Pour analyser un si gros corpus de films – tous des films populaires et recensés par l'Internet Movie Database – des algorithmes différenciant visages masculins et féminins ont été utilisés: ils ont ainsi repéré un tiers des visages comme appartenant à des femmes.
L'étude montre que ce ratio augmente au cours du temps, avec de bons et de mauvais élèves: "Il y a des genres qui mettent en scène quasiment une parité entre les visages, notamment les films d'horreur. A l'inverse, pour les crimes – les films d'action, les thrillers, les films policiers – on a une sous-représentation massive des femmes. Dans les films policiers, on a plutôt 25% de femmes à l'écran", note Camille Roth, chercheur au Centre Marc Bloch de Berlin et coauteur de l'étude, lundi dans La Matinale.
"Ce qui était aussi assez intéressant, c'est de le corréler [nos résultats] à des tests qualitatifs assez connus dans le milieu, comme le test de Bechdel, qui vise à qualifier un film en fonction de la présence de personnages féminins: [il faut qu'il y ait au moins] deux personnages féminins qui ont un nom, qui parlent l'une à l'autre, et de quelque chose qui n'est pas un homme", explique le chercheur. Donc c'est un test avec trois critères: beaucoup plus de films d'horreur le remplissent que des films d'action ou policiers. Et on retrouve en fait le même ordonnancement des genres en fonction de ce test et en fonction du pourcentage de visages féminins qu'on a calculé."
Représentativité versus représentation
Stéphane Mitchell, coprésidente du Swiss Women's Audiovisual Network (SWAN), le réseau des femmes dans l'audiovisuel en Suisse, n'est pas surprise par ces chiffres: "Comme une majeure partie des analyses de données sur ces questions d'égalité femmes-hommes, cette nouvelle étude permet de légitimer le ressenti profond que nous avons face à l'industrie du cinéma, que je résumerai ainsi: où sont les femmes? L'étude s'intéresse à la représentativité et pas à la représentation des femmes à l'écran".
"Cependant, c'est assez parlant que ce soit dans les films d'horreur qu'il y ait le plus de femmes et dans les films policiers le moins. Mon intuition serait de dire que dans les films policiers, la femme victime est déjà morte – ou tuée dans les trois premières minutes – tandis que dans le film d'horreur, elle passe une heure et demie à l'écran à éviter d'être tuée", conclut-elle.
Cette étude montre la proportion de visages féminins à l'écran, mais ne dit pas l'importance des rôles tenus par ces actrices.
Pauline Rappaz/sjaq
Le "Gender Map" suisse
L'Office fédéral de la culture a également cherché à connaître la représentation des femmes devant et derrière la caméra.
Le rapport s'appelle Gender Map et il souligne notamment que, pour les personnages principaux des films de fiction, "on compte à peu près le même nombre de rôles principaux pour les femmes et les hommes; cependant, les rôles principaux féminins se situent de manière disproportionnée en dessous de 40 ans".
Et de souligner par ailleurs qu'il y a "presque deux fois plus de rôles principaux pour les hommes de plus de 40 ans que pour les femmes de la même catégorie d'âge".