Après avoir raconté la crise de la dette au Mali ("Djourou, une corde à ton cou", 2005), un camp de réfugiés de la crise du Darfour ("Au loin des villages", 2008), la déportation d'opposants politiques grecs sur l'île de Makronissos à la fin des années 1940 ("Comme des lions de pierre à l'entrée de la nuit", 2012) ou encore la vie de Matthias Langhoff qui n'a cessé de marquer le théâtre européen depuis les années 1960 ("Matthias Langhoff, laisser la porte ouverte", 2015), c'est aujourd'hui une thématique en lien avec l’exode migratoire depuis les pays africains qui est au centre du nouveau documentaire du réalisateur genevois Olivier Zuchuat.
En 2016-2017, au plus fort de la crise des migrants du Sahel qui tentaient de traverser la Méditerranée, Olivier Zuchuat décide de s'intéresser, non pas à celles et ceux qui partent, mais à celles et ceux qui restent et qui affrontent ce désert qui progresse petit à petit. "Et de recherches en hasards, j'ai atterri dans ce tout petit village de Kamsé, perdu au nord du Burkina Faso", raconte à la RTS le réalisateur.
La force des femmes africaines
Dans ce village, les habitants et habitantes qui sont restés sur place se lancent alors dans un chantier pharaonique: creuser, à la pelle et à la pioche, un réseau de digues et de mares et y planter des arbres afin de reverdir et fertiliser les endroits conquis par le désert.
Ce sont principalement des femmes qui mènent ces travaux. "Ce film est un hommage à la force et à la résistance incroyables de ces femmes", précise Olivier Zuchat. "Selon moi, l'avenir de l'Afrique réside beaucoup dans la force des femmes. Si on leur donne un petit peu plus de pouvoir et un peu plus la parole, elles pourront changer cette société et aller vers un avenir un peu meilleur."
Ce film est un hommage à la force et à la résistance incroyables de ces femmes
Filmer la transformation du paysage
Très bien accueilli dans le village dès son arrivée, le Genevois a commencé par passer beaucoup de temps à discuter, à attendre "et même à donner des cours de maths".
Une fois bien intégré dans la communauté, le tournage débute. "C'était surtout la transformation du paysage qui m'intéressait. Je faisais donc des plans très larges et je laissais tourner la caméra très longtemps". Avec une difficulté supplémentaire: le réalisateur ne parlant pas la langue, il devait attendre le soir qu'on lui traduise les propos tenus dans le film.
Un désert étatique menace aussi la région
Ce "périmètre de Kamsé" a été filmé durant sa construction qui a duré environ deux ans. Depuis, les champs qui ont pu être installés à l'intérieur poussent plutôt bien. "Il y a même un rendement qui est, semble-t-il, le double des champs qui sont dans les autres zones autour de ce village. C'est donc un succès", explique Olivier Zuchuat.
Mais une autre menace plane pourtant sur cette région. "Avec l'arrivée des djihadistes en provenance du nord du Mali et du nord du Niger, il y a un autre désert qui se crée et qui est lui un désert étatique, scolaire et sanitaire", confie le Genevois. "Heureusement, le village de Kamsé est à la limite de cette zone et on peut encore y travailler et y vivre sans être trop sous la coupe de ces mouvements djihadistes."
Propos recueillis par Julie Evard
Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente