Philippe Antonello pratique un métier que l'on connaît mal: photographe de plateau. Un métier que l'on pensait voué à disparaître et qui, au contraire, a trouvé une seconde vie avec le streaming. "Pour maintenir l'attention de leurs abonnés et en acquérir d'autres, les plateformes sont obligées de produire beaucoup, toujours plus. Le marché est énorme et pourtant il ne suffit pas", explique Philippe Antonello qui a travaillé sur les tournages des plus grands noms du cinéma, de Woody Allen à George Clooney, de Wes Anderson à Nanni Moretti, de Ridley Scott à Silvio Soldini.
C'est ce dernier, cinéaste italo-suisse, qui lui a mis le pied dans l'étrier alors que Philippe Antonello faisait l'école de design de Milan - après un cursus romand allant de l'Uni à l'école de photo de Vevey.
Jusqu'au 5 septembre, la Maison du Diable, à Sion, consacre une belle exposition au travail de ce Genevois domicilié à Rome.
Documenter et promouvoir
Philippe Antonello donne de son métier une définition simple: "Le photographe de plateau s'occupe de la publicité d'un film en proposant des portraits des acteurs et du réalisateur, des images du tournage, des décors, du backstage. Il est aussi chargé de concevoir l'affiche. C'est lui qui doit donner envie d'aller voir un film".
Mais en montant son exposition à Sion, Philippe Antonello s'est aussi rendu compte de l'aspect historique de ses images. Avec le temps, elles prennent de la valeur, souvenirs de stars aujourd'hui disparues ou d'autres pas encore révélées, témoins de l'évolution des techniques du cinéma ou de l'ambiance des tournages. Ce sont des documents inestimables pour de futures archives.
Entre les images de "La Passion du Christ" de Mel Gibson ou celles d'un film de Wes Anderson, par exemple, il y a peu de points communs. Tout l'art du photographe de plateau, qui a bien sûr son propre point de vue, son propre regard, son propre style, est de combiner sa vision avec celle du film et du réalisateur pour que cela "devienne une rencontre artistique". Mais c'est d'abord l'esprit du film qui prévaut. Pour Philippe Antonello, aussi modeste que décontracté, la qualité première d'un photographe de plateau est la discrétion.
Il ne faut pas oublier qu'il est le seul sur un plateau à ne pas participer à la fabrication du film, il se doit donc de ne pas empêcher les autres de travailler, d'être effacé, souple et quasiment invisible.
"Donner du sens". L'expression revient très souvent dans les propos de ce passionné de cinéma qui a travaillé aussi bien aux Etats-Unis qu'en Europe, et sur tous les formats. Le sens, c'est ce qui fait une bonne photo. "Dans l'exposition, on a essayé de mettre les images en correspondance. J'aime bien par exemple le diptyque Spike Lee et Bettina Oberli, le réalisateur new-yorkais et la cinéaste suisse, tous deux assis sur le même canapé, l'un à New York, l'autre à Zurich. Pour moi, il n'y a pas de différence entre un film à petit budget et un autre à plusieurs millions; le cinéma reste le cinéma".
Le difficile art du portrait
L'exposition a aussi un autre mérite, montrer les cinéastes en action, ce qu'on ne voit quasiment jamais. "Pour moi, ils sont des magiciens et j'aime révéler leurs trucs".
Mais pour les acteurs et les actrices, habitués à être vus, l'exercice du portrait est plus complexe. Ils ne s'y prêtent pas avec autant d'enthousiasme. "Il faut les comprendre. Les acteurs sont filmés pendant des heures et ne regardent jamais la caméra. Et tout à coup, on leur demande de poser, de regarder l'objectif. Le photographe va provoquer ce regard, son image sera fixe et restera comme une empreinte".
Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert
Adaptation web: Marie-Claude Martin
Exposition "Behind the scenes" de Philippe Antonello, Maison du Diable, à Sion, jusqu'au 5 septembre.