C'est un des effets du coronavirus sur le 7e art: en cette année 2020, de plus en plus de nouveautés ont été proposées sur internet alors qu'elles étaient destinées aux grands écrans.
Avec la fermeture des salles, les cinémas se sont fait siphonner une grande quantité de sorties, souvent avec succès. Ce modèle économique est-il rentable? Restera-t-il pertinent après la réouverture des cinémas? Le public aura-t-il envie d'y retourner ou a-t-il déjà pris le pli du streaming. Ces questions sont revenues comme une ritournelle, sans réponse définitive pour l'heure, mais le palmarès des meilleurs films 2020 en est le reflet.
"Je veux juste en finir" (Netflix) de Charlie Kaufman
Le scénariste de "Dans la peau de John Malkovich" signe une œuvre tentaculaire et cérébrale dans laquelle un jeune homme renfermé présente sa petite amie à ses parents farfelus. Un labyrinthe mental poétique, bizarroïde, où le temps se dérègle et où les angoisses existentielles se révèlent. Aussi déroutant que grandiose.
"Mank" (Netflix) de David Fincher
A travers sa reconstitution en noir et blanc du Hollywood des années 1930, et du travail de Herman J. Mankiewicz sur le scénario de "Citizen Kane", David Fincher égratigne avec ironie l'âge d'or hollywoodien. Une œuvre brillante et méticuleuse, d'une modernité absolue, dominée par la politique, l'image propagande, la manipulation et les fausses informations.
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"Uncut Gems" (Netflix) de Benny et Josh Safdie
Les frères Safdie signent un nouveau film immersif qui colle aux corps d'Adam Sandler, bijoutier new-yorkais criblé de dettes et accro aux paris sportifs. Un maelstrom chaotique et tendu comme un arc qui pousse le spectateur jusqu'à l’asphyxie et dresse le portrait tragicomique d'un petit escroc noyé dans ses multiples addictions.
"La communion" (vu en salles) de Jan Komasa
Dans ce film polonais focalisé sur un jeune ex-détenu qui se fait passer pour un prêtre et tente de souder une communauté déchirée par la mort accidentelle de plusieurs adolescents, Jan Komasa ramène à un niveau terrien les questions du pardon, de la foi, du spirituel et de la croyance, incarnées ici avec une force cinématographique extraordinaire.
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"La fille au bracelet" (vu en salles) de Stéphane Demoustier
Une adolescente est accusée du meurtre de sa meilleure amie. Un procès révèle un gouffre générationnel qui met en lumière le désoeuvrement de parents face à une enfant qu'ils ne connaissent au fond que très peu. Maintenant l'ambiguïté jusqu'à son terme, Stéphane Demoustier resserre sa dramaturgie dans une salle d'audience aux allures scénographiques et sa mise en scène impressionne par sa justesse, sa rigueur et sa tension.
Et en bonus:
Rent-a-pal (2020 – VOD) de Jon Stevenson
Situé dans les années 1990, cet inédit s'attache à David (incroyable Brian Landis Folkins), un puceau quadragénaire qui vit chez sa mère. Alors qu'il tente de trouver l'âme sœur à travers des VHS de rencontres, il tombe sur une cassette baptisée Rent-A-Pal (loue un ami) et compense sa solitude avec un ami virtuel qui lui parle sur la VHS louée. Un pitch dément, une mise en scène acérée, un film radical, dérangeant et glaçant. La pépite de l'année.
Rafael Wolf/mcm