Des quartiers pauvres de Buenos Aires jusqu'à devenir l'icône du ballon rond en remportant la Coupe du monde 1986 avant de sombrer dans les excès et la déchéance, le parcours du "Pibe de oro" ("Gamin en or") avait tous les ingrédients des meilleurs scénarios de Hollywood.
C'est pourtant sur le terrain du documentaire que le numéro dix se s'est le plus illustré. Dernier projet en date, celui du cinéaste britannique Asif Kapadia, qui a consacré à Maradona le dernier volet de sa trilogie documentaire consacrée aux "génies célèbres précoces".
Héros spécial et complexe
Le film intitulé sobrement "Diego Maradona" a été présenté à Cannes en mai 2019. Son sous-titre "Rebelle. Héros. Arnaqueur. Dieu" synthétise à lui seul toute l'ambivalence du joueur argentin. Il dévoile un personnage spécial et complexe, un héros plein de parts d'ombre.
"Je l'ai interviewé pendant près de neuf heures", avait expliqué le réalisateur à la RTS. "Quand j'ai fait ce film, j'ai passé beaucoup de temps à regarder son visage et ses yeux. Et ce qui est devenu très clair, c'est que, même si nous avons cette image d'un gars macho qui fait des choses totalement folles et se fait passer pour un idiot, si vous le regardez, vous regardez ses yeux, il a l'air d'avoir peur, d'être triste et malheureux. Il n'a peut-être jamais dit: 'J'avais peur'. Mais vous voyez son visage et vous réalisez qu'il a peur ou qu'il est malheureux ou qu'il se sent seul. Et ça, c'était intéressant! Et c'est le cinéma, car vous devez regarder le visage et les yeux pour raconter l'histoire. Ce n'est pas seulement ce que les gens vous disent".
Kapadia se concentre sur les années napolitaines de Maradona, de sa présentation en 1984 devant 70'000 spectateurs en furie à son contrôle positif à la cocaïne en 1991 qui engendra son déclin, en passant par le premier titre de champion d'Italie en 1987. El "Pibe de oro" avait toutefois refusé de voir le documentaire à sa sortie, incitant même à le boycotter tellement il avait été ulcéré d'y découvrir le terme d'"arnaqueur" sur l'affiche du film, le mot de trop.
"Maradona par Kusturica"
Entre-temps: des hauts - champion du monde en 1986, ses titres avec le Napoli faisant de lui un Dieu aux yeux d'un peuple mal-aimé en Italie qui s'est reconnu en ce joueur aux origines modestes - et des bas - cocaïne, pression, liens avec la Camorra...
Emir Kusturica l'avait auparavant ausculté en 2008 dans "Maradona par Kusturica". Le Serbe, en se mettant en scène aux côtés de l'idole argentine, voulait montrer "le prof de football, le citoyen politiquement incorrect et l'homme de famille".
Le film avait également été l'occasion pour Maradona de porter un regard lucide sur son addiction à la cocaïne. "Au lieu de me faire du bien, elle me renfermait sur moi", confiait-il, regrettant de ne pas avoir vu grandir ses filles. "J'ai cette culpabilité en moi et rien ne peut l'enlever". Maradona n'avait néanmoins pas plus apprécié ce film-là, trouvant que l’ego du cinéaste serbe prenait un peu trop de place.
La "main de Dieu" inspire le cinéma
Episode marquant de la vie de Maradona, la fameuse "main de Dieu" qui avait permis à l'Argentine d'accéder aux demi-finales du Mondial 1986, a elle aussi largement inspiré le septième art. Célébrée dans "Amando a Maradona" de Javier Vazquez (2005) et dans "Hero" (1987), le documentaire sur la Coupe du monde 1986, elle est aussi le principal argument narratif de "In the Hand of the Gods".
Ce documentaire britannique de 2007 met en scène cinq jeunes fans de football, qui tentent d'amasser des fonds pour financer un voyage en Amérique où ils espèrent atteindre l'Argentine et rencontrer l'idole du ballon rond.
La même année, l'ascension et la chute du génie argentin étaient également au coeur du biopic du cinéaste italien Marco Risi, "Maradona, la main de Dieu". "Maradona était un génie qui, au fond, durant toute sa vie, n'a fait du mal qu'à lui-même", avait expliqué le cinéaste, fils du célèbre Dino Risi.
Fascination pour la star et série télé
Ange ou démon? Le cinéma n'a finalement jamais tranché, s'attachant davantage à la fascination exercée par la star argentine et le symbole d'une certaine époque qu'il a représenté.
Ainsi, "El camino de San Diego" de Carlos Sorin suivait les tribulations d'un jeune bûcheron fan de Maradona dans l'Argentine des déshérités, étrillée par la crise économique de la fin des années 1990. Au-delà d'un simple film sur Maradona, ce long-métrage avait aussi pour but de retracer "le destin, les croyances, les doutes qui ont accompagné le phénomène Maradona".
Après le septième art, c'est le petit écran qui devrait prochainement s'attaquer au mythe argentin: Amazon vient de produire une série "Maradona, Sueño Bendito" (Maradona: le rêve béni") qui retracera la vie du célèbre numéro dix, avec trois acteurs chargés d'incarner le footballeur à trois époques de sa vie.
olhor avec afp
La musique a aussi vibré pour Maradona
Des rockeurs argentins au chanteur français d'origine espagnole Manu Chao: Maradona fut chanté dans le monde entier et "El Diez", admiré par Oasis ou Queen, a même pris le micro en de rares occasions.
Un des hommages les plus sincères --et un des meilleurs musicalement-- est signé Manu Chao avec "La vida tombola". Cette chanson figure d'ailleurs dans le film d'Emir Kusturica consacré à l'ancien numéro 10 argentin. Le chanteur, habitué des tournées dans les stades en Amérique latine, y encense la capacité de Maradona à se relever de tout.
Le musicien n'en était pas à son coup d'essai. Avec la Mano Negra, groupe qui l'a fait connaître, il avait lâché "Santa Maradona", décharge de rock alternatif.
Mais c'est évidemment en Argentine, pays dingue de ballon rond, que les musiciens se sont déchaînés de son vivant pour le célébrer, entre Los Piojos ("Marado") ou Andrés Calamaro ("Maradona"). Mais sa vie fut aussi mise en musique en partitions blues ("Maradona Blues" de Charly Garcia, avec un clip où le joueur-star tape vaguement sur un tambourin), reggae ("Capitan Pelusa" de Los Cafres), ou cuarteto, genre très populaire au pays de "l'Albiceleste", avec notamment "La mano de Dios" du chanteur-vedette Rodrigo (parfois appelé Rodrigo Bueno "El Potro").