Dérivé du roman graphique culte des années 1980 pour DC Comics d'Alan Moore et Dave Gibbons, "Watchmen" dépeint un univers sombre et chaotique, en mêlant super-héros violents et satire politique pour mieux mettre la société américaine face à son passé raciste et aux démons qui la déchirent.
Cette série de HBO, qui a triomphé aux récents Emmy Awards (meilleure mini-série, meilleur scénario, meilleur second rôle masculin pour Yahya Abdul-Mateen II et meilleure actrice pour Regina King), fait surtout écho aux violences policières et au racisme qui ont secoué la société américaine ces derniers temps depuis la mort de George Floyd.
Lors de la cérémonie des Emmy Awards, l'équipe de "Watchmen" avait d'ailleurs dédié ses récompenses aux victimes du massacre d'au moins 300 noirs par des émeutiers blancs à Tulsa (Oklahoma) en 1921, avec la complicité voire les encouragements des autorités locales. Un sinistre épisode qui ouvre en noir et blanc façon cinéma muet la série, et que les Américains ont longtemps ignoré en raison de sa quasi absence des livres d’histoire. Et d'où émerge l'héroïne fictive Angela Abar (Regina King), l’une des rescapées du massacre qui commence à enquêter en sous-main sur ces suprémacistes désormais réunis sous le nom de 7e kavalerie (avec un "k" comme dans Ku Klux Klan).
Suprémacistes et policiers sont masqués
La mini-série en neuf épisodes de Damon Lindelof (créateur de "Lost" et "The Leftovers") se déroule trente ans après l'histoire imaginée par Alan Moore et Dave Gibbons, qui a aussi connu une adaptation au cinéma en 2009.
Dans sa nouvelle réécriture de l'histoire, difficile à suivre au départ, rendez-vous en 2019 où la révolution gronde et où les forces du mal sont en action. Alors que le Vietnam est devenu un Etat américain, que Robert Redford en est à son septième mandat présidentiel, que la machine à écrire règne toujours et qu'il pleut des calamars, la 7e kavalerie avance masquée pour s'en prendre aux Noirs et aux flics tandis que les policiers portent des foulards jaunes pour préserver l'anonymat et éviter les représailles.
Damon Lindelof prolonge au final brillamment l'uchronie originelle de la BD pour explorer avec un esprit subversif les brutalités policières et les discriminations raciales dans une réalité contemporaine finalement pas si parallèle, où c'est la fin du monde qui se joue en permanence à travers les personnages.
Olivier Horner