Il a joué les antidépresseurs durant le confinement avec d'énièmes rediffusions de ses plus grands films. Louis de Funès joue les prolongations à Paris avec une exposition du 15 juillet au 31 mai 2021, couplée avec une rétrospective estivale de 35 films.
C'est la première fois que la Cinémathèque française consacre une grande exposition à un acteur. Né le 31 juillet 1914 à Courbevoie de parents espagnols, Louis, Germain, David de Funès de Galarza est mort le 27 janvier 1983 à Nantes, à l'âge de 68 ans et après une carrière riche d'une cinquantaine de films, pour beaucoup de devenus cultes.
L'acteur s'est progressivement imposé comme un monument du cinéma français, avec des personnages aussi démesurés qu'attachants. Petit et râblé, Louis de Funès n'aimait pas son corps, mais son pouvoir comique en a fait un outil capable de raconter une histoire. Il a aussi su user de son sourcil courroucé pour faire rire à n'en plus finir et son verbe fort pour nourrir des générations entières de sentences inoubliables.
Cruchot, Juve, Saroyan ou Duchemin
Dans cette exposition événement, qui espère attirer au moins 100'000 visiteurs malgré les contraintes sanitaires, la panne du tourisme et la réservation obligatoire en ligne, ils sont évidemment tous là.
On peut y rencontrer l'indémodable maréchal des logis Cruchot accompagné de ses gendarmes, le commissaire Juve à la recherche de Fantômas, Rabbi Jacob et ses pas de danse, le colérique chef d'orchestre Stanislas partant en vadrouille avec son compère Bourvil, le critique gastronomique Duchemin ou encore le machiavélique Léopold Saroyan cherchant un corniaud pour accomplir ses magouilles.
Moins connu peut-être, c'est l'épicier Jambier de "La traversée de Paris" qui ouvre l'exposition, un film diffusé en 1956. Louis de Funès, alors âgé de 42 ans, y décroche son premier rôle d'envergure aux côtés de Jean Gabin et Bourvil.
La 2 CV du "Corniaud"
Pour mieux connaître ce maître du comique, travailleur obstiné qui ne laissait rien au hasard, la Cinémathèque a choisi de présenter quelque 300 documents, photographies, lettres, carnets, costumes, objets et vidéos.
Parmi les pièces présentées figurent les mille morceaux de la 2 CV bleue qu'emboutit De Funès au début du "Corniaud", la voiture estampillée Fantômas, le costume de la Denrée ou la statue de cire du Gendarme, prêtée par le musée Grévin. D'immanquables extraits de films ("La Folie des grandeurs", "La Grande Vadrouille", "L’Aile ou la cuisse") feront aussi rire les visiteurs.
Cette exposition met aussi en avant des facettes moins connues de l'acteur, comme sa passion pour le jazz. Dans sa jeunesse, Louis de Funès a d'ailleurs péniblement gagné sa vie comme pianiste de bar. On le découvre aussi pionnier de l’écologie et amoureux de la flore. Une rose porte même son nom. On apprend à connaître un homme très sensible, pudique et généreux, à des années lumières de ses meilleurs rôles.
"De Funès, c’est nous en pire"
"Je trouvais que c'était normal de faire venir le plus grand comique français, qui reste le héros de cinq générations, et n'avait pas été beaucoup reconnu au début de sa carrière, dans la maison du cinéma", raconte Alain Kruger, commissaire de l'exposition interrogé par l'afp.
Selon la Cinémathèque, la filmographie de Louis de Funès "se confond avec notre histoire" et l'acteur est "la juste incarnation des personnages les plus injustes. Ses rôles décrivent sa vie, l’ascension d’un sans-grade: du petit chef au chef d’orchestre, du sous-officier au capitaine d’industrie, des privations aux dérèglements de la société de consommation."
Louis de Funès est aussi une incarnation de la France d’après-guerre, que l'on aime et que l'on chérit. Comme le dit la Cinémathèque dans son communiqué, il est "impossible d’en vouloir à ses personnages d’être menteurs, roublards, ronchons, grognards, grognons, veules, voleurs, égoïstes, colériques, racistes, paranos, bilieux, chauvins, méprisants, obséquieux… Ils souffrent et nous rassurent, de Funès, c’est nous en pire."
Et pour finir, vous reprendrez bien d'un "Ben maintenant, elle va marcher beaucoup moins bien, forcément...":
>> Relire les grands formats consacrés à trois films cultes de Louis de Funès : "Le Gendarme de Saint-Tropez", une bouffonnerie devenue culte, La Grande Vadrouille, un des films préférés des Français et "Les aventures de Rabbi Jacob", une comédie culte qui flirte avec les codes
Frédéric Boillat avec afp