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Jodie Foster, une vie intense sous les projecteurs du cinéma

L'actrice américaine Jodie Foster à Hollywood, le 6 juin 2019. [AFP - Full Picture Agency]
L'actrice américaine Jodie Foster à Hollywood, le 6 juin 2019. - [AFP - Full Picture Agency]
Découverte dans des films pour enfants de Disney avant ses succès à Hollywood, Jodie Foster a passé sa vie sous l'oeil des caméras. L'actrice américaine devenue aussi réalisatrice et productrice a été de tous les combats féministes.

Jodie Foster est assurément une enfant de Hollywood. Elle qui découvre "Docteur Jivago" dans un drive-in à l'âge de 3 ans, emmenée par sa mère cinéphile qui travaille comme attachée de presse dans l'industrie phare de Los Angeles, puis qui courra rapidement les castings avant de passer sa vie sous les projecteurs.

Actrice avant de savoir écrire, cadette née en 1962 au sein d'une famille de quatre enfants, Jodie Foster apparaît dans des publicités avant de jouer dans des séries et films de Disney à partir de 1972. Elle débute officiellement au cinéma dans "Napoléon et Samantha" de Bernard McEveety. Sur ce tournage, elle apprend les ficelles du métier et découvre que les plateaux ne sont pas des cours de récréation mais des places marchandes où chacun fait commerce de soi. Et Jodie Foster de devenir dans le même temps le gagne-pain de sa famille.

"Je ne me souviens pas de ma vie avant les plateaux de tournage"

"J'étais vraiment un bébé de la télévision. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été dans le métier. Je ne me souviens pas de ma vie avant les plateaux de tournage", déclare d'ailleurs la star américaine dans le documentaire "Jodie Foster: Hollywood dans la peau", de Camille Juza et Yal Sadat, raconté par l'acteur français Mathieu Kassovitz et à voir sur Play RTS jusqu'au 3 mai 2021.

Elle joue ensuite notamment dans la populaire série télévisée "Kung Fu", avant d'opérer sa mue à l'adolescence en même temps que Hollywood s'ouvre à une nouvelle génération de cinéastes plus subversifs. Lasse des décors de westerns en carton-pâte, Jodie Foster se révèle différente dans un petit rôle que lui offre Martin Scorsese dans "Alice n'est plus ici" (1974). Un rôle choisi par sa mère, comme très souvent, qui l'emmène alors autant découvrir les films de la Nouvelle Vague dont elle raffole qu'aux manifestations pour les droits civiques des minorités.

Une période où Jodie Foster est aussi inscrite au lycée français de Los Angeles pour se préparer un futur hors de l'écran au cas où. Sa maîtrise de la langue de Molière la verra d'ailleurs doubler sa voix dans la plupart de ses films tout au long de sa carrière.

Sa carrière bascule grâce à "Taxi Driver" de Scorsese

Tout va basculer pour la jeune actrice lorsque Scorsese va lui proposer de jouer une prostituée dans "Taxi Driver" (1976). Un rôle qui la révèle au monde, décroche la Palme d'or au Festival de Cannes et lui vaut sa première nomination aux Oscars. En faisant à 14 ans un choix esthétique, moral et politique fort, Jodie Foster va définitivement s'éloigner de son statut de starlette lisse de la télévision. La même année, elle apparaît tout aussi subversive dans "Bugsy Malone" d'Alan Parker. Hollywood en fait soudain une it girl qui passionne tant l'Amérique qu'Andy Warhol, tandis que le cinéma français la sollicite à son tour, notamment Eric Le Hung pour "Moi, fleur bleue" (1977) où elle partage l'affiche avec Jean Yanne et Bernard Giraudeau.

Jodie Foster décide pourtant de quitter Los Angeles pour Yale, afin de poursuivre des études de littérature et se fondre dans le moule. La tentative de meurtre sur le fraîchement élu président américain Ronald Reagan par John Hinckley Jr le 30 mars 1981, jour de la cérémonie des Oscars, remet l'étudiante et actrice sous le feu des projecteurs. L'homme s'avère obsédé par Jodie Foster depuis "Taxi Driver", lui a écrit à de maintes reprises et peu avant son acte où il rejoue la fameuse scène du film. Elle qui visait la normalité bascule dès lors dans une notoriété harassante. Traquée par la presse, mise sous protection du FBI, elle découvre à ses dépens le culte de la personnalité.

Des personnages qui rendent les coups

Elle revient toutefois au cinéma en tournant avec Claude Chabrol "Le sang des autres" (1984), une adaptation du roman de Simone de Beauvoir, puis dans "Les accusés" (1988) de Jonathan Kaplan, film inspiré d'un fait divers sur la victime d'un viol collectif qui lui vaut l'Oscar de la meilleure actrice. Jodie Foster semble vouloir renaître dans un nouveau corps de cinéma. "Elle est alors une victime dans les esprits, une star sacrifiée par toute cette affaire politique. A partir de ce moment, elle va jouer des personnages qui vont rendre les coups et échapper à cette condition de victime", relève ainsi un journaliste de Hollywood Reporter.

L'actrice américaine Jodie Foster face à Anthony Hopkins dans "Le silence des agneaux" (1991) de Jonathan Demme. [AFP - Orion Pictures/ Collection ChristopheL]
L'actrice américaine Jodie Foster face à Anthony Hopkins dans "Le silence des agneaux" (1991) de Jonathan Demme. [AFP - Orion Pictures/ Collection ChristopheL]

Avec "Le silence des agneaux" (1991) de Jonathan Demme, elle trouve matière à poursuivre sa catharsis avec une héroïne féminine intrépide. Le film rafle tous les prix aux Oscars, de la meilleure réalisation aux deux meilleurs acteurs avec Anthony Hopkins et Jodie Foster. La même année, elle assouvit un rêve d'enfant en réalisant son premier long métrage, "Le petit homme". Avant d'enchaîner les face-à-face avec des icônes masculines dans des divertissements hollywoodiens, Richard Gere dans "Sommersby" (1993) ou Mel Gibson dans "Maverick" (1994), et de connaître un important succès commercial avec le film de science-fiction "Contact" (1997) de Robert Zemeckis.

Une figure du progressisme critiquée

Dans les années 2000, alors que son projet de biopic de la réalisatrice nazie Leni Riefenstahl est systématiquement refusé par les producteurs hollywoodiens, elle joue dans "Panic Room" (2002) de David Fincher, "Un long dimanche de fiançailles" (2004) de Jean-Pierre Jeunet et "Flight Plan" (2005) de Robert Schwentke ou encore "A vif" (2007) de Neil Jordan.

En 2011, Jodie Foster est de retour devant la caméra pour "Le complexe du castor'" avec son fidèle ami Mel Gibson. Un film torpillé par la critique alors que l'acteur est accusé de violences conjugales pendant le tournage. Critiquée la même année pour sa collaboration avec Roman Polanski, l'actrice autrefois considérée comme figure du progressisme se voit désormais critiquée pour son silence, ses fréquentations peu recommandables ainsi que sur son orientation sexuelle.

Le cinéma comme arme pour échapper à la société du spectacle

Les Golden Globes lui rendent toutefois hommage en 2013 tout en attendant des gages. Elle choisit plutôt de dénoncer l'exigence de transparence d'une société de plus en plus impudique et refuse de céder à la pression. C'est le même système qu'elle critique dans son film "Money Monster" (2016) ou dans les épisodes des séries Netflix qu'elle réalise ("Orange Is the New Black", "Black Mirror").

Le cinéma constituant finalement sa meilleure arme pour échapper encore et encore à la culture du spectacle. De son enfance coincée entre les productions Disney et les tenues de Lolita jusqu’à sa consécration comme actrice et cinéaste reconnues, l’histoire de Jodie Foster est ainsi celle d’une lutte acharnée menée à l’intérieur même du système hollywoodien. Une lutte féministe en sous-main qui a su éviter les pièges.

Olivier Horner

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