En février dernier, les journalistes des Cahiers du cinéma avaient sonné la fin de la rédaction du mensuel emblématique de la Nouvelle vague. Les quinze rédacteurs avaient décidé de quitter en bloc le magazine, en désaccord avec les orientations et le profil de ses nouveaux actionnaires depuis le mois de janvier. Soit un groupe d’industriels, de propriétaires de médias et de producteurs de cinéma.
La rédaction dénonçait alors un conflit d'intérêt évident puisque des producteurs se retrouvaient soudain à la tête d’une revue censée critiquer leurs films. Une guerre de pouvoir est alors lancée dans le petit milieu de la critique parisienne, chacun cherchant à mettre la main sur la fameuse revue fondée en 1951 et toujours dominée par les fantômes de ses illustres critiques d’alors: Truffaut, Godard, Rohmer ou encore Chabrol.
Les tenants d’une critique classique, qui analyse les films sous un angle esthétique et historique, et les adeptes d’une nouvelle critique qui place la question du genre, féminin, masculin, ou de la représentation ethnique au cœur de son analyse, s’attaquent par médias interposés.
"Pas de militance idéologique"
Une ambiance délétère règne avant qu'une nouvelle équipe ne se voie enfin nommée au mois de mai. Avec, comme mission critique, de redonner son prestige à la revue dans un contexte de crise de la presse écrite, de crise du cinéma et de crise pandémique.
Quelques jours après la parution du premier numéro de la nouvelle ère des Cahiers du cinéma, sa nouvelle rédactrice en chef adjointe, Charlotte Garson, qui avait déjà travaillé pour la revue en 2001, évoque les enjeux futurs du magazine sur fond de crise du cinéma, de la presse et de la critique: "Les inquiétudes que nos prédécesseurs et nous mêmes en tant que critiques pouvions légitimement avoir se sont dissipées. On a pu travailler librement, même si c'est un très drôle de début".
La nouvelle formule de la revue se veut désormais plus éclectique et ouverte, moins uniforme, d'après Charlotte Garson. "On a collectivement une sensibilité mais je ne pense pas que la revue soit le lieu pour articuler une sorte de militance idéologique". Le magazine, dinosaure numérique, devrait aussi davantage se déployer sur internet et les réseaux sociaux avec de nouveaux formats.
Sujet et interview radio: Rafael Wolf
Texte et adaptation web: Olivier Horner