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"Tu préfères manger du porc ou ne plus jamais voir ta mère"

"Tu préfères", une mini série drôle et pertinente d'arte. [arte]
Débat série / Vertigo / 25 min. / le 3 juillet 2020
Mini-série d'Arte de 10 épisodes, "Tu préfères" sonde le quotidien de quatre adolescents d'un quartier populaire de Paris. Un beau portrait de groupe, enjoué et totalement addictif de Lise Akoka et Romane Gueret.

Ils ont 16 ans, la tête pleine d’idées arrêtées, et une tchatche d'enfer. Shaï, Djeneba, Aladi et Ismaël ont grandi entre les quatre tours de la Place des Fêtes, un quartier populaire à Paris. Ensemble, ils laissent filer les heures, se vannent et jouent à leur jeu favori: "Tu préfères". Par exemple: "tu préfères nettoyer les toilettes pour 10'000 euros par mois ou toucher le SMIC toute ta vie avec un taf qui te plaît?" Ou: "tu préfères avoir de gros seins ou de grosses fesses?" Ou encore: "tu préfères avoir un enfant handicapé ou pas d'enfant du tout?"

Autant de questions à priori stupides mais qui permettent de traiter de la famille, de la sexualité, de la religion, de l'amitié, du travail, de l'argent ou de l'amour, de manière originale et enjouée.

Mini-web série de 10 épisodes de Lise Akoka et Romane Gueret, "Tu préfères" capte l'énergie de l'adolescence et s'autorise des propos très libres, parfois crus, loin du politiquement correct. Au fil des joutes verbales, les personnalités se dessinent, les amitiés s'affirment ou se fragilisent. Cette série, une fiction qui laisse une grande part à l'improvisation, a totalement conquis deux des trois critiques du débat de l'émission "Vertigo".

Aimée Papageorgiou:"C'est un gros coup de coeur. Ces ados m'ont fait rire, ils m'ont touchée et bluffée par le naturel de leur interaction et dans leurs dialogues. C'est un vrai portrait de l'adolescence d'aujourd'hui même si le milieu social est marqué. Filmé à hauteur d'ados, on est avec eux sur la terrasse du toit ou à la piscine".

Au fil des épisodes, ils revendiquent des valeurs, et leur fraîcheur n'enlève rien à leur lucidité.

Aimée Papageorgiou

"Nous mêmes, en tant qu'adultes, nous n'avons pas forcément de réponses à leurs questions, notamment concernant le travail ou le bonheur".

Double bémol

Anne-Laure Gannac est moins enthousiaste que ses collègues: "C'est très bien rythmé, bien réalisé, organique et ces quatre jeunes sont des aimants à caméra, mais j'ai deux réserves. D'une part, je n'ai pas l'impression d'avoir appris quelque chose de nouveau par rapport à des films comme "L'Esquive", "Divines" ou "Les Misérables". Ensuite, je dois avouer qu'après avoir regardé plusieurs épisodes à la suite, j'ai éprouvé une certaine déprime - mais c'est peut-être ma minute vieille réac. Cette jeunesse est intelligente, vive d'esprit et avide de questions mais pour alimenter leur conversations, il n'y a que trois sources: Youtube, les réseaux sociaux et la religion.

A la fin, leurs discussions sont pétries de clichés et de stéréotypes, de genre, de race.

Anne-Laure Gannac

Pétri de tendresse

Antoine Bal n'est pas du tout d'accord. Pour lui, ces ados vont assez loin dans leurs idées et les thématiques qu'ils abordent sont rarement binaires. "C'est une prouesse de parvenir à nous toucher dans un format aussi court puisque chaque épisodes dure 7 minutes. Mais surtout j'ai été saisi par la tendresse de cette série. Certes, il y a des blagues et des vannes dans tous les sens mais ces quatre ados sont à fleur de peau à chaque fois. Leur vulnérabilité est toujours là, et la série rend bien compte de leur position bancale entre l'enfance et l'âge adulte, cet âge où l'amitié est si forte, presqu'amoureuse, mais déjà menacée par le spectre de la rupture parce que l'expérience des uns et des autres vont peut-être les séparer.

La série montre très bien cette formation de la carapace, notamment par les vannes, pour faire face à la violence de l'adolescence.

Antoine Bal

Propos recueillis par Laurence Froidevaux

Adaptation web: Marie-Claude Martin

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