C'est lors du Festival de Locarno qui vient de se terminer que l'Association suisse des réalisateurs, réalisatrices et scénaristes de films (ARF/FDS) a présenté les résultats de sa dernière étude intitulée "Le succès a son prix!".
Elle porte sur la rémunération des réalisateurs, réalisatrices et scénaristes de films suisses nominés au Prix du cinéma suisse ou primés entre l'automne 2020 et janvier 2021. Et ses résultats sont sans appel: d'une part le salaire de ces différentes professions est très peu élevé et d'autre part, l'étude montre clairement que ceux qui connaissent le succès sont aussi ceux qui gagnent le moins.
Cette étude fait suite à une première enquête de l'ARF/FDS menée en 2020, qui présentait des chiffres concrets sur le temps que les scénaristes et réalisateurs et réalisatrices investissent dans leur travail. Le sondage sur lequel se basait cette étude avait alors montré une énorme disproportion entre le temps que les auteurs et autrices de films passent sur leurs films et la rémunération qu’ils et elles obtiennent.
Un montant forfaitaire
Pourquoi un montant si bas? Car contrairement aux autres métiers de la branche, scénaristes, réalisateurs et réalisatrices sont payés au forfait.
Dans le domaine du cinéma, presque toutes les catégories professionnelles possèdent des conventions ou des directives obligatoires concernant la manière de rémunérer leur travail. Comme c’est habituellement le cas pour ce type de documents, la rémunération se réfère au temps de travail qui doit être effectué. Il n’existe cependant aucune règle de ce genre pour les scénaristes ou pour les réalisateurs et réalisatrices. Ces derniers sont rémunérés sur une base forfaitaire, indépendamment de leur temps de travail.
Or, l'étude récemment parue démontre que les auteurs de films primés investissent plus de temps et d'intensité que les autres dans la confection de leurs longs métrages. Et ce temps supplémentaire n'est décompté nulle part. "Les scénaristes, réalisateurs et réalisatrices qui ont le mieux réussi sont presque punis pour leur investissement et leur succès", relève en introduction de l'étude Barbara Miller, présidente de l'ARF/FDS.
Selon la réalisatrice et scénariste Nicole Borgeat, membre du comité de l'ARF/FDS, le salaire d'un réalisateur d'une fiction primée tourne autour des 3800 francs par mois, tandis que le salaire d'un réalisateur se situe à 4500 francs. Quant aux scénaristes de films primés, ils perçoivent un revenu mensuel de 2900 francs. Pire encore, les réalisatrices et réalisateurs de films documentaires sont payés 2500 francs par mois.
Cumul des activités
Dans ces conditions, le cumul des mandats est inévitable. Nombreux sont les professionnels du cinéma à interrompre temporairement leur activité artistique pour des raisons financières. Et à l'âge de la retraite, la rente perçue ne suffit pas pour vivre.
L'étude de l'ARF/FDS vise à sensibiliser l'ensemble de la branche à cette rémunération largement inférieure au salaire médian suisse. L'association souhaite en finir avec les montants forfaitaires et faire en sorte que les réalisatrices, réalisateurs et scénaristes puissent in fine toucher un pourcentage du bénéfice généré par un film à succès. Elle a également développé un calculateur qui permet d'entrer les heures de travail passées sur un projet et d'éviter que le ratio heures/salaire continue à être parfois totalement disproportionné.
Sujet radio: Esther Coquoz
Adaptation web: Melissa Härtel