Onzième film de David Fincher, "Mank" revisite en noir et blanc le Hollywood des années 1930 à travers le regard d'Herman J. Mankiewicz, critique social lucide mais scénariste alcoolique aux penchants autodestructeurs qui s'efforce de finir "Citizen Kane" (1941), l'une des plus grandes oeuvres de l'histoire du cinéma au complexe kaléidoscope temporel.
Avec en toile de fond la crise économique qui traverse l'Amérique post-Grande Dépression et les manipulations politiques qui président à l'élection au poste de gouverneur de Californie en 1934, "Mank" retrace la trajectoire Herman J. Mankiewicz menée dans l'ombre de la légende Orson Welles. L'histoire d'un script écrit au sprint, en soixante jours chrono dans un ranch isolé, à l'abri des tentations.
Le huis clos du cinéaste se pare de nombreux flashbacks qui éclairent les relations du scénariste, frère du réputé réalisateur Joseph L. Mankiewicz brillamment incarné par Gary Oldman, ainsi que son état d'esprit. Notamment ses liens avec le magnat milliardaire de la presse William Randolph Hearst, modèle du personnage de Kane ainsi que le rapport tumultueux avec le metteur en scène durant le processus créatif du film.
Obsessions et paranoïas
Sur la base d'un scénario de son père Jack Fincher, le réalisateur de "Seven", "Fight Club", "Zodiac" ou "The Social Network" réussit "un film jubilatoire et poignant", selon Rafael Wolf, critique cinéma de la RTS. Il aborde subtilement les questions de manipulations et de faux-semblants, d'obsessions et de paranoïas en dépeignant la vanité humaine, les rapports de force relationnels et une Amérique hantée par la peur du communisme.
"Mank", en plus de relancer la durable polémique sur la réelle paternité de "Citizen Kane", peut aussi se lire comme l'anticipation du devenir d'Orson Welles, futur artiste vieillissant et maudit. Un long-métrage sur le cinéma dont le cinéma n'a pas voulu qui restitue ses lettres de noblesse au métier de scénariste.
Olivier Horner