"United Passions: la légende du football" est un biopic sorti en 2014, réalisé par le Français Frédéric Auburtin. Le film raconte l’histoire de la Fédération internationale de football association (FIFA). Une FIFA qui est elle-même à la production du long métrage et qui s’est fait plaisir en sortant une œuvre de propagande où elle met Sepp Blatter, son président d'alors, en scène comme étant un modèle de la lutte contre la corruption.
Problème: le film est sorti en même temps que le déballage par le FBI des soupçons de corruption à la FIFA et juste avant l’annonce par Sepp Blatter de sa démission.
Défoncé par la critique qui souligne le peu de crédibilité du scénario - "The Guardian" qualifie par exemple le film d' "excrément cinématographique" - et bide financier avec un budget de 24 millions (dont certains disent qu’ils proviendraient de fonds opaques de la FIFA) pour 160'000 dollars de recettes, le film est aujourd’hui considéré comme un nanar suprême.
Un casting impressionnant
Mais chose étrange, ce film a un casting impressionnant. Les trois anciens présidents de la FIFA au centre de l'histoire sont interprétés par des stars. Le Français Jules Rimet, fondateur de la FIFA, est campé par Gérard Depardieu, qui compte 20 centimètres et 50 kilos de plus que l'homme qu’il joue, tandis que le Brésilien João Havelange, qui est présenté comme le grand méchant dans ce film, est interprété par la star de "Jurassic Park", le Néo-Zélandais Sam Neill.
Et finalement Sepp Blatter, montré comme le gentil du film et véritable self-made-man qui veut amener le football aux enfants africains, est incarné par Tim Roth. La star de "Reservoir Dogs" a été un peu surprise par le scénario du film comme elle l’a déclaré sur la chaîne anglo-saxonne ITV en 2016. Tim Roth pensait que le film parlerait des scandales de corruption mais il a eu beau chercher dans toutes les pages du scénario, il n’a rien trouvé. C’est là que la production lui a dit que le film était financé par la FIFA elle-même.
Une création rocambolesque
Mais au-delà de la qualité du film, c’est l’histoire de sa création qui est incroyable. Tout part de l’idée de la productrice algéro-française Louisa Maurin, organisatrice de la cérémonie des Globes de cristal, qui récompensent les créations françaises les plus exceptionnelles de l’année dans chaque domaine culturel. Celle-ci veut faire un film de sport sur ces hommes qui sont soi-disant "partis de rien" pour bâtir l’empire qu’est devenue la FIFA. Une sorte de "Rocky" avec des quinquas en costard.
Elle réussit à rencontrer Jérôme Valcke, secrétaire général de la FIFA, par l’intermédiaire du président de la fédération algérienne de foot, qu’elle connaît personnellement. Valcke est emballé et transmet le projet à Blatter qui dit un grand oui. Problème, il n’y a pas de structure de production et de diffusion du patrimoine audiovisuel à la FIFA. Pas grave, ils décident de démarrer quand même ce projet.
Louisa Maurin, qui s’est entretemps associée à la célèbre productrice Christine Gozlan, collaboratrice du cinéaste Michael Haneke, acquiert les droits d’un scénario acheté par Luc Besson. En résumé, c'est "l’histoire d'un ballon qui se promène sur la planète et qui finit dans les étoiles, avec le siège de la FIFA sur Mars". L’histoire sera ensuite retouchée par le scénariste Yves Boisset, mais cette version est considérée comme complètement ratée par la FIFA.
A l'époque, la FIFA envisage de confier la réalisation soit à Ridley Scott ("Gladiator"), soit au réalisateur Thomas Gilou ("La Vérité si je mens"), soit au binôme Olivier Nakache et Eric Tolédano ("Intouchables"), ce qui montre bien le flou artistique régnant autour de ce film.
Un rétroplanning intenable
Finalement, c’est Frédéric Auburtin, un faiseur du cinéma français, réalisateur des comédies "Envoyés très spéciaux" et "San Antonio", qui se retrouve à la barre du projet grâce à l’intervention de son ami Gérard Depardieu, qui a accepté de jouer Jules Rimet avant même qu’un script existe.
Auburtin écrit le script avec le romancier et scénariste Jean-Paul Delfino. Il tente, avec les contraintes inhérentes à la collaboration avec la FIFA, de faire un portrait crédible et ambigu de l’association, mais cela ne fonctionne pas. La cible principale du film est João Havelange - le prédécesseur du président Sepp Blatter - qui est littéralement présenté comme un salaud n’agissant que pour ses intérêts, responsable de tous les maux de la fédération, alors que le Suisse est montré comme le sauveur du football.
Il faut dire que le rétroplanning demandé par la FIFA s'avère intenable. Le film doit sortir à l’été 2014 pour le Mondial de football prévu au Brésil. Le tournage doit commencer un an avant, ce qui ne laisse que six mois pour écrire le film, distribuer les rôles et trouver les décors.
Parallèlement à cela, le duo de productrices Maurin/Gozlan obtient l’aide d’une ancienne conseillère de Jacques Chirac à la mairie de Paris, Pascale Pérèz, alors représentante d'un consortium d’entreprises azéries, qui offre un soutien financier au film ainsi que quelques lieux de tournages afin de montrer les belles plages de la région.
Peu de projections en salles
Finalement, le film sera présenté à Cannes en 2014, mais pas en sélection officielle car, selon son président Gilles Jacob, "le film n’avait pas les qualités suffisantes". C’est donc au cinéma de la plage de Cannes que "United Passions" sera diffusé en avant-première devant les pontes de la FIFA, dont un Sepp Blatter qui aurait sincèrement fondu en larmes.
Cette projection permet au film de tout de même bénéficier du label "sélection officielle". "United Passions" est ensuite projeté au festival du film de Zurich mais, vu les critiques catastrophiques, ne sera diffusé en salles que dans quelques pays. Ailleurs, il sort directement en DVD et VOD. Aujourd'hui, on peut le visionner sur la plateforme en VOD UniversCiné. Mais visionner de vrais matchs de football durant l'Euro 2020 qui vient de débuter constitue sans aucun doute un meilleur investissement de temps.
Sujet radio: Yacine Nemra
Adaptation web: aq