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"Petit Pays" de Gaël Faye, le génocide vu par un enfant sur grand écran

Une image du film "Petit Pays". [Pathé Distribution]
Séquence 3 / Vertigo / 6 min. / le 27 août 2020
Le génocide et la guerre civile par les yeux d'un enfant de 10 ans: "Petit Pays", adaptation pudique et déchirante du roman de l'auteur compositeur franco-rwandais Gaël Faye par le réalisateur Eric Barbier , sort en salles ce vendredi.

Le réalisateur Eric Barbier ("La promesse de l'aube") livre une traduction émouvante de ce roman inspiré notamment de l'enfance de Gaël Faye, sur fond de montée du conflit entre Hutu et Tutsi et de séparation des parents. Succès de librairie, et révélation pour son auteur en 2016, le roman a été couronné par plusieurs prix littéraires, et traduit en près de 40 langues.

>> A lire : "Petit pays" de Gaël Faye, un roman pour sauver de l'oubli la beauté du Burundi

A l'écran, le petit Gabriel (Djibril Vancoppenolle), fils d'un Français expatrié (incarné par Jean-Paul Rouve avec une intériorité formidable) et d'une réfugiée rwandaise (Isabelle Kabano) au Burundi, fait redécouvrir son paradis perdu, le Bujumbura heureux de cette période.

La vie de Gabriel va voler en éclats. Ses parents sont en train de divorcer. Puis le basculement dans la guerre civile en 1993, qui marque la fin de son innocence. Six mois plus tard au Rwanda voisin, le génocide emporte la minorité tutsi.

Le roman d'une façon nouvelle

"Là où je me retrouve vraiment, c'est dans le regard de l'enfant. Ce qui est très intéressant, dans le roman et dans le film, c'est qu'en fait on voit tout à travers les yeux d'un enfant", explique Eric Barbier. Pudique, sans pathos, tenu, le film colle au plus près du livre de Gaël Faye. Lors d'une projection avant la sortie en salles, retardée par l'épidémie de coronavirus, l'auteur s'est dit ébranlé de redécouvrir son roman d'une façon nouvelle, sur grand écran.

"Quand Eric (Barbier) s'empare de cette histoire, il l'écrit d'une autre façon. Et je suis obligé de baisser la garde, parce qu'il faut que je rentre dans son histoire", dit encore le chanteur, compositeur et écrivain, qui a grandi lui-même au Burundi et dont une partie de la famille est réfugiée, originaire du Rwanda.

La famille au coeur du film

Là où le livre mettait l'accent sur l'évocation nostalgique et poétique d'une enfance perdue à travers l'histoire d'une bande de garçons vivant au grand air, vue à hauteur d'enfant, le film l'aborde aussi, mais se resserre davantage sur la cellule familiale.

Il montre aussi la montée de la violence et ses répercussions sur une famille de façon plus frontale que le livre mais sans images démonstratives, en racontant le quotidien de Gabriel, de ses parents et de sa petite soeur, dans leur maison d'où ils entendent les récits et les bruits de la guerre.

"J'ai poussé le fait qu'il y a cette maison. Tout se passe là", explique Eric Barbier, soulignant que "au fur et à mesure, les choses se referment" dans un "huis clos qui est plus anxiogène".

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Rendez-vous cinéma: les sorties de la semaine commentées par Stéphane Gobbo et Rafael Wolf. / 12h45 / 10 min. / le 26 août 2020

Avant-première à Kigali

L'affiche du film "Petit Pays". [Pathé distribution]
L'affiche du film "Petit Pays". [Pathé distribution]

Le film a déjà été présenté en mars, avant la pandémie, lors d'une émouvante avant-première à Kigali, dans trois salles bondées de l'unique cinéma du pays, en présence de l'épouse du président, Jeannette Kagame - elle-aussi née au Burundi - de plusieurs ministres et de nombreux représentants de la scène artistique rwandaise.

"Ce roman et ce film sont la preuve que même si vous parlez de vous-même, de vos origines et de votre histoire propre, vous pouvez parler au monde entier", avait alors déclaré Gaël Faye: "Petit Pays parle de ce rêve des réfugiés de pouvoir un jour rentrer dans leur pays".

Un film tourné au Rwanda

Le film a été tourné au Rwanda et non au Burundi "en raison de la situation politique" dans ce pays, plongé dans une crise politique depuis 2015, selon l'écrivain et musicien, très impliqué dans l'écriture du script et le choix des acteurs rwandais.

Le Rwanda n'ayant pas réellement d'industrie cinématographique, Gaël Faye et le réalisateur s'étaient résolus à faire tourner principalement des amateurs. "Gaël et moi, on avait la volonté de tourner avec des acteurs et des gens concernés par cette histoire. [...] Il y avait aussi une volonté de tourner entre ces deux pays [le Rwanda et le Burundi], une volonté de retrouver une certaine vérité avec des gens touchés par cette histoire", explique le réalisateur. Le film, d'un budget de cinq millions d'euros, a été intégralement tourné au Rwanda, en grande partie dans la région de Gisenyi, près de la République démocratique du Congo (RDC).

ld/rw et agences

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