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Après trente ans de dictature, la résurrection du cinéma soudanais

Image du film "Talking About Trees" réalisé par Suhaib Gasmelbari. [Météore Films]
La nouvelle vague du cinéma soudanais / Tout un monde / 5 min. / le 1 septembre 2021
Le Soudan était un pionnier du cinéma sur le continent africain. Trois décennies d’oppression ont mis à terre cette industrie, mais une nouvelle génération de cinéastes tente de la réanimer.

Le Soudan a annoncé le mois dernier son intention de remettre à la Cour pénale internationale l’ancien autocrate Omar el-Bechir. Il devra répondre d’accusations de génocide et de crimes contre l'humanité. Une des conséquences de ses trente ans de règne sans partage (1989-2019), c’est la fermeture des cinémas et la quasi mise à mort de ce secteur.

Mais depuis la forte contestation populaire et le coup d’Etat militaire qui ont conduit à la chute du dictateur, l’industrie cinématographique reprend des couleurs. "Talking About Trees", réalisé par Suhaib Gasmelbari et qui était sur les écrans romands l’an dernier, a remporté le prix du meilleur documentaire au festival de Berlin en 2019. D’autres films comme "Khartoum Offside" de Marwa Zein – projeté à Visions du Réel – ou plus récemment "You Will Die At Twenty" de Amjad Abu Alala ont fait le tour des festivals internationaux et décroché de nombreuses récompenses.

"La sortie de ces trois films soudanais dans des festivals a coïncidé avec les manifestations qui avaient lieu dans le pays. Cela a donné au mouvement une caisse de résonance. Ces films ont ouvert une porte. Des professionnels du cinéma du monde entier ont pu constater la capacité des jeunes soudanais à réaliser de beaux films", se réjouit Suleiman Ibrahim, un scénariste formé à Moscou dans les années 1970.

Conditions encore difficiles

Le cinéma soudanais connaît donc un nouveau souffle. Mais le manque de moyens est pointé du doigt. "Ce n’est pas encore suffisant. Il n’y a toujours pas assez d’investissements", estime Suleiman Ibrahim.

Tallal Afifi, autre passionné du 7e art, est responsable de la Sudan Film Factory. Installée dans une villa d’un quartier cossu de la capitale, cette plateforme culturelle tente de raviver la flamme du cinéma. Certains soirs, au milieu du jardin sur des chaises en plastique, le public assiste à la projection de films soudanais. Celui d’Ibrahim Muhammad y a été projeté en juillet. Mais le réalisateur reconnaît que son documentaire a été fait de bric et de broc.

"Au Soudan, tu dois produire tes films tout seul. Il n’y a pas d’installations ou de producteurs capables de les financer. L’industrie du cinéma est encore faible. Personne ne te soutient. Tu dois apporter ta propre équipe technique, ton matériel. Tu formes toi-même tes amis aux métiers du cinéma. Il n’y a pas de formation ici, il faut apprendre sur le tas."

Le Soudan, pionnier du cinéma

Le secteur du cinéma renaît peu à peu, après trente ans de dictature. Avant cette période sombre, le pays était pionnier sur le continent africain. Le premier film africain en couleur est venu du Soudan, en 1955: "La Chanson de Khartoum."

A cette époque, les seize cinémas de la capitale pouvaient accueillir plus de 40’000 spectateurs par soir. "Il y avait des gens de partout, c’était très divers. Le cinéma faisait partie de la vie quotidienne. Les gens se rencontraient ici, se disputaient, flirtaient, parlaient business, avant et après la séance", raconte Tallal Afifi.

Aujourd’hui, et malgré les difficultés économiques, le cinéma soudanais est à nouveau en marche, grâce à de jeunes cinéastes bien décidés à ne plus laisser personne les empêcher de filmer et de montrer leurs films.

Sujet radio: Eliott Brachet
Adaptation web: Pauline Rappaz

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