Banner pour le dossier sur les 40 ans du film "Les Aventures de l'arche perdue". [AFP]
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Il y a quarante ans, Indiana Jones est devenu un héros de la pop culture

>> Un fouet, un chapeau de feutre, une sacoche, un blouson de cuir. Pas besoin d’en dire plus pour reconnaître Harrison Ford dans le rôle d'Indiana Jones.

>> Quand en 1981 sort sur les écrans "Les aventuriers de l’arche perdue", le monde s’entiche pour cet archéologue aventurier qui n'a peur que des serpents. Trois autres films suivront et un cinquième et ultime épisode devrait voir le jour en 2022.

>> Retour sur la création de la saga imaginée par George Lucas et réalisée par Steven Spielberg qui a créé l'un des héros les plus cools de la pop culture.

Une proposition d'Ellen Ichters pour l'émission "Spectrum" sur Couleur3.

Un James Bond sans les gadgets

Sur une idée de George Lucas et Steven Spielberg

A l'origine, le héros de la saga devait s’appeler Indiana Smith. C'est en tout cas ainsi que George Lucas voyait les choses en 1973, quand il imagine et pose par écrit pour la première fois son idée d’un archéologue aventurier, lui donnant au passage le prénom de son chien. Il rêve alors de créer une version moderne des films d’aventures des années 1930.

En 1977, après le tournage épuisant de "Star Wars", il passe quelques jours à Hawaï avec son ami Steven Spielberg. Lors d'une discussion, ce dernier lui dit qu'il aimerait réaliser une sorte de James Bond mais sans les gadgets. George Lucas lui répond "j’ai encore mieux" et il lui dévoile son idée.

Indiana Smith devient alors Indiana Jones. On lui trouve des ennemis, les nazis, et une quête, celle d'empêcher ces derniers de mettre la main sur un artefact sacré, magique et biblique (l’Arche de l’Alliance) censée rendre l’armée qui la possède invincible.

Indiana Jones est un personnage vulnérable (il a peur des serpents), un peu frimeur mais pas trop et qui a le sens de la punchline. Ses aventures sont drôles, palpitantes, surnaturelles et elles emmènent les spectateurs tout autour du globe: Etats-Unis, Mongolie, Egypte et forêt amazonienne.

>> A écouter, l'émission "Spectrum" consacrée à Indiana Jones (1/4) :

Harrison Ford dans "Les Aventures de l'arche perdue". [Paramount Pictures - Lucasfilm / - / Collection ChristopheL via AFP]Paramount Pictures - Lucasfilm / - / Collection ChristopheL via AFP
Spectrum - Indiana Jones 1/4 / Spectrum / 4 min. / le 11 janvier 2021

Quand le film sort sur les écrans le 12 juin 1981, la production est un peu nerveuse car le film est en concurrence avec "Superman II" notamment. Et les sondages de prédiffusion sont plutôt mauvais.

Pourtant, Indiana Jones triomphe de tous les esprits chagrins. Il devient le film le plus rentable de l'année, avec des recettes globales dépassant les 330 millions de dollars. Aux Etats-Unis, il est resté à l’affiche pendant une année entière.

Dès le départ, George Lucas et Steven Spielberg arrivent à signer un contrat pour cinq films: "Les aventuriers de l’arche perdue", "Le Temple maudit", "La dernière croisade", et "Le Royaume du crâne de cristal". Manque à la liste le film prévu pour 2022, avec en vedette encore un Harrison Ford âgé de 77 ans...

Les réalisateurs Steven Spielberg et George Lucas à Cannes en 2008. [KEYSTONE - GUILLAUME HORCAJUELO]
Les réalisateurs Steven Spielberg et George Lucas à Cannes en 2008. [KEYSTONE - GUILLAUME HORCAJUELO]

De nombreuses inspirations

De Jean-Paul Belmondo à Picsou

Harrison Ford dans le rôle d'Indiana Jones. [Paramount pictures / Lucasfilm / Collection ChristopheL via AFP]
Harrison Ford dans le rôle d'Indiana Jones. [Paramount pictures / Lucasfilm / Collection ChristopheL via AFP]

Certains vrais archéologues et anthropologues ont sans doute inspiré inconsciemment le personnage d’Indiana Jones. Un certain Roy Chapman Andrews notamment, aventurier et naturaliste américain des années 1930, ou un certain Farish Jenkins, chasseur de fossiles, qui arborait presque le même look qu’Indiana Jones, en tout cas pour le chapeau, et qui ne quittait jamais son fusil à lunette dit-on.

Mais les influences les plus surprenantes dans la construction du personnage d’Indiana Jones viennent de la bande dessinée et du cinéma français.

Steven Spielberg est un grand amateur de cinéma français et notamment des films avec Jean-Paul Belmondo signés Philippe de Broca, comme "Le Magnifique", "Les Tribulations d’un Chinois en Chine" et "L’homme de Rio".

Dans ce film sorti en 1964, Françoise Dorléac et Jean-Paul Belmondo sont à la poursuite d’une figurine précolombienne dans la jungle du Brésil. Ils doivent franchir des passages secrets, déchiffrer des cartes et déjouer les plans machiavéliques d’un professeur.

Une idole, la jungle, des pièges et la trahison. La scène de début d’Indiana Jones rappelle furieusement "L’homme de Rio". Et c’est peut-être en clin d’œil à son amour de la culture française que le réalisateur envisage pendant un moment de prendre Jacques Dutronc pour le rôle de l'infâme Professeur René Emile Bellocq.

A sa sortie en 1981, "Les aventuriers de l’arche perdue" titillent les amateurs de Tintin. Pour eux, la BD est une source directe d’inspiration des aventures d'Indiana Jones. Spielberg se plonge alors dans le travail d’Hergé et succombera lui aussi à la houppette du reporter. Il en rachètera les droits d’adaptation pour le cinéma.

Reste l'influence la plus insolite et incongrue: Oncle Picsou. Il aime l’argent, mais aussi les aventures, et les reliques magiques. C’est peut-être pour cette raison que c’est un des personnages préférés de Spielberg, qui a lu et relu ses aventures parues dans son enfance sous forme de comics.

Dans la BD "Les 7 cités de Cibola", paru en 1954, Picsou et ses neveux partent à l’aventure dans le désert. A un moment de l’histoire, les frères Rapetout se saisissent d’une idole d’émeraude. Le vol enclenche un mécanisme qui provoque la destruction des sept cités. La scène va inspirer Spielberg et Lucas pour l’ouverture du film, devenue mythique.

>> A écouter, l'émission "Spectrum" consacrée à Indiana Jones (2/4) :

Harrison Ford et Karen Allen dans "Les Aventuriers de l'Arche perdue". [AFP - Archives du 7eme Art]AFP - Archives du 7eme Art
Spectrum - Indiana Jones 2/4 / Spectrum / 5 min. / le 12 janvier 2021

Quel acteur pour incarner Indiana Jones?

Le test du cookie

Indiana Jones aurait pu être interprété par Bill Murray, Nick Nolte, Jack Nicholson et surtout par Tom Selleck, connu pour son rôle moustachu dans la série "Magnum". Une indisponibilité d’agenda va pourtant placer Harrison Ford dans le costume du nouveau héros patriote de l’Amérique post-Vietnam.

L’idée première du producteur George Lucas est de faire de son personnage un pratiquant de kung-fu de type playboy, qui finance sa vie grâce à ses trouvailles archéologiques. Le réalisateur Steven Spielberg propose que Jones soit plutôt un joueur addict souffrant d’alcoolisme. Finalement, les deux tombent d’accord pour dire que ni l’un ni l’autre de ces personnages n’aurait de chance de devenir un "rôle modèle", comme ils le souhaitent.

Une scène du film "Les Aventuriers de l'Arche perdue". [AFP - Photo12.com]
Une scène du film "Les Aventuriers de l'Arche perdue". [AFP - Photo12.com]

Vient l'heure du casting pour incarner cet homme. Pour les auditions, Spielberg utilise une technique particulière: les rencontres se font dans les cuisines de Lucasfilm, sans script. Pour que les acteurs soient bien détendus, il leur demande de l’aider à faire des cookies. Puis il fait manger les cookies par les acteurs suivants. On ne sait pas si Harrison Ford a cuisiné ou mangé les cookies, mais c’est lui qui a fini par être Indiana Jones.

Et il tombe à point nommé pour rendre le personnage agréable: un type cool, pas tout jeune. Harrison Ford a presque 40 ans en 1981. Le public le connaît en Han Solo dans "Star Wars".

Et il a déjà une cicatrice sur le menton, héritée d’un accident de voiture dans la réalité. Un détail qui ajoute de la crédibilité au personnage d’aventurier et qui rappelle qu'Indiana Jones a plus souvent eu besoin de se servir de son fouet que d’une brosse à dents pour déterrer un bout de poterie.

>> A écouter, l'émission "Spectrum" consacrée à Indiana Jones (3/4) :

Harrison Ford est Indiana Jones dans "Les Aventuriers de l'Arche perdue". [AFP - Archives du 7eme Art]AFP - Archives du 7eme Art
Spectrum - Indiana Jones 3/4 / Spectrum / 4 min. / le 13 janvier 2021

Pour le rôle, l'acteur suit un entraînement qui doit lui permettre d’effectuer lui-même une bonne partie des cascades, d'une part parce qu'il en a envie et d'autre par parce que c’est plus réaliste.

La scène de la poursuite avec la grosse boule géante est tournée une dizaine de fois. Et il frôle la mort quand un de ses pieds reste coincé dans une portière d’avion.

Pour les scènes les plus risquées, on prend toutefois un cascadeur, et comme Indiana Jones a un chapeau vissé en permanence sur la tête, ça permet de tromper son monde.

On raconte souvent d’ailleurs que ce chapeau ne devait quitter sous aucun prétexte la tête du héros. Pendant longtemps, on a raconté qu’Harrison Ford avait agrafé son chapeau à son cuir chevelu. C'est bien évidemment faux.

Tournage au milieu venimeux

Mygales et serpents au programme

De nombreux vrais animaux sont utilisés dans le film, car les images de synthèse en 1981 n'étaient pas encore au point.

Dans la scène du début, l’acteur Alfred Molina est recouvert de mygales. Au moment du tournage, il y a pourtant un souci: les mygales sont nombreuses mais ne bougent pas car il n’y a que des mâles, inoffensifs, complètement immobiles. Il faudra amener une femelle pour agiter tout ce beau monde et rendre ça crédible.

Le tournage de la célèbre scène du temple égyptien dont le sol est recouvert de reptiles a dû être reporté car il n'y avait pas assez de serpents. On avait déjà apporté entre 500 et 600 serpents pour les plans serrés mais Spielberg en voulait davantage. On fait un appel élargi pour obtenir entre 6000 et 10'000  bêtes en quelques jours. Mais la scène est une nouvelle fois retardée car les réserves d'antivenin sont expirées et qu'il faut en importer en toute urgence d’Inde.

>> A écouter, l'émission "Spectrum" consacrée à Indiana Jones (4/4) :

La scène avec les serpents dans "Les Aventuriers de l'arche perdue". [Collection Christophel via AFP]Collection Christophel via AFP
Spectrum - Indiana Jones 4/4 / Spectrum / 5 min. / le 14 janvier 2021

Finalement, il y a tellement de serpents dans cette scène que l’actrice Karen Allen en est tétanisée et qu’elle n’arrive pas à crier. Pour la faire réagir, Spielberg lui lance un serpent mort dessus.

Mais au final, le type d’animal qui causera le plus de soucis à l’équipe du tournage est bien plus petit que les serpents ou les mygales. Ce sont de tout petits organismes connus sous le nom de tourista qui viennent en invité surprise sur le plateau. Ils n'ont pas été crédités au générique.

Archéologue cool ou pilleur de tombes?

Les deux faces d'un héros

Les nazis qui incarnent les méchants dans cette histoire se situant en 1936 donnent une aura particulière à Indiana Jones. Il devient forcément un nouveau super héros patriote, américain. Honnête et vulnérable à la fois. Les points qui peuvent fâcher sont joliment gommés dans un "soft power" dont Hollywood a les secrets.

Les nazis cherchant à récupérer l'arche perdue dans Indiana Jones. [Paramount Pictures - Lucasfilm / - / Collection ChristopheL via AFP]
Les nazis cherchant à récupérer l'arche perdue dans Indiana Jones. [Paramount Pictures - Lucasfilm / - / Collection ChristopheL via AFP]

Car en réalité, qu’on le dise clairement, Indiana Jones est un pilleur de tombes sans scrupules, un destructeur de sites archéologiques. Et quand on y regarde de plus près, ses attitudes sont carrément machistes et néo-colonialistes.

En 1984, lorsque le deuxième volet "Indiana Jones et le Temple maudit" sort - un prequel qui se passe en Inde -, certains n’apprécient pas du tout que les hindous soient montrés comme un peuple à peine civilisé, qui mange des cervelles d’animaux en sorbet et qui arrache le coeur de ses victimes. En signe de protestation anti-impérialiste, le gouvernement indien décide d’interdire le film.

L'affiche du film: "Les Aventuriers de l'arche perdue". [AFP]
L'affiche du film: "Les Aventuriers de l'arche perdue". [AFP]

Malgré tout, Indiana Jones reste la figure qui a dépoussiéré l’archéologie. Dans une interview donnée au National Geographic, John Rhys-Davis, qui joue le rôle de Sallah dans "Les aventuriers de l’arche perdue", raconte que durant sa carrière il a rencontré au moins 150 professeurs d’archéologie qui ont avoué avoir choisi ce métier grâce à Indiana Jones.

Mais aujourd’hui, la place des artefacts est sur leur lieu d’origine et pas dans un musée. Harrison Ford lui-même en a pris conscience. Il fait partie du Governing Board of the Archaeological Institute of America (AIA), qui cherche à empêcher les pillages et les appropriations archéologiques.

Et les nazis dans tout ça? Est-ce qu’ils ont vraiment voulu mettre la main sur l’Arche de l’Alliance ou le Saint Graal?

Cette image des nazis à la poursuite d’artefacts magiques vient en grande partie du "Matin des magiciens", un best-seller de Louis Pauwells et Jacques Berger paru en 1960. La théorie défendue dans ce livre est que le monde serait truffé d’artefacts secrets et magiques, laissés par des civilisations disparues ou des sociétés secrètes.

Un chapitre du livre est justement consacré au nazisme et à leurs recherches dans le domaine de l’occulte. Tout cela ne repose sur aucun fait vérifié, même si certains SS proches d’Hitler ont émis des théories en lien avec le paganisme, l’occultisme et l’ésotérisme.

Le seul point vraiment réaliste dans tout ça, ce sont les serpents. Les archéologues sont d’accord. Sur n’importe quel site de fouille, il y a toujours un nid de serpents.

>> A lire aussi, notre grand-format publié en 2017 : Les aventuriers de l'arche perdue