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Disney ajoute des messages d'avertissements à ses films jugés racistes

Certains Disney sont désormais précédés d'avertissements pour prévenir des stéréotypes
Certains Disney sont désormais précédés d'avertissements pour prévenir des stéréotypes / 19h30 / 2 min. / le 23 octobre 2020
La plateforme Disney+ a ajouté des avertissements à certains de ses grands classiques comme "Dumbo" ou "Les Aristochats" pour mettre les spectateurs en garde contre des clichés jugés racistes dans certaines scènes de films. Réactions.

Les abonnés de la plateforme Disney+ ont déjà eu leur attention attirée par un avertissement sur certains clichés culturels véhiculés dans les films proposés. Shun Gon, le chat siamois aux yeux bridés dans les "Aristochats", représente par exemple une vision très stéréotypée des personnes asiatiques.

Un nouvel avertissement précédera désormais les œuvres concernées et insistera sur le fait que ces stéréotypes "étaient fautifs à l'époque et sont fautifs aujourd'hui". Le message, qui ne peut pas être zappé, prévient que "certains programmes comprennent des descriptions négatives ou des mauvais traitements de certains peuples ou cultures". L'avertissement, rédigé en concertation avec plusieurs organisations, dont l'Association des critiques de films afro-américains, ajoute: "plutôt que de retirer ce contenu, nous voulons reconnaître son impact néfaste, en tirer la leçon et susciter le dialogue pour créer ensemble un futur plus inclusif".

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Dans la version américaine de "Dumbo" ce sont des corbeaux noirs en haillons chantant le blues qui représentent une vision très stéréotypée des Afro-Américains. Un de ces corbeaux s'appelle même Jim Crow, du nom de la série d'arrêtés qui constituaient l'un des règlements majeurs de la ségrégation raciale aux Etats-Unis, entre 1876 et 1965.

Prévenir et éduquer

Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, approuve cette démarche. "Il est tout à fait normal de faire une relecture de l’audiovisuel aujourd’hui quand on assiste à des mouvements comme Black Lives Matter ou la grève féministe. Il faut remettre en question ces films datés d’une certaine époque et les recontextualiser sans les supprimer, car on perdrait un pan important de notre histoire".

Pour le directeur, ce genre de message n’est pas seulement affilié à de la bien-pensance. "Les mouvements de rébellion sont essentiels pour changer l’humanité. Si on ne prévient pas que les œuvres cinématographiques, littéraires et picturales ont été faites dans un certain contexte, on manque un devoir d’histoire important", fait-il valoir.

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Jaqueline Chelliah, essayiste proche du mouvement Black Lives Matter Suisse, porte un regard plus critique sur la question. "On peut aussi voir de l’opportunisme de la part de ces grandes entreprises, après les mouvements sociaux qui ont secoué les Etats-Unis. Cela fait des années que les classiques de Disney sont dénoncés pour les clichés racistes qu'ils véhiculent". L’auteure admet néanmoins que ces messages sont un bon début. "C’est intéressant car ils reconnaissent leurs erreurs sans supprimer pour autant leurs contenus. Leur message dit clairement au public: nous avons véhiculé des clichés racistes, maintenant notre rôle est de prévenir et d’éduquer".

Racisme et sexisme insidieux

Simon Massei est sociologue à l’Université Paris 1 et spécialisé dans la représentation des stéréotypes dans les dessins animés. S’il se réjouit de la pratique, il souligne néanmoins que les messages racistes ou sexistes peuvent être véhiculés de manière plus insidieuse, à l’instar de films comme Aladdin ou Pocahontas. "Ces dessins animés, plus récents, mettent en scène des cultures patriarcales en véhiculant subtilement que ce genre de système n’existe pas en Occident". Pour le sociologue, il n’est pas impossible que ce type d’avertissement se multiplie au cours des prochaines années. "Cela ne m’étonnerait pas que Disney marque une frontière nette entre les productions anciennes et actuelles. On pourrait aussi imaginer des messages pour des films comme Blanche-Neige ou la Belle au bois dormant, qui ont une vision archaïque du genre féminin".

>> Pour aller plus loin, l'interview de Simon Massei dans Tribu :

Une image du dessin animé de Disney "Cendrillon", 1958. [AFP - Walt Disney Productions]AFP - Walt Disney Productions
Les dessins animés / Tribu / 25 min. / le 14 octobre 2019

Propos recueillis par Julie Conti et Sarah Jelassi

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