Pour son neuvième long métrage, le cinéaste allemand Christian Petzold ("Barbara", "Phoenix", "Transit") plonge dans un conte populaire germanique pour livrer un film tout en miroitement et fluidité.
Les ondines sont des naïades qui, contrairement aux sirènes, ne hantent pas les mers mais fréquentent les eaux courantes, rivières, fontaines et marais. Elles ont comme particularité de ne pouvoir exister sur terre que par l'amour d'un homme. Mais si elles sont trahies, elles doivent faire mourir leur amant infidèle avant de retourner dans l'eau. "Si tu me quittes, je dois te tuer, tu le sais". Telle est leur malédiction.
Un mythe bien ancré
Le mythe, qui a nourri le romantisme allemand, court de Paracelse à Giraudoux, en passant par la poétesse autrichienne Ingeborg Bachmann qui pour la première fois fait parler Ondine et non pas un narrateur. C'est cette dernière version qui a inspiré le cinéaste.
L'"Ondine" de Christian Petzold est en effet une femme indépendante, historienne spécialisée dans l'urbanisme berlinois qui, après avoir été brutalement quittée, est sauvée de sa fatale vengeance par un nouvel amour, Christoph. Comme sa dulcinée, il appartient au monde aquatique puisqu'il est scaphandrier.
Mon coeur a été irrigué par cette "Ondine". C'est un film bouleversant sur le sentiment amoureux.
Même enthousiasme de la part de Raphaële Bouchet, journaliste à la RTS, qui parle "du premier chef-d'oeuvre depuis six mois".
Le film tout entier file la métaphore aquatique, réservant quelques scènes magnifiques et hypnotiques comme un tête-à-tête avec un silure géant. Cette passion fusionnelle resterait théorique si elle n'était pas incarnée par l'excellente Paula Beer, révélée dans "Franz" de François Ozon, et Franz Rogowski. Les deux acteurs, qui avaient déjà joué ensemble dans "Transit", forment un couple charismatique et fusionnel, à l'image de leur fracassante rencontre devant un aquarium.
Le Berlin des origines
Film sur la passion amoureuse, "Ondine" est aussi une déclaration d'amour à la ville de Berlin que Christian Petzold expose dans toute sa modernité architecturale, tout en révélant ce qu'on a oublié d'elle.
Le cinéaste fait resurgir à travers son Ondine la part fantastique de cette ville construite sur des marais.
Autant par ses images subaquatiques que par la relecture du mythe, Petzold s'interroge sur le lien que l'on entretient au passé, aux traditions et aux origines. Son Ondine incarne le désir de s'affranchir de ses chaînes tragiques.
Mais cette belle analogie entre romantisme et architecture est, une fois posée, un peu vite abandonnée aux yeux de Rafael Wolf, journaliste à la RTS, qui regrette que le film ne tienne pas toutes ses promesses.
L'ouverture est d'une rare intensité mais le film, aussi envoûtant soit-il, finit un peu en entonnoir; il s'essouffle.
Un sentiment partagé par Antoine Duplan, journaliste au Temps, qui dit avoir éprouvé un mélange de fascination et de déception face à cette oeuvre, à son goût, "trop fantastique d'emblée".
Mais le film m'a hanté bien au-delà de sa projection.
Marie-Claude Martin