La joie de retrouver des films en salles était patente dès lundi 19 avril, ouverture du premier cinéma, le Grütli, à Genève. Un micro-trottoir exprimait l'émotion de chacune et chacun à se retrouver dans le noir, avec d'autres personnes, à partager un même événement. Même si les salles ne peuvent encore accueillir que 50 personnes ou un tiers de leur capacité, les films, eux, peuvent à nouveau exister sur grand écran.
Mais après cette période d'abstinence, que voir? Entre nouveautés et reprises, fictions et documentaires, films suisses et étrangers, la rédaction cinéma de RTS Culture vous guide.
NOUVEAUTES A L'AFFICHE
"Babyteeth" ("Milla") de Shannon Murphy: ode anticonformiste à la vie
Quand Milla, 16 ans, rencontre Moses, un garçon un peu sauvage, c'est le coup de foudre. Mais Milla souffre d'un cancer incurable. Les parents de l'adolescente, qui voient d'un mauvais oeil cette histoire d'amour, sont partagés: faut-il protéger leur fille pour prolonger son espérance de vie ou lui lâcher la bride pour qu'elle vive cette passion, au risque d'y laisser ses dernières forces?
Cela pourrait être un mélo dégoulinant, c'est une ode à la vie rock'n'roll, une comédie pleine de punch. L'Australienne Shannon Murphy signe un premier long métrage onirique, drôle, anticonformiste et plein de vitalité sur un sujet très délicat. "Milla" a fait partie de la sélection de la Mostra de Venise 2019 et a remporté cette année le Grand Prix du Brussels International Film Festival (BRIFF). C'est aussi le coup de coeur de notre rédaction.
"Petites danseuses", de Anne-Claire Dolivet: la justesse du documentaire
"Tu dois avoir l'air de quelqu'un d'agréable même si tout va mal. Quoiqu'il arrive, il faut danser!". Elles ont entre 6 et 10 ans. À la maison, à l'école ou dans la rue, elles vivent la danse avec passion. Mais comment grandir dans un monde de travail intensif, d'exigence et de compétitions quand on est si petite? Comment gérer ses émotions? Le stress? La solitude face à un jury?
L'ayant pratiquée elle-même enfant, la réalisatrice Anne-Claire Dolivet souhaitait depuis longtemps faire un film sur la danse. Quand sa fille a manifesté à son tour le même désir, elle a découvert un cours parisien de quartier où les enfants peuvent pratiquer la danse comme un hobby mais aussi suivre un cursus Danse Études avec des horaires aménagés. Un documentaire immersif qui suit avec bienveillance quatre petites danseuses à l'emploi du temps surchargé et qui doivent déjà faire des choix d'adultes.
"La Revanche des losers" de Sebastian Borenszstein: comédie italienne... argentine
Dans un village perdu d'Argentine, un groupe d'amis grugés par un banquier s'unit et échafaude un invraisemblable plan pour récupérer ce qui lui appartient. Un film de casse sur une musique de western ou une comédie argentine à l'italienne, ironique, pétillante et mordante. Adapté du roman "La Noche de la usina", de l'écrivain argentin Eduardo Sacheri, le film est servi par la crème des acteurs hispanophones.
"Il mio corpo" de Michele Pennetta: un documentaire aux allures de fiction
Oscar est un adolescent qui récupère de la ferraille pour son père qui la revend. Il passe sa vie dans des déchetteries sauvages. Juste à côté, il y a Stanley qui nettoie l'église contre une hospitalité monnayée et qui fait différents boulots, tout ce qui peut occuper son corps venu d'ailleurs. Entre Oscar, le petit Sicilien, et Stanley, le Nigérian, rien de commun en apparence. Sauf le sentiment d'être jeté au monde, de subir le même refus, la même vague écrasante de choix faits par d'autres.
Un documentaire si bien photographié et si proche de l'intimité de ses personnages que l'on se croirait dans une fiction. Avec en prime, dans la dernière partie, le Stabat Mater de Pergolesi dans sa version pour chœur et orchestre.
"Le Nouvel Évangile" de Milo Rau: un messie noir entouré de migrants
Tourné dans la ville italienne de Matera, le long métrage de Milo Rau met en scène une passion du Christ dans laquelle Jésus est interprété par l'activiste camerounais Yvan Sagnet et ses apôtres par des réfugiés, paysans, activistes ou travailleurs du sexe.
"En transposant le récit biblique sur la situation des migrants en Europe, le cinéaste transcende une figure messianique par-delà le temps et l'espace. Et capte la vibration rare d'un aller-retour permanent où Jésus commente la condition des sans-papiers autant que ces sans-papiers éclairent sa parole, sa morale, sa politique première".
>> A lire la critique complète de Rafael Wolf : Le metteur en scène bernois Milo Rau brandit son Jésus noir
"There is no evil" de Mohammad Rasoulof: subtiles études de caractère
"There is no Evil" ("Le diable n'existe pas") du dissident iranien Mohammad Rasoulof - qui a fait six ans de prison - a obtenu l'Ours d'or à la Berlinale 2020. Le film, tourné en partie clandestinement, est construit en quatre épisodes qui racontent la confrontation de quatre personnages distincts face à un dilemme moral. Hantée par la question de la peine de mort, il s'agit d'une étude de caractères passionnante qui mêle tous les genres cinématographiques, du mélo à la peinture sociale, du film d'action au récit intimiste.
"Je voulais me cacher", de Giorgio Diritti: biographie du peintre Antonio Ligabue
Antonio Ligabue est né différent. A vingt ans, il est expulsé de sa Suisse natale - il est né à Zurich - et débarque en Italie, dont il ne connaît pas la langue. Sa difformité physique l'isole mais il a pour lui de savoir dessiner à merveille les animaux avec lesquels il cohabite dans la forêt .
Film biographique du peintre Antonio Ligabue, le film a été présenté en compétition officielle à la Berlinale où Elio Germano a décroché le prix d'interprétation.
REPRISES DE FILMS SACRIFIES PAR LA PANDEMIE
Leurs sorties ont été interrompues par la fermeture des cinémas ou dirigées vers une plateforme faute d'écrans. Ils reviennent en salle.
"Mank", de David Fincher: hommage à Hollywood
Onzième film de David Fincher, "Mank" revisite en noir et blanc le Hollywood des années 1930 à travers le regard d'Herman J. Mankiewicz, critique social lucide mais scénariste alcoolique aux penchants autodestructeurs qui s'efforce de finir "Citizen Kane" (1941), l'une des plus grandes oeuvres de l'histoire du cinéma au complexe kaléidoscope temporel. Diffusé en exclusivité sur Netflix, avant son retour en salles, "Mank" est donné favori dans la course aux Oscars.
"The Nest" de Sean Durkin: implacable thriller familial
Dans les années 1980, Rory, un ancien courtier devenu entrepreneur, convainc Allison, son épouse américaine, et leurs deux enfants de quitter leur banlieue chic des États-Unis pour s'installer dans un vieux manoir en Angleterre, son pays de naissance. Mais rapidement l'isolement fissure leur précaire équilibre familial.
Etude de mœurs et satire sociale d'une grande noirceur, "The Nest" de Sean Durkin a remporté plusieurs prix au festival de Deauville. Il signe aussi le retour en grâce de Jude Law.
"Adieu les cons", d'Albert Dupontel: une odyssée tendre et caustique
Un fonctionnaire dépressif, une coiffeuse à qui il reste peu de temps à vivre et un archiviste aveugle sont réunis par hasard. Ce trio bancal va se lancer dans une quête aussi spectaculaire qu'improbable. Si le titre est provocant, le film, lui, lorgne plutôt du côté de la tendresse, avec ce gros coeur en affiche. Comment définir cette oeuvre à la fois absurde, tendre et caustique? "Un drame rigolo" répond Dupontel à la RTS. Son film, en tout cas, a fait moisson de César cette année, sauf pour Virginie Efira qui n'en est pas moins sublime.
"ADN" de Maïwenn: autobiographie collective
Montagnes russes émotionnelles, comme toujours avec Maïwenn, "ADN" s'enroule comme une œuvre intime et sensible autour du deuil, de l’identité et de la transmission. Le film est porté par un casting cinq étoiles: Fanny Ardant, Louis Garel, Marine Vatch et Dylan Robert.
"Antoinette dans les Cévennes" de Caroline Vignal: comédie espiègle au goût d'été
Antoinette part randonner avec un âne dans les Cévennes, sur les traces de son amant qui passe ses vacances en famille. Marivaudage picaresque, cette comédie de l'année 2020 surprend par son originalité et enchante par son espièglerie. Le film est particulièrement réussi dans les scènes qui réunissent l'héroïne et son âne, d'abord ennemi puis confident, avec lequel elle forme un couple irrésistible. Laure Calamy, découverte dans "Dix pour cent", a reçu le César de la meilleure actrice pour son vrai premier grand rôle.
RTSCulture/mcm