Associées pendant longtemps à la culture populaire, les séries télévisées ont souvent été méprisées par la critique et par le monde du cinéma.
Mais depuis une quinzaine d'années, elles ont reçu leurs lettres de noblesse et sont désormais décryptées et critiquées dans les médias généralistes ou spécialisés au même titre que les films. Et couronnement ultime, les séries sont désormais étudiées dans les universités.
Parmi les aspects qui intéressent les chercheurs, il y a celui du récit. La manière d'écrire des séries a remis en question un certain nombre de principes qui définissaient jusque là ce qu'était un récit.
Invité dans l'émission "Médialogues" en novembre 2019, Raphaël Baroni, professeur associé à l'école de français langues étrangères de l'Université de Lausanne et spécialiste en narratologie - science qui étudie la manière dont les histoires sont racontées - en donnait les principales spécificités.
Tout d'abord, il y a ce principe de travail collectif. Contrairement à une histoire de roman ou de film, la série télévisée est le plus souvent écrite par plusieurs scénaristes qui peuvent travailler ensemble ou se relayer sur plusieurs années de production.
Le développement du récit d'une série TV a également la particularité d'être ouvert. La fin n'est, la plupart du temps, pas décidée à l'avance. L'histoire peut ainsi évoluer dans des directions diverses en fonction des envies des scénaristes successifs, du succès ou non des premières saisons et des réactions du public.
Mais c'est la dernière saison qui est le plus difficile à négocier pour les scénaristes. Que ça soit "Lost" ou plus récemment "Game of Thrones", les séries ont souvent de la peine à se terminer de manière satisfaisante pour les fans.
La forte interaction avec le public au fil des saisons est une autre des caractéristiques des séries. On a vu des fans lever des fonds pour demander de refaire la dernière saison ou le dernier épisode de telle ou telle série et dans des cas extrêmes, des menaces de mort ont même été adressées à certains créateurs.
Que ça soit dans des soap operas comme "Dallas" ou plus récemment dans "Lost", "The Walking Dead", "Game of Thrones" et tant d'autres, le "cliffhanger" (littéralement: "accroché à la falaise"), même s'il n'est pas toujours très subtil, est un élément-clé de la narratologie des séries.
Cette technique qui remonte aux romans-feuilletons du 19e siècle consiste à créer des suspens insoutenables à des moments importants. Utilisé dans les romans, films et bds, c'est une arme plus que redoutable pour les séries télévisées. Terminer un épisode, en particulier le dernier d'une saison, avec un "cliffhanger" étant le meilleur moyen pour que les spectateurs se précipitent sur le prochain.