Le Tessin comme vous ne l'avez jamais vu au cinéma. Contemporain, vivant, vibrant, montré à travers les yeux d'Allegra (Matilda de Angelis), jeune alpiniste chevronnée. Rescapée d'un attentat au Maroc lors duquel elle a perdu trois amis, elle tente de se reconstruire, de revivre, alors que son monde s'est écroulé en quelques secondes. "Atlas", fiction inspirée de faits réels signée Niccolò Castelli, est le premier film tessinois à ouvrir les Journées de Soleure.
La pandémie aura au moins permis ça: ce soir, sur les trois chaînes de télévision nationale, toute la Suisse pourra voir "Atlas" sur son petit écran – ou le revoir durant 72 heures sur le site des 56es Journées de Soleure, moyennant une place payante à 10 francs. Anita Hugi, directrice du festival, s'en réjouit: "D'habitude, les soirées d'ouverture sont réservées à des invités triés sur le volet. Cette année, Soleure s'invite dans tous les salons de Suisse."
211 films pour un festival en ligne
Comme la plupart de ses cousins depuis mars 2020, le festival de cinéma suisse se redéploie en ligne du 20 au 27 janvier. Le programme s'annonce riche: 211 films sont disponibles – longs, courts, animations, fictions ou documentaires -, dont 32 longs-métrages en première mondiale. Mais aussi des rencontres au quotidien avec les cinéastes, un volet consacré aux femmes pionnières ou un débat sur le rôle de la critique à l'heure de l'émergence des plates-formes.
Pour Anita Hugi, annuler le festival n'a jamais été une option. "Ce cru est extraordinaire. Annuler, ça aurait été prendre le risque que cette année disparaisse de l’histoire du cinéma et n'existe pas dans la mémoire du public." L'événement "en présentiel" réunit en moyenne 65'000 personnes, d'où l'espoir de la directrice que l'offre en ligne soit un succès. "Alors que les salles sont fermées depuis si longtemps, il fallait qu'on joue d'autant plus notre rôle de vitrine du cinéma suisse."
Soleure comme première exposition
Par solidarité avec le monde culturel et les salles en particulier, la directrice n'a pas envisagé non plus de mettre en place un festival gratuit, contrairement à l'édition du Festival de Locarno l'été dernier. Grâce à son programme en ligne, Soleure donne donc une visibilité à des films qui auraient dû rencontrer leur public et qui "attendent" la réouverture des salles. Parmi tant d'autres: "Wanda mein Wunder", nouvelle comédie de Bettina Oberli, "Nemesis", de Thomas Imbach ou "Cinq nouvelles du cerveau", documentaire du Lausannois Jean-Stéphane Bron, qui aurait dû sortir en salle la semaine prochaine.
Fascinant et vertigineux, "Cinq nouvelles du cerveau" scrute cet "organe de 1,3 kg qui ressemble à du tofu" et dont émane la conscience humaine… A travers le regard et les recherches de cinq neuroscientifiques, les nouvelles se répondent, se nourrissent, se contredisent, parfois. Comprendra-t-on un jour vraiment la prise de décision? Pourra-t-on créer des entités plus intelligentes que nous et qui nous échapperont complètement? "Cinq nouvelles du cerveau" est un merveilleux "documentaire de science-fiction" qui pose davantage de questions qu'il n'assène de réponses.
Joint à Paris où il vit, Jean-Stéphane Bron "garde le sourire et l'espoir" que ce film, conçu pour la salle, sortira en salle. "Etre en ligne, c'est la seule réponse que les festivals peuvent donner aujourd'hui, mais c'est presque un contresens. Souvent, les films naissent durant les festivals, lors de moments magiques et parfois terrifiants pour nous, cinéastes. Evidemment, sur internet, ça perd de son charme, mais pour l'instant il n'y a pas d'autre solution. Soleure sera une première exposition, mais j'espère que dans les semaines à venir, il trouvera son public pour de bon."
Raphaële Bouchet/ld