Peu connu du grand public, Philippe Garrel crée l'événement chez les cinéphiles à chaque nouvelle sortie. Certains se souviendront des "Amants réguliers" ou "L'Ombre des femmes". Depuis mercredi 22 juillet, le dernier film du réalisateur, "Le Sel des larmes" est à voir dans les salles. Film intense et épuré, tourné en noir et blanc sur pellicule, une fois encore, Philippe Garrel y raconte une histoire d'amour torturée: celle de Luc, apprenti ébéniste tiraillé entre trois femmes.
La méthode de la prise unique
Depuis cinquante ans, le réalisateur produit des films en marge de tout système commercial et pratique la même méthode: ne laisser qu'une prise à ses acteurs, après des mois de répétition, et tourner les scènes dans l'ordre chronologique.
L'actrice suisse Souheila Yacoub a été l'élève de Philippe Garrel au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique. "Le Sel des larmes" est le premier film de Garrel dans lequel elle joue. Et la méthode du réalisateur l'a quelque peu déstabilisée. "La prise unique me faisait très peur, j'ai dû apprendre à lâcher prise totalement", raconte Souheila Yacoub à la RTS.
Ce que j'ai compris avec Philippe, c'est que ce qu'il aime, c'est l'insécurité, le fait de ne pas être sûr de soi, de se tromper.
Apprendre le lâcher-prise
Les acteurs ont travaillé un an et demi, tous les samedis après-midi. "On faisait une fois chaque scène, comme un tournage. On revenait le samedi suivant, et on refaisait une fois chaque scène, dans l'ordre chronologique", explique Souheila Yacoub. "L'accident, qu'aime Philippe, et qui peut arriver dans la prise unique au moment du tournage, c'est ce qui fait que son cinéma est génial".
Souheila Yacoub le concède, son passé de gymnaste - elle a fait partie de l'équipe suisse de gymnastique rythmique - lui a appris le contrôle. Avec cette manière de travailler, elle a dû apprendre le lâcher-prise et à se faire confiance. "Comme il cherche la pureté, il ne veut pas que l'on joue un personnage". Pour cela, le réalisateur cherche à être au plus près de ses acteurs, quitte parfois à retravailler son texte si les comédiens ne le ressentent pas. "En ayant travaillé avec Philippe, je me rends compte aujourd'hui, après cette expérience, que j'aime quand même le fait de faire plusieurs prises", dit en riant Souheila Yacoub.
Propos recueillis par Raphaële Bouchet
Adaptation web: Lara Donnet