Il y aurait près de 12'000 sans-papiers à Genève, dont 80% de femmes. Elles nettoient nos bureaux et nos maisons, elles s’occupent de nos parents et de nos enfants. Elles ont quitté leur pays pour une vie meilleure, et se retrouvent clandestines tout en faisant tourner l’économie globale. Pourtant, elles sont invisibles. Qui sont-elles? Quelle est leur histoire? Comment comprennent-elles l’intégration en Suisse?
Étudiante à l’Institut des Hautes Etudes Internationales et du développement, la Morgienne Maevia Griffiths répond à ces questions pour son mémoire de master en sciences sociales sous la forme d’un documentaire, "Elles, les (in)visibles". Pour financer le tournage et son équipe de production, elle a lancé une campagne We Make It qui a remporté un franc succès: en mars 2021, les fonds récoltés s’élevaient à plus de 8'000 francs, soit le double de l’objectif initial. Sélectionné pour le Festival International du Film Oriental de Genève, le documentaire sera projeté pour la première fois le dimanche 27 juin aux Cinémas du Grütli.
Des femmes intégrées mais invisibles
"Pour ce film, ce qui était important pour moi, ce n’était pas d’avoir le plus d’entretiens possibles avec des femmes sans statut légal", explique la jeune réalisatrice, "mais plutôt de m’entretenir régulièrement avec quelques femmes avec lesquelles je pouvais créer un lien. Non seulement pas tout le monde n’a envie de participer à un documentaire, mais la situation dans laquelle la plupart de ces femmes se trouvent les rend encore plus vulnérables."
>>À regarder: la bande-annonce et campagne WeMakeIt du documentaire "Elles, les (in)visibles"
Des témoignages poignants
Maevia Griffiths a suivi quatre femmes, dont deux sont encore en situation irrégulière. L’une d’entre elles, Brésilienne habitant Genève depuis huit ans, témoigne anonymement: "Depuis que je suis arrivée, je travaille avec des personnes malades, j’accompagne aussi des personnes en fin de vie. Je travaille également dans les domaines du nettoyage et du repassage."
Malgré ses activités professionnelles et des formations en thérapie alternative, cette mère de famille est toujours sans papiers. Ses enfants ont été placés en institution. "Ils aiment bien la vie ici, ils sont déjà bien intégrés", explique-t-elle. "Mais ces derniers mois, ils me disent 'Maman, la vie qu'on avait avant était mieux. On avait des difficultés, mais on était ensemble.'"
Pas question pour autant de partir, ce serait renoncer à ses rêves et à ceux que sa mère a placés en elle: "Le rêve que j’avais était tellement petit. Je voulais juste avoir une maison, un travail, et mes enfants."
Propos recueillis par Philippe Fivet et Julie Evard
Adaptation web: Myriam Semaani
"Elles, les (in)visibles", documentaire de Maevia Griffiths, première à voir dimanche 27 juin au Festival International du Film Oriental de Genève.