>> A l'heure du bilan, nos deux envoyés spéciaux plébiscitent "Le genou d’Ahed" et "La fièvre de Petrov" pour la Palme d'or. Le jury du festival sera-t-il du même avis?
>> Durant toute la durée du festival de Cannes, Rafael Wolf et Fifi Congiusti, spécialistes cinéma et envoyés spéciaux de la RTS, vous ont donné leur avis sur les films en compétition qu'ils ont pu visionner. : notre dossier spécial Festival de Cannes
>> Pour tout savoir sur la 74e édition:
Le palmarès complet
- Palme d'or: "Titane" de la réalisatrice Julie Ducournau (France)
- Grand Prix: "Un héros" du réalisateur Asghar Farhadi (Iran) et "Hytti NRO 6" (Compartiment N°.6) du réalisateur Juho Kuosmanen (Finlande)
- Prix du jury: "Le genou d'Ahed" du réalisateur Nadav Lapid (Israël) et "Memoria" du réalisateur Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande)
- Prix de la mise en scène: le réalisateur Leos Carax pour "Annette" (France)
- Prix d'interprétation masculine: l'acteur américain Caleb Landry Jones dans "Nitram"
- Prix d'interprétation féminine: l'actrice norvégienne Renate Reinsve dans "Julie en 12 chapitres"
- Prix du scénario: le réalisateur Ryusuke Hamaguchi pour "Drive my car" (Japon)
- Camera d'or: "Murina" de la réalisatrice Antoneta Alamat Kusijanovic (Croatie)
- Palme d'or du court métrage: "Tous les corbeaux du monde" de la réalisatrice Tang Yi (Hong Kong)
- Mention spéciale du court métrage: "Le ciel du mois d'août" de la réalisatrice Jasmin Tenucci (Brésil)
Le palmarès de nos envoyés spéciaux
Le palmarès personnel de Rafael Wolf
Palme d’or: "Le genou d’Ahed" de Nadav Lapid
Grand Prix: "La fièvre de Petrov" de Kirill Serebrennikov
Prix de la mise en scène: "Annette" de Leos Carax
Prix du jury: "Titane" de Julia Ducournau
Prix du scénario: "Un héros" d’Asghar Farhadi
Meilleure actrice: Renate Reinsve pour "Julie (en 12 chapitres)" de Joachim Trier
Meilleur acteur: Simon Rex pour "Red Rocket" de Sean Baker
Le palmarès personnel de Philippe Congiusti
Palme d’or: "La fièvre de Petrov" de Kirill Serebrennikov.
Grand Prix: "Bergman Island" de Mia Hansen-Love.
Prix de la mise en scène: "Titane" de Julia Ducournau.
Prix du jury: "Haut et fort" de Nabil Ayouch.
Prix du scénario: "Un héros" d’Asghar Farhadi.
Meilleure actrice: Renate Reinsve pour "Julie (en 12 chapitres)" de Joachim Trier.
Meilleur acteur: Benicio Del Toro dans "The French Dispatch" de Wes Anderson.
Palme dog: l’ensemble des chiots dans "Robuste" de Constance Meyer
"Les intranquilles"
Joachim Lafoss
S’aimant d’un amour profond, Leila, restauratrice de meubles, et Damien, peintre à succès, élèvent leur enfant Amine. Mais la bipolarité de Damien, qui le pousse vers des comportements incontrôlables, oblige son épouse et son fils à endurer un quotidien chaotique et douloureux.
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L'avis de Rafael Wolf
Avec une mise en scène d’une beauté et d’une précision souveraines, Joachim Lafosse creuse ses personnages et les situations conflictuelles qu’ils vont traverser sans jamais réduire son récit à un sujet de société.
Leïla Bekhti et Damien Bonnard apportent toute la subtilité et l’implication pour donner corps à ce couple menacé par le sentiment de honte, l’incertitude de l’avenir et l’impossibilité d’une guérison. Travaillant l’épuisement des corps, une sensation de bataille permanente, la question du contrôle, du débordement, de la créativité et de la responsabilité, "Les intranquilles" réussit un tour de force émotionnel d’une justesse assez rare.
Appréciation: 5/5
"Nitram"
Justin Kurzel
En proie à des comportements dangereux, déficient mental, Nitram vit chez ses parents avec comme seule passion celle des feux d’artifice. Un jour, il rencontre Helen, riche héritière marginale chez qui il décide de s’installer. Mais après la disparition brutale de son unique amie, Nitram glisse dans une spirale de colère et de frustration.
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L'avis de Rafael Wolf
S’inspirant de Martin Bryant, auteur de la tuerie de Port Arthur en Tasmanie, en 1996, "Nitram" intrigue momentanément grâce à la présence du musicien et acteur Caleb Landry Jones, qui incarne à la perfection son personnage, à la fois attachant et effrayant. Malheureusement, le film se perd très vite dans un traitement hypocrite qui commence par jouer sur l’empathie avant de tourner les yeux face au massacre que commettra Nitram. Restant à la surface de son histoire et de ses protagonistes, le résultat finit par se réduire à une thèse anti-armes à feu des plus maladroites. Un gros ratage.
Appréciation: 2/5
"Haut et fort"
Nabil Ayouch
Ancien rappeur, Anas arrive dans le centre culturel d’un quartier défavorisé de Casablanca avec comme mission de former un groupe de jeunes. Entraînés par ce professeur plutôt exigeant, les élèves parviennent à exprimer leur vécu et leurs pensées à travers le hip-hop.
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L'avis de Rafael Wolf
Sorte de "Entre les murs" version rap, "Haut et fort" appuie son récit sur une dimension documentaire, les personnages ayant réellement expérimenté les situations décrites dans le film.
Si le résultat dessine avec authenticité le portrait complexe d’une jeunesse marocaine et révèle des regards parfois opposés sur la liberté d’expression, la religion, le politique, le statut des femmes et les espoirs de changements, il peine toutefois à dépasser le stade de l’œuvre-constat, prisonnier d’une mise en scène à l’arraché certes dynamique, mais très convenue pour ce genre d’histoire. Une œuvre en deçà du choc qu’elle aurait pu provoquer.
Appréciation: 3/5
"Memoria"
Apichatpong Weerasethakul
En Colombie, une cultivatrice d’orchidées anglaises (Tilda Swinton, également coproductrice du film), venue visiter sa sœur malade, est réveillée par un son sourd et brutal. Dans la rue, les alarmes des voitures se déclenchent sans raison. Explorant l’origine du son qu’elle continue à entendre à intervalles réguliers, l’héroïne croise une archéologue française (Jeanne Balibar) et se retrouve dans la forêt, face à un homme dont elle semble deviner les souvenirs.
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L'avis de Rafael Wolf
Palme d’or en 2010 pour son sidérant chef-d’œuvre, "Oncle Boonmee", le Taïlandais Apichatpong Weerasethakul revient avec un nouveau trip mystico-fantastique d’une lenteur cette fois-ci un peu plus soporifique. Face aux visions surréalistes et à la profondeur mélancolique des fantômes convoqués dans Boonmee, "Memoria" reste certes d’une beauté minimaliste admirable, mais peine davantage à porter nos sensations et nos rétines vers les sommets cinématographiques.
Appréciation: 3/5
"France"
Bruno Dumont
Journaliste star du paysage audiovisuel hexagonal, France de Meurs (Léa Seydoux) ne recule devant aucun reportage traficoté pour assurer son audience et asseoir sa célébrité. Mère absente d’un fils collé à ses écrans, épouse d’un écrivain arrogant (Benjamin Biolay) avec qui elle ne partage plus grand-chose, France passe surtout ses journées avec son assistante personnelle, Lou (Blanche Gardin), qui lui voue un culte sans bornes. Mais un jour, France décide de tout plaquer pour se retrouver elle-même et s’extraire de son image.
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L'avis de Rafael Wolf
Débutant par une conférence de presse à l’Elysée hilarante qui bidouille avec délice les interventions de Macron face à France de Meurs, le film s’affiche d’emblée comme une satire féroce des médias, de la télévision et des réseaux sociaux. Fustigeant sans détour la superficialité des images qui préfèrent le sensationnalisme à l’information, Bruno Dumont rapproche volontairement la facture globale de "France" à la laideur visuelle de ce monde d’élite parisianno-médiatique (on se pince devant le kitsch décoratif de l’appartement des de Meurs).
Alternant avec une aisance remarquable le comique et le pathétique, Léa Seydoux est impériale alors que Blanche Gardin s’amuse, et nous amuse, à débiter des répliques sans aucune censure morale ou verbale. Un film d’un cynisme dévastateur.
Appréciation: 4/5
"Les Olympiades"
Jacques Audiard
Dans le quartier des Olympiades, Paris, 13e arrondissement. Chinoise d’origine, Emilie entame une colocation avec Camille, prof de français noir. Une relation sexuelle intense débute, avant que Camille ne pose de nouvelles règles et s’amourache bientôt d’une autre: Nora, qui a fui ses études universitaires après une humiliation sur les réseaux sociaux et confie sa solitude et ses blocages affectifs à Amber Sweet, cam-girl impénétrable.
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L'avis de Rafael Wolf
Adapté de la série de bandes dessinées d’Adrian Tomine, "Les intrus", le nouveau Jacques Audiard épouse la forme d’une comédie sentimentale en noir et blanc portée par quatre personnages et quatre interprètes fabuleux: Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant et Jehnny Beth. Céline Sciamma et Léa Mysius au co-scénario permettent au cinéaste de s’écarter de l’ampleur romanesque et de la dimension très masculine de ses précédents films pour une formidable exploration du désir et de l’amour vécus par un quatuor totalement contemporain.
Une œuvre inscrite dans l’ici et le maintenant, d’un érotisme par moments sublime, qui impose avec un naturel idéal une jeunesse mue par la mixité et l’invention de ses propres codes affectifs. Faussement mineur, le résultat parvient à toucher à une puissance émotionnelle foudroyante et pourrait très bien se retrouver en haut de ce palmarès cannois.
Appréciation: 5/5
"Red Rocket"
Sean Baker
L'avis de Rafael Wolf
Ex-star du porno à Los Angeles, Mikey Saber débarque à l’improviste chez son ex-femme et sa belle-mère, qui végètent dans une ville paumée du Texas. Pas vraiment le bienvenu, Mikey cherche un emploi, sans succès, puis se rabat sur des petits deals de haschich pour subvenir à ses besoins. Sa relation avec son ex reprend, mais sa rencontre avec Raylee, rouquine de 17 ans, serveuse dans un restaurant de donuts, lui fait miroiter l’illusion d’un nouveau départ.
Déjà auteur de deux œuvres majeures du cinéma indépendant américain, "Tangerine" et "The Florida Project", Sean Baker prolonge son exploration passionnante d’une Amérique des marginaux, des pauvres et des losers. Accompagné par des informations télévisées omniprésentes qui relatent la campagne présidentielle Clinton-Trump, "Red Rocket" épate par l’ampleur classique de sa mise en scène, le burlesque pathétique de son antihéros, et sa capacité à faire exister des personnages aussi authentiques que bariolés.
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Le rêve américain prend du plomb dans l’aile face au projet improbable de Mikey, prêt à exploiter l’amour que lui porte une nymphette ingénue pour rebondir dans l’industrie du porno. Une certaine idée de la célébrité, associée ici à des aspirations d’une parfaite vulgarité. Incarnant avec une énergie folle ce personnage baratineur et intarissable, Simon Rex se profile comme un sérieux prétendant au prix d’interprétation masculine.
Appréciation: 5/5
"L’histoire de ma femme"
Ildiko Enyedi
L'avis de Rafael Wolf
En Europe, dans les années 1920, Jacob, capitaine d’expéditions maritimes, décide de trouver une épouse. Après une rencontre fortuite, il passe la bague au doigt de la belle Lizzy, parisienne qui semble parfaitement accepter ses multiples absences. Mais la présence d’un écrivain bellâtre autour de sa femme entraîne Jacob dans une spirale de jalousie aux conséquences tragiques.
Adapté d’un classique de la littérature hongroise, "L’histoire de ma femme" explore cet amour qui aimante contre toute raison la mondaine parisienne et le capitaine néerlandais avant de les écarter l’un de l’autre.
La facture classique et la reconstitution d’époque frisent l’académisme. En dépit de la présence charnelle de Léa Seydoux, et de Louis Garrel en séducteur machiavélique, on a bien de la peine à s’intéresser à cette romance contrariée on ne peut plus prévisible qui reste largement en surface du tourbillon émotionnel recherché.
Appréciation: 2/5
"Titane"
Julie Ducournau
Ressortie avec une plaque de titane greffée près de la tempe après un accident de voiture provoqué par son père, la jeune Alexia (Agathe Rousselle) est devenue grande. Danseuse dans des salons de tuning, elle a développé une attirance sexuelle pour les voitures et une aversion assassine pour les hommes, et les femmes, qui tentent de la séduire, trucidés par un coup de baguette de cheveux dans l’oreille.
Repérée, Alexia se fait passer pour Adrien, garçon disparu dix ans plus tôt, en cachant ses attributs féminins. Le père d’Adrien, Vincent (Vincent Lindon), la reconnaît comme son fils et la prend sous son aile. Une relation de substitution commence à unir le pompier ravagé et piqué aux stéroïdes, et la jeune femme enceinte et mutique en quête de figure paternelle.
L'avis de Rafael Wolf
Après s’être intéressée aux pulsions anthropophages d’une étudiante vétérinaire dans le décapant "Grave", Julia Ducournau, 37 ans, benjamine de la compétition, pulvérise toutes les limites dans ce film d’une radicalité inouïe. Une œuvre transgenre qui dynamite toutes les frontières, entre l’humain et la machine, le masculin et le féminin. Convoquant à la fois le David Cronenberg de "Crash" et la Ripley d’"Alien", la cinéaste française pose d’emblée un monde dominé par une masculinité toxique avant de littéralement plonger en enfer dans un univers de flammes qui entourent les sapeurs-pompiers dirigés par Vincent Lindon.
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Tordu, brutal, dérangeant, "Titane" s’affranchit de toute psychologie pour jouer sur des motifs (le métal, le feu, les humeurs corporelles) et des symboles au sein d’un récit déstabilisant où surgit la question de l’abandon et de la filiation réinventée.
Une expérience organique, viscérale, un film choc qui marque l’avènement d’une nouvelle humanité sublimée par la Passion selon Saint Matthieu de Bach. Ce frisson-là, l’émotion foudroyante, quasi religieuse, que l’on a ressenti face à cette fin nous assure d’avoir trouvé le nirvana de ce festival, et il est en titane massif.
Appréciation: 5/5
"Un héros"
Asghar Farhadi
Incarcéré à cause d’une dette qu’il ne peut rembourser, Rahim rejoint la femme qu’il aime, et qu’il compte épouser, lors d’une permission. Celle-ci a trouvé un sac rempli de pièces d’or et pense avoir trouvé la solution pour libérer son amant. Mais Rahim refuse et rend l’argent à sa propriétaire. Un geste qui va faire de lui un héros aux yeux des médias et des autorités, sans pour autant amener un terrain d’entente avec son créancier, qui l’accuse d’avoir monté l’affaire de toutes pièces.
L'avis de Rafael Wolf
Après quelques détours en terres étrangères avec "Everybody knows" et "Le passé", le cinéaste iranien Asghar Farhadi revient dans son pays natal pour ce remarquable drame social teinté de thriller. Dans la lignée de ses précédents "Le client" ou "Une séparation", le récit complexe joue sur les doutes, les mensonges, les non-dits, en troublant le vrai et le faux.
Epinglant une société iranienne où tout se négocie, où l’honneur et l’image publique aliènent les protagonistes, le film parvient à construire un "héros" dont le machiavélisme supposé ou la naïveté éventuelle resteront un mystère.
Appréciation 4/5
"La fièvre de Petrov"
Kirill Serebrennikov
Dans une ville et un temps indéfini, un certain Petrov, en proie à une forte grippe, emprunte un trolleybus bondé. Soudain, son ami Igor le sort du véhicule, lui donne une mitraillette, et Petrov rejoint un peloton d’exécution qui crible de balles une rangée de nantis et de bourgeois.
L'avis de Rafael Wolf
Passé ce préambule saisissant, le nouveau film du Russe Kirill Serebrennikov, après le remarqué et remarquable "Leto" présenté à Cannes en 2018, suit la longue déambulation de son héros alcoolisé qui œuvre sur une nébuleuse BD de science-fiction.
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Le récit, troué par des fulgurances surréalistes souvent magistrales, mélange rêve et réalité, passé et présent, et emporte le spectateur dans un dédale narratif et visuel qui embrasse le chaos de cette Russie que le film décrit.
Où l’on croisera un romancier suicidaire qui se considère comme un génie alors que personne ne veut l’éditer; l’épouse de Petrov, bibliothécaire tueuse en série qui, dotée de pouvoirs surhumains, assassine des hommes et imagine même égorger son propre fils; ou encore une femme perturbée par sa grossesse récente qui continue à jouer le rôle de la fille des neiges devant un public d’enfants émerveillés.
Baroque, coloré, rempli d’une énergie dingue, le film de Kirill Serebrennikov nous bouscule dans un tourbillon incessant qui ose tout, au risque de nous perdre en cours de route, les multiples ruptures de ton et bifurcations du récit flirtant avec l’indigestion.
Une œuvre qui reste tout de même vertigineuse, bordélique, folle et dans laquelle les êtres n’arrêtent pas de se heurter, de se cogner, de s’aimer et de se tuer. Avec en son cœur l’enfance, symbole d’un futur qu’on ne cesse d’évoquer mais qui paraît impossible au sein de ce maelstrom nihiliste et désespéré.
Appréciation: 4/5
L'avis de Fifi Congiusti
"Je n’ai rien compris à ce film mais qu’est-ce que c’était génial." Voila le genre de phrase qui peut tourner en boucle dans la cervelle après vision de ce film totalement rock et foutraque. Dès l’ouverture, le chaos s'invite et l'on se demande où l'on est? Dans la réalité, dans un fantasme, dans des BDs dessinées par Petrov?
Et c'est tant mieux si l'on ne comprend rien car face à cette fièvre, il ne faut rien chercher. Juste mettre son cerveau en veille et s’abandonner, faire confiance à la seule puissance du cinéma. Accepter de se laisser déborder par un film dingo où la rationalité n’est plus qu’un lointain concept, où la virtuosité de la mise en scène vous scotche, où la musique vous assomme, où les personnages vous envoûtent, où la surprise peut surgir de partout, où l’atmosphère vous étouffe et où finalement le bonheur vous envahit devant une proposition de cinéma si originale et si forte!
Appréciation: 6/5 !
"The French Dispatch"
Wes Anderson
Dans la ville française de Ennui-sur-Blasé, au 20e siècle, une collection d’histoires publiées dans le magazine The French Dispatch, créé par un Américain, prennent vie. Un reporter relate l’histoire de la cité. Toujours incarcéré, un prisonnier sociopathe devient un peintre moderne renommé. Des jeunes étudiants affrontent les CRS à travers un jeu d’échecs. Et l’enlèvement d’un enfant appelle l’aide d’un maestro de la cuisine.
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L'avis de Rafael Wolf
Tourné à Angoulême, le nouveau Wes Anderson construit de toutes pièces une France anachronique et fantasmée qui cite par moments Jacques Tati, peuplée de personnages loufoques avec lesquels le cinéaste s’amuse amoureusement des clichés hexagonaux: mai 68 et ses utopies révolutionnaires; l’art culinaire; la peinture moderne.
Mais voilà. La distribution colossale et bien d’autres (Benicio del Toro, Adrien Brody, Tilda Swinton, Léa Seydoux, Frances McDormand, Timothée Chalamet, Bill Murray, Mathieu Amalric, Edward Norton, Willem Dafoe, Cécile de France), le romanesque littéraire et la qualité picturale de l’ensemble ne dépassent guère le stade la virtuosité vaine illustrée par une succession de saynètes dont on peine à saisir le sens véritable.
Appréciation: 2/5
L'avis de Fifi Congiusti
Etrange sensation devant ce "French Dispatch" ou l’ennui ne cesse de batailler avec l’émerveillement. Créatif. Ludique, beau et drôle, il se présente comme le petit bonbon sucré de la compétition qui fait du bien et repose un peu. Une vision de la France et des Français par un Américain, qui n’a rien de réelle mais qui relève du pur fantasme, du prétexte à mettre en scène un film qui regorge de trouvailles visuelles.
Si on n’est pas volé sur la marchandise, reste que cette comédie journalistique, réservée à celles et ceux qui aiment rêver tout éveiller, tourne à vide et repose sur une histoire bien trop faiblarde pour crier à la Palme.
Appréciation: 4/5
"Bergman Island"
Mia Hansen-Love
L'avis de Rafael Wolf
Tony et Chris, un couple de cinéastes, arrivent sur l’île de Fårö, où vécut Ingmar Bergman, afin d’écrire leurs scénarios respectifs. Lui passe son temps entre pèlerinage sur les lieux mythiques des films tournés par le maître suédois, visite du musée Bergman et présentation de son dernier film acclamé. Elle peine à se lancer dans l’écriture, doute, et questionne la figure d’un cinéaste adulé, mais un homme détestable. Jusqu’au moment où Chris décrit ses premières idées de scénario à son époux, récit des retrouvailles passionnelles entre deux anciens amants qui prend alors vie sous nos yeux.
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Si le début du long-métrage, accumulant les citations à l’existence et aux films de Bergman, pouvait faire craindre une œuvre référentielle destinée aux seuls cinéphiles, la suite s’oriente vers une direction nettement plus passionnante. Soutenue par une mise en scène d’une beauté radieuse, Mia Hansen-Love laisse planer l’ombre du réalisateur de "Persona" et "Scènes de la vie conjugale" sur une histoire introspective où s’imbriquent et se brouillent le réel et la fiction.
Les problématiques de couples vécues par Tony et Chris (Vicky Krieps et Tim Roth, confondant de naturel), qui mettent en lumière un rapport à la création très différent selon le point de vue masculin et féminin, résonnent de manière troublante avec le couple fictionnel, Amy et Jonas (Mia Wasikowska et Anders Danielsen Lie, bouleversants).
En résulte une œuvre en état de grâce qui porte sur le sentiment amoureux, sur l’écriture et sur le cinéma un regard d’une profondeur admirable.
Appréciation: 5/5
"Drive my car"
Ryusuke Hamaguchi
L'avis de Rafael Wolf
Acteur et metteur en scène de théâtre, Yusuke Kafuku découvre l’infidélité de son épouse juste avant que celle-ci ne décède brutalement. Le veuf accepte alors de monter "Oncle Vania" de Tchekhov dans un festival à Hiroshima et tisse une relation de plus en plus personnelle avec sa chauffeure, Misaki, une jeune femme taciturne.
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Déjà remarqué avec "Asako I et II" et "Senses", le Japonais Ryusuke Hamaguchi adapte une nouvelle de Haruki Murakami qu’il étire sur près de trois heures. Le cinéaste prend son temps, sans ennuyer pour autant, et creuse ses personnages sous l’emprise d’un passé douloureux, dans l’ombre de proches défunts.
La vie et la scène dialoguent intimement au sein d’un film magnifiquement épuré qui décrit une troupe de théâtre portée par le multilinguisme, imbriquant coréen, japonais, chinois et même la langue des signes dans une osmose fascinante.
Dominé par une mélancolie existentielle qui berce le spectateur, "Drive my car" touche à une émotion, un élan de vie et de mouvement que fait naître l’art, et le théâtre.
Appréciation: 4/5
"Tre piani"
Nanni Moretti
L'avis de Rafael Wolf
Un accident de voiture mortel près d’un immeuble romain de trois étages bouleverse le quotidien de ses habitants. Un couple de magistrats se déchirent autour de leur fils coupable de la mort d’une femme. Alors que son époux part régulièrement à l’étranger pour son travail, une jeune mère élève seule son bébé. Enfin, le père d’une fillette de sept ans, convaincue qu’elle a subi des attouchements de la part d’un vieux voisin sénile, met son couple en danger.
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Adapté du roman "Trois étages" de l’Israélien Eshkol Nevo, ce drame choral multiplie les personnages et les thèmes abordés (individualisme, culpabilité, incompréhension entre génération et difficulté de la parentalité) au risque de rester un peu en surface. Opérant deux ellipses sèches de cinq années chacune, le film concentre sa matière dramaturgique à tel point que l’on peine par moments à s’attacher aux enjeux et aux drames que Nanni Moretti orchestre pourtant avec une réelle maîtrise, entouré par des acteurs de premier ordre: Margherita Buy, Riccardo Scamarcio, Alba Rohrwacher.
Mais après le prix de la mise en scène remporté en 1994 pour "Journal intime", et la Palme d’or en 2001 pour "La chambre du fils", on peut trouver ce "Tre Piani" quelque peu mineur dans la carrière de Moretti, et bien moins enthousiasmant que ses récents "Habemus papam" ou "Mia Madre".
Appréciation: 3/5
"Benedetta"
Paul Verhoeven
17e siècle, Toscane. La jeune Benedetta Carlini intègre un couvent, frappée par des visions mystiques récurrentes. Devenue adulte, la sœur éprouve un trouble profond au contact d’une nouvelle venue, Bartolomea (Daphne Patakia), alors que son corps se couvre de stigmates.
L'avis de Rafael Wolf
Adapté du roman de Judith C. Brown, "Benedetta" contient tous les ingrédients chers à Paul Verhoeven: la violence, la sexualité et le pouvoir. Mais si l’on applaudit la performance de Virginie Efira, qui interprète à merveille cette femme dont ne saura jamais si elle est une pure manipulatrice ou une authentique sainte capable de miracles, le résultat paraît trop bancal pour enthousiasmer, comme si la dimension baroque et excessive du cinéma de Verhoeven s’était diluée dans l’eau bénite.
Et si l’on pense souvent à des œuvres similaires, aussi brutales et rugueuses que "La chair et le sang" ou "Les diables" de Ken Russell, ou encore à d’autres personnages féminins aussi ambigus que Benedetta, comme dans "Showgirls", "Basic Instinct" ou "Le quatrième homme", la comparaison souligne surtout à quel point le nouveau Verhoeven diffuse par moments le trouble et la fascination, mais bien plus souvent les effluves éventées d’un cinéma qu’on a connu plus mordant et subversif.
Appréciation: 2/5
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L'avis de Fifi Congiusti
Doux Jésus! Paul Verhoeven, du haut de ses 83 ans, n’a peur de rien et certainement pas de finir cramé sur le bûcher cannois. En bon cinéaste athée assumé, il réalise un thriller comico-ecclésiastico-mystique pour délivrer sa vision de la religion: une entreprise mercantile comme les autres où la femme se plie au pouvoir de l’homme, où les intérêts personnels passent avant la foi, où la question tabou de la sexualité des dévots et bigotes est clairement posée dans un univers où il devient impossible de discerner la vérité du mensonge, le bien du mal.
Sans jamais succomber à la tentation de la provocation facile, tout en restant fidèle au livre dont il s'est inspiré, il est même parvenu à ressusciter l’héroïne sans doute la plus troublante et énigmatique de son œuvre: la romancière bisexuelle de "Basic Instinct" incarnée à l’époque par Sharon Stone. Elle devient, en la personne de Benedetta, une nonne qui aime autant Dieu qu’une novice fraîchement débarquée dans le couvent.
Un huis-clos à grande tension
"Benedetta" ne manque pas d’arguments pour enthousiasmer les foules, balançant en permanence entre thriller, drame, love story et comédie involontaire ou pas. Il est vrai que les représentations de Jésus tout comme la voix prise par la nonne possédée prêtent à rire. Mais lorsque Paul Verhoeven bascule dans la traque à la vérité, il instaure une réelle tension dans ce havre de guerre plus que de paix, au regard des luttes de pouvoir qui s’y trament.
Le huis clos accentue l’atmosphère oppressante. Et puis, il faut le clamer haut et fort: cette satanée Virginie Efira fait des miracles dans ce rôle. La finesse de son jeu, sans cesse sur le fil, contribue largement à instaurer le doute dans la tête d’un spectateur qui ne sait plus à quel saint se vouer. Pour sûr que la comédienne au sommet de son art rend le film tout bonnement passionnant.
Appréciation: 4/5
"Compartment No.6"
Juho Kuosmanen
Dans les années 1980, Laura, une jeune Finlandaise, emprunte le train en direction de Moscou pour se rendre sur un site archéologique. Elle doit partager son compartiment avec Ljoha, un Russe au comportement pour le moins grossier.
Adapté d’un roman de Rosa Liksom, "Compartiment no. 6" appuie tout son récit sur cette cohabitation improbable, et d’abord conflictuelle, qui va se transformer peu à peu en relation intime entre deux êtres on ne peut plus dépareillés.
L'avis de Rafael Wolf
La caméra, en écran large, colle à son héroïne et joue la carte du minimalisme, s’amusant des clichés nationaux dans un film qui sent bon la vodka et les cornichons marinés. Une oeuvre charmante et sans grande conséquence, guidée par la présence incongrue du tube eighties "Voyage, voyage" de Desireless.
Appréciation: 3/5
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"Flag Day"
Sean Penn
Tiré d’une histoire vraie, "Flag Day" suit la relation fusionnelle entre Jennifer Vogel et son père, John Vogel, menteur patenté, escroc minable, braqueur de banques et faussaire qui passe son temps à fuir ses responsabilités.
L'avis de Rafael Wolf
Tissant, entre 1975 et 1992, un entrelacement de flashbacks, Sean Penn épouse l’évolution chaotique de cette enfant d’abord émerveillée par la liberté de son père avant de déchanter lors de son adolescence et de sa maturité.
Si le film reste truffé de tics de mises en scène et d’effets parfois pesants, le résultat parvient à dégager une relation père-fille d’autant plus attachante que Sean Penn met en scène face à lui sa propre fille, Dylan Penn, d’une présence à l’écran très magnétique. L’acteur-cinéaste parvient, au final, à toucher à une émotion réelle dans cette chronique d'une douce mélancolie que l’on emprunte comme une ballade de Bruce Springsteen.
Appréciation: 3/5
"La fracture"
Catherine Corsini
Rafaela, dessinatrice borderline, est sur le point d’être quittée par sa compagne, Julie, lorsqu’elle chute et se casse le bras. Arrivée dans un service d’urgences, elle y croise un camionneur gilet jaune, revenu d’une manifestation la jambe criblée d’éclats de grenade, ainsi qu’une aide-soignante débordée par son travail.
L'avis de Rafael Wolf
Fracture physique, fracture du couple, fracture de la société. La métaphore est limpide et offre à Catherine Corsini l’occasion de contenir, dans un quasi-huis clos, un panel de personnages symptomatiques de la crise que connaît son pays.
Mais passé la première moitié du film, dominée par l’humour décalé, déglingué et jubilatoire de Valéria Bruni Tedeschi, passé les performances remarquables de Marina Foïs et de Pio Marmai, "La fracture" s’embourbe dans un portrait social terriblement binaire et caricatural où se confrontent des archétypes, gilets jaunes anti-Macron contre bobos parisiennes. Un film dans l’air du temps qui semble déjà avoir été balayé par d’autres actualités.
Appréciation: 2/5
"Julie en douze chapitres"
Joachim Trier
En 12 chapitres, plus un prologue et un épilogue, la chronique, à Oslo, de Julie, quasi trentenaire, sans carrière professionnelle fixe ni compagnon stable. Elle croit s’être enfin posée avec Aksel, dessinateur à succès de 45 ans, mais une rencontre fortuite avec un autre homme remet tout en doute.
L'avis de Rafael Wolf
Auteur du formidable "Oslo, 31 août", le cinéaste norvégien Joachim Trier dessine, à travers une mise en scène inspirée, le portrait d’une femme moderne et libre guidée par un souci permanent d’indépendance. Confrontant son héroïne à des questions liées au couple, à la fidélité, à la maternité, à la famille, à l’ambition professionnelle, au féminisme, le cinéaste reste pourtant prisonnier d’un scénario aux ressorts trop archétypaux, qui n’autorise pas Julie à déployer pleinement sa singularité.
Un film qui vaut avant tout pour sa comédienne principale, Renate Reinsve, révélation sidérante dont la richesse et la subtilité de jeu pourraient lui valoir un prix d’interprétation féminine.
Appréciation: 3/5
"Lingui, les liens sacrés"
Mahamat-Saleh Haroun
Amina élève seule sa fille Maria, 15 ans, qui vient d’être exclue de son lycée parce qu’elle est tombée enceinte. L’adolescente veut avorter, mais au Tchad, c’est interdit par la loi.
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L'avis de Rafael Wolf
En suivant le combat de cette mère et de sa fille contre les traditions patriarcales de leur pays et un islam qui jugule la liberté des femmes, le cinéaste Mahamat-Saleh Haroun signe un film à thèse qui dénonce, mais peine à convaincre.
L’aspect lourdement didactique du résultat, comme le caractère approximatif des comédiennes, réduisent "Lingui" à une charge certes légitime, mais sans réelle épaisseur ni portée cinématographique forte.
Appréciation: 2/5
"Le genou d'Ahed" ("Ha'berech")
Nadav Lapid
Un cinéaste israélien arrogant et cynique est invité à la projection de son dernier film dans un village reculé dans le désert. Yahalom, une charmante fonctionnaire du ministère de la culture, lui demande de signer un document précisant les thèmes abordés dans son œuvre.
L'avis de Rafael Wolf
Sur la base d’un récit et d’un personnage très autobiographiques, Nadav Lapid ("Synonymes", "L’institutrice") signe la chronique désabusée d’un double deuil. Celui de la mère du héros, et celui d’un pays, Israël, que le cinéaste confronte à son nationalisme comme à son absence de liberté et d’ouverture.
La mise en scène, marquée par une caméra capable de mouvements fulgurants et chaotiques, imprime une forme frénétique à cette œuvre percutante, traversée par quelques plages musicales jubilatoires ("Welcome to the jungle" des Guns’n’Roses). Où Nadav Lapid exprime frontalement son attachement à une terre et sa haine, sa colère à l’égard du gouvernement et du peuple qui l’habitent. Un film comme un poing dressé, un cri enragé.
Appréciation: 5/5
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"Tout s'est bien passé"
François Ozon
Suite à un AVC qui le laisse fortement diminué, un père de 85 ans (André Dussollier) demande à sa fille (Sophie Marceau) de l’aider à mourir.
L'avis de Rafael Wolf
Adaptant le récit autobiographique d’Emmanuèle Bernheim, François Ozon porte un regard subtil sur la relation ambigüe, le lien de dépendance mutuelle, qui lie ce père à sa fille.
Si la question polémique de l’assistance au suicide reste en filigrane, le résultat s’intéresse surtout à notre vision de la disparition, peur, acceptation, en creusant ce qui unit, et désunit, une famille, de la magnifique sororité qui se dégage entre l’héroïne et sa sœur (Géraldine Pailhas), du caractère complexe d’un père égocentré, d’une mère absente et dépressive (Charlotte Rampling).
Soutenu par ses interprètes exceptionnels, Sophie Marceau se révèle d’une justesse et d’une finesse exemplaires, Ozon avance par touches impressionnistes non dénuées d’humour, mais délestées de tout pathos. Un film sur la mort qui dégage une énergie débordante et un réel appétit de vie.
Appréciation: 3/5
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"Annette"
Leos Carax
Une star du stand-up aux pulsions destructrices (Adam Driver) et une soprano acclamée (Marion Cotillard) s’aiment d’un amour fou sous le regard des médias du monde entier. Elle accouche d’une fillette, Annette, authentique marionnette digne de Pinocchio.
L'avis de Rafael Wolf
Sur une histoire imaginée et mise en musique par Ron et Russell Meal, alias les Sparks, cet opéra rock et tragique se vit comme un formidable tourbillon cinématographique. Un conte moderne sur le monde mortifère du spectacle dans lequel les parents vampirisent, instrumentalisent, étouffent leurs enfants. Une œuvre placée sous le signe de Stephen Sondheim, Edgar Allan Poe et Harry Potter qui fait taper du pied et vibrer le cœur.
Appréciation: 4/5
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L'avis de Fifi Congiusti
Où est passé mon Carax de "Holy Motors", celui qui réalisait un objet filmique si fascinant, envoûtant, déroutant, multipliant les plans d’une rare beauté et déroulant une histoire pour le coup originale? Qu’est devenu mon Leos de "Tokyo!" celui qui m’amusait en même temps qu’il m’intriguait avec ce terrible Monsieur Merde, rat d’égout qui hantait la ville, telle une créature insaisissable? Qu’est-il donc passé par la tête du réalisateur mégalo des "Amants du Pont Neuf" pour qu’il accouche de cet "Annette"?
Certes, la maestria est toujours là, intacte, l’envie de surprendre aussi, puisque l’enfant terrible du cinéma français propulse Marion Cotillard et Adam Driver dans un film chanté en langue anglaise.
Mais pourquoi diantre concevoir de si beaux décors, peaufiner une photo si magnifique, confier aux Sparks partitions et chansons, y aller d’un plan séquence inaugural somptueux, parvenir à chopper le meilleur du duo Cotillard/Driver, réussir à insuffler de l’émotion dans le regard ou la posture d’une marionnette, si c’est pour mettre toute cette virtuosité au service d’une histoire aussi nunuche? C’est là que le bât blesse. Elle est tellement simplette que le film en deviendrait vite agaçant.
Appréciation:Histoire simplette pour un film chouette 2/5