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Dans "Les Enfants d'Isadora", quatre femmes dansent le deuil d'une mère

Rendez-vous culture: Agathe Bonitzer, comédienne française.
Rendez-vous culture: Agathe Bonitzer, comédienne française. / 12h45 / 7 min. / le 3 mai 2021
En 1923, dix ans après avoir tragiquement perdu ses deux enfants, la pionnière de la danse moderne Isadora Duncan créait "Mother", un solo funèbre. Le cinéaste Damien Manivel ressuscite cette chorégraphie avec, notamment, la comédienne Agathe Bonitzer.

Ce n'est pas une fiction, pas non plus un documentaire, pas davantage une captation de spectacle. Alors "Les Enfants d'Isadora", de Damien Manivel, qu'est-ce que c'est? Certains ont parlé de film-atelier, et c'est probablement la meilleure définition. "Pendant le tournage, on était en recherche constante. Il n'y avait pas de scénario et on ne savait jamais si la caméra tournait ou pas", explique la comédienne Agathe Bonitzer qui pratique la danse classique depuis l'âge de 5 ans, toujours avec la même professeure. Un enseignement dont elle a besoin, physiquement, cérébralement, même si elle estime que son physique "pas assez souple" n'est pas adapté à l'exigence de cette discipline.

Mais revenons à ce film que la comédienne défend avec beaucoup d'engagement, et dont la sortie romande est prévue ce mercredi.

En 1923, dix ans après avoir perdu ses deux enfants dans un accident de voiture, la pionnière de la danse moderne Isadora Duncan créait "Mother", un solo funèbre, dont il n'existe ni film d'époque ni photographie, juste une partition de Scriabine, les récits que se sont transmis corporellement les disciples de la chorégraphe et un geste, celui d'une mère qui berce une dernière fois son enfant avant de le laisser partir.

Ma danse était endormie depuis des siècles et mon chagrin l'a réveillée

Isadora Duncan dans ses mémoires.

C'est à cette pièce mythique de l'Américaine que quatre femmes, d'âges et de conditions différentes, donnent vie devant la caméra de Damien Manivel, qui fut danseur avant d'être cinéaste: Agathe Bonitzer, Manon Carpentier, une jeune danseuse handicapée, Marika Rizzi, la chorégraphe qui la guide, et enfin, Elsa Wolliaston, grande figure de la danse contemporaine, née en 1945.

Un film presque sans parole, sinon en voix off le texte d'Isadora Duncan, à l'émotion jamais tapageuse et à la lenteur féconde, à l'image de la recommandation de la chorégraphe elle-même:

L'émotion n'arrive pas d'un jet à son état de paroxysme: elle couve d'abord. Elle agit comme un moteur, il faut qu'il soit chaud pour agir, et la chaleur ne se développe point tout à coup.

Isadora Duncan.

Propos recueillis par Julie Evard

Adaptation web: mcm

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Comédienne précoce

Agathe Bonitzer, 32 ans, est quasiment née devant la caméra. Dès l'âge de six ans, elle tourne avec Raoul Ruiz puis enchaîne avec les films de Christophe Honoré, Noémie Lvovsky, Jeanne Labrune, Jacques Doillon ou Pascal Thomas, sans oublier ceux de ses parents, Pascal Bonitzer et Sophie Fillière.

Cette filiation lui a longtemps donné un sentiment d'imposture; sentiment qu'elle n'éprouve plus aujourd'hui. "Quand on naît dans ce milieu, on ne se sent pas légitime, mais quand on naît dans un milieu totalement étranger, on ne se sent pas légitime non plus. Dans tous les métiers artistiques, on se sent un peu bancal".