aventure en campagne. On y découvre un troupeau de vaches excitées par l'orage qui courent comme des folles, des brebis indolentes qui prennent le soleil, une chienne à la gueule de bois après avoir avalé des oeufs de Pâques en chocolat, des arbres qui font de la musique avec le vent, des chants d'oiseaux comme des solistes, le baiser d'une abeille et d'une fleur.

Il faut attendre la dixième minute pour voir deux enfants, puis un groupe de paysans au loin qui sèment un champ à la main, comme si la présence humaine était une utopie. Son film ressemble à l'image qu'on se fait de l'Eden, il est empreint d'une joie profonde. "Ce que j'ai filmé, jamais je n'aurais pu l'écrire, il fallait que je sois là, dans la vie et plonger dans l'instant présent", dit le réalisateur franco-suisse, admirateur du cinéma minimaliste d'Alain Cavalier.

Solitude et liberté

Pour Léo Maillard, "Lockdown Collection" lui a permis de revenir à la réalisation après tant d'années passées au scénario. "Travailler rapidement ne m'a pas posé de problème. A l'ECAL, j'avais déjà réalisé des films en 48 heures. Ce qui était différent, c'est la liberté. Dans une chaîne normale, il faut convaincre tant de gens, de la production au casting. Ici, je n'ai eu à convaincre que moi-même", dit le cinéaste qui aura aussi fait une autre découverte: son fils est un magnifique personnage de film.

Une partie de ces 33 courts-métrages sont à découvrir sur RTS.ch, sur le replay de RTS2 et dans plusieurs salles de cinéma quand celles-ci rouvriront.

Propos recueillis par Rafael Wolf

Adaptation web: Marie-Claude Martin

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