La bande-son des films de Jim Jarmusch

Grand Format

Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

Introduction

Le réalisateur américain Jim Jarmusch a toujours choisi avec soin les bandes originales de ses films, leur octroyant parfois même le rôle principal. Visite exhaustive de sa filmographie à travers le prisme de la musique.

Chapitre 1
Un dandy amoureux de musique

Nous sommes en 1984. "Stranger Than Paradise" de Jim Jarmusch remporte tour à tour la Caméra d'or au Festival de Cannes et le Léopard d'or au festival de Locarno.

C'est la première fois qu'apparaît sur les écrans radars la longue silhouette de dandy dégingandé et désinvolte de Jim Jarmusch, un personnage si particulier coiffé d'une grande touffe de cheveux noir jais qui va devenir grise puis blanche.

36 ans plus tard, et avec 12 films au compteur, Jim Jarmusch est un outsider qui compte, un membre à part entière de la famille des grands cinéastes.

Né en 1953 dans l'Ohio, le cinéaste américain aux racines familiales tchèques, allemandes, françaises et irlandaises exerce son art depuis 1980.  Et c'est un amoureux absolu de la musique.

En 1984, le Léopard d'Or du Festival de Locarno est attribué à "Stranger than Paradise" . [Keystone]
En 1984, le Léopard d'Or du Festival de Locarno est attribué à "Stranger than Paradise" . [Keystone]

A travers la grande variété des musiques qui illustrent ses films, on découvre un passionné de toutes sortes de registres et de sonorités.

"Dire que j'écoute de tout est un euphémisme: Merle Haggard, Fauré, Schubert, Capone-N-Noreaga, du be-bop, du hardcore, le Velvet... Parfois, j'ai aussi des périodes monomaniaques où je ne vais m'intéresser qu'au bluegrass, ou au dub de King Tubby, ou à l'utilisation des voix classiques par les compositeurs anglais du XVIe siècle, tels William Byrd ou Thomas Tallis" indique le réalisateur.

C’est quelqu’un qui ne s’interdit rien. Ni le rire qui pointe sous la mélancolie, ni la poésie qui traverse tout, ni le cinéma de genre. Interrogé par le journal L'Hebdo en 1999, il confiait:

Le cinéma est plus proche de la musique que beaucoup d'autres formes d'art. C'est un flux, un rythme. Mais avant tout, j'aime la musique. C'est peut-être la manière la plus magnifique d'exprimer des sentiments. Je ne sais pas à quoi ressemblerait le monde s'il n'y avait pas la musique. En tout cas, je n'aimerais pas y vivre

Jim Jarmusch, réalisateur américain

Il a réalisé "Year Of The Horse" (1997), un documentaire consacré à Neil Young et "Gimme Danger" (2016) qui raconte la saga du groupe de rock The Stooges et de son leader Iggy Pop.

En plus du soin apporté à ses BO, Jim Jarmusch a aussi très souvent donnés des rôles principaux à des musiciens-acteurs dans ses films.

Lui-même musicien, il a été chanteur et aux claviers du groupe underground The Del-Byzanteens dans les années 80 avec de jouer avec "Bad Rabbit". Depuis 2010, il est membre du groupe de rock SQÜRL.

Chapitre 2
Le solo de saxopho de John Lurie dans "Permanent Vacation"

Cinesthesia Productions / Collection ChristopheL via AFP

Travail de fin d’études, son tout premier film sortit en 1980, "Permanent vacation" annonce déjà la couleur. A travers le personnage d'Aloysious Parker, un jeune homme désoeuvré, perdu, insomniaque, qui parcourt les rues de New York au rythme de musiques plus diverses les unes que les autres, on peut y voir une sorte de double du réalisateur.

De là à imaginer que la rencontre entre le réalisateur américain et le saxophoniste John Lurie, compère indispensable de bon nombre de ses films, s’est passée exactement comme il la décrit dans "Permanent vacation", il n'y a qu'un pas.

On y voit un jeune homme à la banane immense et rutilante qui demande à un saxophoniste de rue de lui jouer quelque chose "avec des vibrations". Et John Lurie - puisque c’est lui qui tient le rôle du musicien - se lance dans un long solo qui se répercute dans la nuit noire et luisante.

Chapitre 3
Une musique d'avant-garde pour "Stranger Than Paradise"

Photo12 via AFP - Cinesthesia Productions

En 1984, "Stranger Than Paradise" (1984), son deuxième film, fera mouche dans les grands festivals, récoltant la Caméra d'or au Festival de Cannes et le Léopard d'or au festival de Locarno.

Toute la musique est composée par John Lurie. Co-auteur avec Jarmusch, le musicien est également l'un des trois personnages de ce film à l'intrigue et aux moyens minimalistes. Richard Edson, ex-batteur de Sonic Youth y fait ses débuts au cinéma. Le film raconte l'histoire d'Eva - jouée par la chanteuse Eszter Bálint - qui débarque dans un quartier très défavorisé de Lower East Side, à New York. Elle y découvre une vie qui n'est pas si différente de son Budapest natal.

Et de fait, c’est le côté déglingué et grunge des Etats-Unis que le duo Jarmusch et Lurie nous montre dans un road movie très lent, très improvisé, très dépressif, mais au charme prenant.

Interprétée par le Paradise quartet, la BO du film est faite de compositions minimalistes et répétitives, qui évoquent une certaine transe, celle des personnages du film qui avancent dans leur vie comme des somnambules. Une musique à l’avant-garde.

>> A écouter: "Jarmusch écoute la neige tomber", première émission des "Années Lumière" consacrée au réalisateur :

Le réalisateur américain Jim Jarmusch lors du 72e Festival de Cannes en 2019. [Keystone - EPA / Ian Langsdon]Keystone - EPA / Ian Langsdon
Années lumière - Publié le 31 mai 2020

Chapitre 4
La voix râpeuse de Tom Waits au service de "Down by Law"

ISLAND PICTURES/BLACK SNAKE / PHOTO12 VIA AFP

En 1986, John Lurie, est une fois de plus à l'affiche "Down by Law". Il tient ici le rôle d'un proxénète macho et cool à la fois, dans une distribution réduite mais inoubliable complétée par le chanteur Tom Waits, animateur radio virtuose et alcoolique, la radieuse Nicoletta Braschi qui tient un petit café dans un coin totalement paumé et l’incroyable Roberto Benigni à l’anglais hésitant mais intarissable et avec l’enthousiasme d’un Saint-François atterri on ne sait pas comment dans un coin de Louisiane.

Une Louisiane incroyablement photogénique dont Jarmusch montre la pauvreté, la drogue et la prostitution dans une décadence filmée en noir et blanc.

Rien que pour sa scène d’ouverture, "Down by Law" mérite qu’on le voie et revoie! La voix râpeuse et amère de Tom Waits qui chante "Jockey Full of Bourbon", ricoche parfaitement sur ce long travelling dans les rues de La Nouvelle Orléans, qui nous montre une Amérique défaite, la gloire passée des façades des somptueuses maisons du sud, leurs galeries, leurs colonnades, pour atterrir dans une chambre d’hôtel de passe décatie.

"Down by law" raconte l'histoire de trois antihéros qui se retrouvent coincés dans une cellule de prison en Louisiane. Comment y ont-ils atterri? Ca n’est pas très clair. Mais le mélange entre le maquereau qui a des goûts de luxe, le DJ déglingué et le petit clown céleste nous vaut des scènes d’un humour décapant et poétique à la fois.

Comment font-ils pour s’échapper? On ne le sait pas vraiment non plus, mais les voilà en train de courir dans le bayou - chose difficile ! Un territoire marécageux, mystérieux, ombrageux, superbement mis en images par Jarmusch, et en musique par Lurie!

De gauche à droite: le réalisateur Jim Jarmusch, les acteurs Nicoletta Braschi et Roberto Benigni et le compositeur John Lurie. Présentation du film "Down by Law" en 1986 au Festival de Cannes. [AFP]
De gauche à droite: le réalisateur Jim Jarmusch, les acteurs Nicoletta Braschi et Roberto Benigni et le compositeur John Lurie. Présentation du film "Down by Law" en 1986 au Festival de Cannes. [AFP]

Ils sont séparés un moment, égarés dans le bayou, mais les voilà réunis, auprès de Nicoletta Braschi, gérante d'un café situé au bord d’une route rigoureusement déserte.

Et là, c’est l’amour total et fusionnel entre Benigni et la patronne, qui sont d'ailleurs un vrai couple dans la vie. Après la prison, la fuite éperdue, la nature hostile, voici un bijou de tendresse, une scène de danse entre les deux Italiens sous les yeux médusés de nos repris de justice.

Chapitre 5
Le fantôme d'Elvis plane sur "Mystery Train"

Archives du 7e Art/JVC Entertainment Networks/Mystery Train/AFP - Sukita.

Tourné par Jarmusch à Memphis, la ville d'Elvis, la musique du film "Mystery Train" - qui est également un titre chanté par le King -  est une fois de plus composée par John Lurie qui offre une BO subtile flirtant avec le jazz, le blues et la country.

Le film est construit en trois sketchs qui mettent en scène un couple de jeunes Japonais un peu perdus, une veuve italienne – revoici Nicoletta Braschi, sans Benigni -  et un Anglais.

Premier tournage en couleur après ses succès en noir et blanc de "Stranger Than Paradise" et "Down by Law", "Mystery Train" est un film musical en hommage à l'Amérique profonde.

Jim Jarmusch nous promène, un rien désabusé, dans ce cimetière nostalgique qu’est la ville de Memphis, dans le Tennessee, et nous la montre par le prisme de ses antihéros. Toujours dans la lenteur, dans le non-dit, mais avec un côté sarcastique parfois, un humour pince-sans-rire et un goût pour les situations absurdes qui ne se dément pas. On y croise le chanteur de blues Screamin' Jay Hawkins derrière un comptoir et le fantôme d'Elvis qui lévite dans une chambre d'hôtel.

Chapitre 6
Un tour du monde en taxi dans "Night on Earth"

MOUNE JAMET / Collection ChristopheL via AFP

Après les trois sketchs de "Mystery Train", on prend de la hauteur, de la distance et on se lance carrément dans un tour du monde de nuit, en cinq vignettes, avec "Night on Earth", en 1991.

Les harmoniums asthmatiques et les cloches perdues dans le lointain sont l'oeuvre de Tom Waits, le deuxième grand complice après John Lurie de Jim Jarmusch. L'artiste signe la BO de ce film qui nous embarque de nuit à bord de taxis à Los Angeles, New York, Paris, Rome et Helsinki.

A l'affiche, on retrouve Roberto Begnini aux côtés de Béatrice Dalle, Gena Rowlands, Winona Ryder et Giancarlo Esposito.

Chapitre 7
"Dead Man", une bande-son improvisée par Neil Young

Pandora Filmproduktion / Photo12 via AFP

"Dead man" (1995) est un western psychédélique hanté par la mémoire du peintre et poète anglais William Blake et dans lequel Johnny Depp joue le rôle d'un comptable timide et coincé qui se mue en hors-la-loi, et qui se fait happer par la magie d'un indien en écoutant la musique de Neil Young.

Rock, folk, blues, country, Neil Young a tout chanté, tout composé. Sa grande heure de gloire a eu lieu dans les années 70. Ensuite  le chanteur - qui vit très retiré dans le nord-ouest des Etats-Unis - a pris ses distances avec le show-biz. Ce qui ne pouvait que plaire à Jarmusch, éternel indépendant.

Le réalisateur a mis longtemps à apprivoiser le guitariste légèrement has been. Finalement, il va en obtenir plus qu'il n'aurait pu espérer: Neil Young improvisera la musique directement devant l'écran, comme l’avait fait Miles Davis pour le film "Ascenseur pour l’échafaud"

>> A lire : "Ascenseur pour l'échafaud" et la BO de Miles Davis

Pendant le tournage, [Neil Young] jouait pas loin, dans l'Arizona, et nous nous sommes rendus au concert en formation commando, avec toute l'équipe du film. Je l'ai coincé dans les coulisses, mais il n'était toujours pas très intéressé. Il est d'un naturel très réservé. Il a fini par me demander de lui envoyer un montage du film et, quand il l'a vu, il s'est proposé d'improviser une bande-son en direct, live devant l'écran. En deux jours. Juste lui et sa guitare. Je ne pouvais pas rêver mieux.

Jim Jarmusch, réalisateur américain

Un western, "Dead Man"? En fait non. C’est une dénonciation de la brutalité des colons, de tous les lieux et de toutes les époques. C’est un long rêve éveillé, un poème visuel et sonore, avec en guest-star un poète et visionnaire, mort depuis longtemps, William Blake, et son homonyme dans le film, Johnny Depp, totalement dépassé par les évènements. Un film avec l’Amérindien ultra-civilisé Gary Farmer, qui récite de la poésie tout en chevauchant, pour supporter sa solitude de déraciné.

Il y a aussi Robert Mitchum dans son dernier rôle, magistral, complètement allumé. Il y a ce noir et blanc monochrome, des photos d’archives, une reconstitution minutieuse et splendide que jamais aucun western ne s’était donné la peine de nous offrir…

Chapitre 8
Le hip-hop de RZA au générique de "Ghost Dog"

AFP - Christophe Simon

Après Neil Young pour "Dead Man", c'est RZA, fondateur et membre du groupe hip-hop Wu-Tang Clan qui va assurer le rôle de source musicale dans le film suivant de Jim Jarmusch. Et comme souvent avec ce réalisateur, le musicien apparaît aussi à l'écran dans le rôle d'un passant en tenue de camouflage.

Nous sommes en 1999 quand sort l’étrange "Ghost Dog, la voie du Samouraï." Une sorte de synthèse entre la mythologie du samouraï japonais et celle de la mafia new-yorkaise. Forest Whitaker, alias Ghost Dog, y tient le rôle d’un tueur à gages afro-américain qui ne communique que par pigeons voyageurs…

C’est un film d’action avec des ralentis philosophico-taoïstes, des running gags et une esthétique encore une fois réinventée. Et ce ne sera pas la dernière fois!

Chapitre 9
Une ribambelle de stars dans "Coffee and Cigarettes"

AFP - Loic Venance
L'affiche du film "Coffee and cigarettes" de Jim Jarmusch. [Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]
L'affiche du film "Coffee and cigarettes" de Jim Jarmusch. [Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]

"Coffee and Cigarettes" est un drôle de film à sketchs, où il est question de caféine, de nicotine, d’addiction et d’egos qui se rencontrent. Au casting, de nombreux musiciens qui jouent leur propre rôle dont Tom Waits, Iggy Pop, Meg White, Jack White ou encore GZA et RZA.

Tout ça avec un goût de la contrainte presque académique. On dirait un film de fin d’études avec un lieu unique, un café typique américain, ses banquettes super rembourrées, sa longue table, sa lampe et puis quelques personnages qui se rencontrent dans ce huis clos. Et des échanges qui dérapent souvent dans des non-sens parfois formidables, parfois décevants.

Grand numéro d’actrice pour Cate Blanchett qui interprète deux cousines à la fois, fabuleux duo de crooners cabotins pour Tom Waits et Iggy Pop, qui font semblant de se rencontrer, semblant d’avoir arrêté la cigarette, et se félicitent - puisqu’ils ont arrêté, eux - de pouvoir en fumer une, juste une...

Dans "Coffee and Cigarettes", la bande-son est à l’image de ces vieux jukebox des années 50, terribles machines à remonter le temps. On y trouve de tout: musique hawaïenne et gros rock qui tache, version revue par Iggy Pop - qui se révèle un acteur tout à fait magnétique.

A son propos, Jim Jarmusch a dit: "Il y a Iggy et il y a Jim Osterberg. Quelqu'un de généreux, d'érudit, qui lit sans arrêt des livres, de calme, qui aime rester à la maison et boire une tasse de thé. En tant qu'acteur, il est soigneux, creuse les choses, aime être dirigé, poser des questions. Mais Iggy Pop sur scène, c'est quelqu'un d'autre, de tapageur à mort. Faut se gaffer, on ne sait pas à quoi s'attendre, il est incontrôlable, frappé. Une sorte de mélange entre Bruce Lee, Nijinski et Rambo"

Chapitre 10
"Broken Flowers", "The Limits of Control et "Only Lovers Left Alive"

Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

Dans "Broken flowers", sorti en 2005, Bill Murray, homme à femmes plutôt sur le retour, vient de recevoir une lettre anonyme: il a un fils de 19 ans. Il se lance alors dans une enquête épineuse pour en identifier la mère. Sujet un peu prétexte, mais le catalogue musical du film est plus varié que jamais, passant du jazz éthiopien bouillant de Mulatu Astatke au Requiem de Fauré.

>> A écouter: "Jarmusch et le chien fantôme", deuxième émission des "Années Lumière"consacrée au réalisateur :

Le réalisateur Jim Jarmusch à Cannes en 2013. [EPA/Keystone - Sébastien Nogier]EPA/Keystone - Sébastien Nogier
Années lumière - Publié le 7 juin 2020

Un tueur à gages (Isaach de Bankolé) parfaitement élégant et mystérieux, qui traverse l’Espagne à la poursuite d’une mission mystérieuse, ésotérique, voire transcendantale. Encore une intrigue minimaliste, dans "The Limits of Control" sorti en 2009. On pense un peu à l’Antonioni de "Profession Reporter", l’Espagne, la mort… Sauf que chez Jarmusch, on meurt rarement.

Dans "The limits of Control", thriller cérébral, Jarmusch nous propose un retour à la stylisation de ses premiers films, et on y trouve au niveau musical du flamenco local, incontournable, mais aussi la musique de son propre groupe électronique, Bad Rabbit, et même du Schubert, compositeur que le réalisateur idolâtre.

>> A écouter: "Jarmusch et les zombies", dernière émission des "Années Lumière"consacrée au réalisateur :

Le cinéaste Jim Jarmusch assiste à la première de "The Dead Don't Die" au Museum of Modern Art à New York, en juin 2019. [AFP - Getty Images North America / Theo Wargo]AFP - Getty Images North America / Theo Wargo
Années lumière - Publié le 14 juin 2020

"Only Lovers Left Alive" est le récit de l’amour éternel - et pour cause - puisqu'il s'agit de deux amants vampires, Tilda Swinton et Tom Hiddelston. Elle vit à Tanger, lui dans une banlieue toute déglinguée de Détroit. Ils s’aiment depuis des siècles, mais ils ont de plus en plus de mal à s’adapter au sombre monde moderne. On peut y entendre la musique de Sqürl, groupe auquel le réalisateur appartient depuis 2010, des tubes oubliés des années soixante, mais surtout la voix de la chanteuse libanaise Yasmine Hamdan.

Chapitre 11
"Paterson" film et musique signés... Jim Jarmusch

AFP - Loïc Venance

"Paterson" est comme une histoire pour enfants. Même la musique que Jim Jarmusch compose est d’une douceur infinie et surprend beaucoup chez ce rockeur impénitent, copain de toujours de canailles surdouées et tapageuses de la trempe de John Lurie, Tom Waits, ou Iggy Pop.

Jim Jarmusch s’est remis à la guitare, mais en laissant la distorsion débranchée. Ses nappes électroniques s’emploient à traduire l’espèce d’état hypnotique de Paterson, le héros (incarné par Adam Driver), qui habite à Paterson, justement, bourgade de la côte Est des Etats-Unis.

Dans ce film, tout est dans l’allitération, dans la rime, comme dans une comptine: Paterson vit à Paterson, il est conducteur de bus (comme son nom de famille l’indique, "Driver"), il est poète aussi, constamment et avec humilité, comme ce William Carlos Williams au nom redondant, qu’il admire.

"Paterson" est une déclaration d’amour et de douceur, de paix et de tranquillité, qui frôle parfois le gnangnan. L’étrange relation entre le poète chauffeur de bus et sa femme cloîtrée et infantilisée (Golshifteh Farahani) est sublimée par des vues de leurs nuits, depuis le plafond, de leurs corps endormis dans toutes sortes de variations très pudiques et tendres. C’est la chronique d’un quotidien où il n’arrive rien, sauf plein de petites choses.

Chapitre 12
Retour au rock et à l'électronique pour "The Dead Don't Die"

Animal Kingdom / Collection ChristopheL via AFP

Avec "The Dead Don't Die", sorti en 2019, Jarmusch nous surprend encore une fois. Il réunit ses vieux amis, la constellation d’artistes qu’on a vus défiler dans ses films depuis 30 ans: Bill Murray, Adam Driver, RZA, Tilda Swinton, Tom Waits, sans oublier Iggy Pop, et verse dans le film de zombies.

Un film avec un humour mordant et une bande-son qui retourne au rock et à l’électronique et qui est signée, comme pour le précédant, du groupe Sqürl.

"The Dead Don't Die" est le dernier film en date de l’étonnant, inclassable et admirable Jim Jarmusch. On attend le prochain avec impatience.

https://www.youtube.com/watch?v=x_PFTO_EAsE