Salué lors du dernier Festival de comédie de l'Alpe d'Huez où il était présenté hors compétition, "Miss" devait sortir le 11 mars, mais la production l'a repoussé une première fois à la fin septembre. "On a finalement décidé de le sortir mercredi 28 octobre, malgré le couvre-feu", explique le réalisateur Ruben Alves. "Mon film parle de courage. On est en osmose: si les films ne sortent pas, les salles fermeront".
Le réalisateur franco-portugais signe là son deuxième long métrage après un premier film remarqué sur un couple de concierges, intitulé "La Cage dorée".
Un conte de fée de princesse moderne
"Ce film est pour toutes les personnes qui se sentent en marge de la société, tous les décalés, tous ceux qu'on regarde, qu'on pointe du doigt simplement parce qu'ils n'ont pas envie de rentrer dans une norme. Moi, c'est tous les gens que j'aime. Des gens différents qui donnent du relief à une société un peu plate à mon goût. C'est pour tous les gens en quête d'amour, tous les gens courageux", indique Ruben Alves à la RTS.
Il ne faut pas genrer le rêve. On a trop tendance à dire: 'ça c'est pour un garçon, ça c'est pour une fille'. Non, c'est l'être humain. On a tous du féminin et du masculin en nous.
"Le film est né de ma rencontre avec l'acteur principal Alexandre Wetter, aux traits androgynes, qui a défilé en femme pour Jean Paul Gaultier. On s'est demandé ce que pourrait être le rêve absolu d'un garçon pour assouvir sa féminité. Dans un éclat de rire, on s'est dit que ce serait de devenir Miss France!", ajoute le cinéaste.
Au gré des étapes d'un concours sans merci, aidé par une famille de coeur pittoresque, Alex, le héros du film devenu adulte, réalisera son rêve tout en conquérant sa part de féminité. "On ne fait jamais un film pour rien, mais 'Miss' n'est pas un film militant. Toutefois, si après la séance, un spectateur porte un regard plus ouvert sur une personne différente, ce sera gagné", estime le réalisateur.
Une comédie sociale sur l'identité
Dans le rôle d'Alex devenue Alexandra, Alexandre Wetter livre une véritable performance, tout comme Thibault de Montalembert, l'une des stars de la série "Dix pour cent", qui campe une prostituée travestie. Isabelle Nanty en logeuse au grand coeur et mère de substitution, complète à merveille cette galerie de personnages haut en couleurs dans un hommage assumé de Ruben Alves à Almodovar, son "maître de cinéma".
J'aime déconstruire les clichés dans mes films.
Comédie sociale à la fois drôle et touchante, "Miss" enrôle aussi Amanda Lear pour une courte scène qui s'annonce culte. En spécialiste de la féminité, son personnage prodigue ses conseils pour transformer un homme en femme. "Tu ne seras jamais une vraie femme, mais sois authentique dans ta féminité: sexy, drôle, consensuelle, rebelle et soumise...", recommande son personnage de mère maquerelle sarcastique à Alex/Alexandra venu la consulter.
Un premier grand rôle au cinéma
Petit, Alexandre Wetter ne rêvait pas de paillettes ou de couronne: "Je rêvais d'être Indiana Jones". Dans la vie normale, il ne s'habille pas en femme: "je n'ai d'ailleurs jamais voulu être une femme. Je veux juste comprendre et explorer ma part de féminin que nous avons tous", confie-t-il. Le jeune homme rêvait de cinéma pour "se reconnecter avec ses émotions". Et d'ajouter: "Parce que quand vous êtes mannequin, on ne vous demande pas de réfléchir, de parler. Dans le cinéma, on vous demande d'être vrai".
Sylvie Tellier, présidente de la société Miss France qui fête cette année le centenaire du concours, joue son propre rôle dans le film. "Demain, si un garçon ayant changé de sexe avec un état civil féminin se présente pour Miss France, je ne vais pas lui faire passer de visite médicale", a-t-elle confié dans Le Parisien. "Mais, je ne pense pas que les Français soient prêts à élire une Miss transsexuelle...".
Propos recueillis par Rafael Wolf
Adaptation web: Lara Donnet avec afp