"Il était très fatigué depuis quelque temps. Il s'est éteint tranquillement", a précisé son avocat, Me Michel Godest. Le comédien, qui s'est aussi produit sur les planches, avait été victime d'un AVC il y a quelques années. Un hommage national lui sera rendu jeudi 9 septembre aux Invalides.
De "Pierrot le fou" à "L'As des as", Jean-Paul Belmondo laisse derrière lui un grand nombre de films devenus des classiques du cinéma français et des rôles aussi inoubliables que diversifiés: truand au côté d'Alain Delon dans "Borsalino", jeune premier dans "A bout de souffle" ou encore pendu à un hélicoptère au-dessus de Venise dans "Le guignolo".
Au-delà de ces prestations, c'est aussi le Bébel au sourire ravageur, nez de boxeur et gouaille inimitable, qui restera dans les mémoires, un homme toujours très populaire, très aimé et unanimement salué.
Belmondo aimait vivre l'instant présent. En 1972, interrogé par le journaliste de la Radio Suisse romande André Nusslé, il s'exprimait sur son passage à la postérité: "Quand je serai mort et sous terre, je m'en fous complètement de ce que l'on dira de moi. Ce qui compte, c'est maintenant. Je vis maintenant. Le cinéma est une chose présente et vivante. Je fais absolument pas des films pour laisser des choses derrière moi."
Quand je serai mort et sous terre, je m'en fous complètement de ce que l'on dira de moi. Ce qui compte, c'est maintenant.
Homme de théâtre
Au début des années 1950, Belmondo monte sur les planches pour la première fois. Il reviendra au théâtre trente ans plus tard, comme pour lui redéclarer sa flamme. "Quand il renoue avec le théâtre, en 1987, c'était pour le plaisir de la complicité avec le public", explique son biographe Philippe Durant à la RTS. "Je ne l'ai jamais vu jouer les stars, il était très naturel, ponctuel. C'était un gamin avec un grand talent qui s'amusait de tout".
Belmondo avait-il des regrets? "Il ne se retournait pas sur son passé", poursuit Philippe Durant. "Son seul regret, c'est de ne pas avoir pu monter 'Voyage au bout de la nuit' de Céline. Il avait envie de s'attaquer à ce texte et de le mettre en bouche. Mais il savait aussi que cela ne se ferait pas".
Icône de la Nouvelle Vague
C'est Jean-Luc Godard qui a propulsé la carrière de Jean-Paul Belmondo en 1960, avec "A bout de souffle", où il forme avec la jeune actrice américaine Jean Seberg un couple mythique et emblématique de la "Nouvelle Vague". Il a ensuite retrouvé le réalisateur cinq ans plus tard avec "Pierrot le Fou", dernier film mythique de la Nouvelle Vague.
"C'est lui qui m'a fait aimer le cinéma (...) Avant 'A bout de souffle', on m'avait tellement dit que je n'étais pas bon que je doutais", confiait l'acteur en 2001.
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Cascadeur
Passionné de boxe, il privilégie ensuite les rôles très "physiques" avec moult cascades, sans doublure, et coups de poing. C'est la période des superflics, des macho bagarreurs et des truands: "Borsalino", "Le Magnifique", "Flic ou voyou", "Le Professionnel" ou "L'As des as".
"On a fini par me coller une étiquette" de cascadeur alors que "moi, ce que j'ai eu envie de faire, dans ma carrière, c'est de naviguer entre Malle, Godard, Melville et des gens comme Verneuil, Deray, Lautner", confiait-il.
"Belmondo a donné une bouffée d'air frais dans le cinéma français, à travers à la fois les films de Godard, mais aussi toutes ses comédies, ses polars. Il a imposé un nouveau style de décontraction qu'on imaginait alors pas en France où le cinéma était encore un peu guindé", analyse son biographe Philippe Durant.
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Charmeur
Jean-Paul Belmondo s'est aussi vite tourné vers les comédies et les aventures rocambolesques où il enlace les plus belles actrices, de Catherine Deneuve à Sophia Loren en passant par Claudia Cardinale et Françoise Dorléac. Certaines deviennent ses compagnes à la ville, comme Ursula Andress et Laura Antonelli.
Sa mort tourne une page majeure du cinéma français, Belmondo partant après sa bande d'amis du conservatoire, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Bruno Crémer ou encore Claude Rich. Ces dernières années, il avait dû enterrer ses complices, de Guy Bedos au meilleur ami, Charles Gérard, avec lequel il ne cessait de partager fous rires et matchs à Roland-Garros.
Bébel avait reçu un César d'honneur en 2017, l'occasion pour lui de s'adresser presque une dernière fois au public et au monde du cinéma réuni: "Tout jeune, quand j'allais au théâtre, tout le monde trouvait que j'avais une sale gueule. Alors une fois ça va, deux fois ça va, trois fois, non! Ma mère m'a dit, comme ton père, tu devras avoir du courage. Et je n'ai jamais manqué de courage, ce qui fait que je suis là."
boi avec agences
"Nous nous retrouvions tous" en Jean-Paul Belmondo"
"Nous nous retrouvions tous" en Jean-Paul Belmondo, a salué Emmanuel Macron, en évoquant "un trésor national, tout en panache et en éclats de rire, le verbe haut et le corps leste, héros sublime et figure familière, infatigable casse-cou et magicien des mots". "Il restera à jamais Le Magnifique", a-t-il ajouté dans un tweet.
Le Premier ministre Jean Castex s'est lui déclaré "très triste" après la mort de celui qui était "vraiment une légende du cinéma français, un très grand symbole de notre patrimoine cinématographique". "Il était tellement français à sa façon, je crois aimé de toutes les générations, c'est un acteur que j'ai adoré", a-t-il ajouté.
Le ministre de la Culture Roselyne Bachelot a également fait part de son émotion et remercié l'acteur pour sa carrière.
Interrogé sur CNews, son complice Alain Delon s'est de son côté dit "complètement anéanti". "Là je vais essayer de m'accrocher pour pas faire la même chose dans cinq heures... Remarquez, ce serait pas mal si on partait tous les deux ensemble. C'est une partie de ma vie, on a débuté ensemble il y a 60 ans", a déclaré l'acteur de 85 ans, la voix tremblant d'émotion.
"Je suis bouleversée par la disparition de Jean-Paul. Il était et restera pour moi comme pour tant d'autres, l'image même de la vitalité. Il ne cessera jamais d'être en mouvement dans mon coeur et dans ma mémoire", a réagi l'actrice Claudia Cardinale.
"Tu vas me manquer... tu vas tellement nous manquer. Merci Jean-Paul", a commenté sur Instagram Jean Dujardin, pour qui "Bébel" était rien de moins qu'un modèle.
"C'était le 4x4 de la comédie, il pouvait être génial avec Godard et faire joujou avec de Broca", témoigne le réalisateur Claude Lelouch. "Il me manque et il va manquer au cinéma français dans ce qu'il a de plus grand, de plus talentueux et de plus merveilleux."
"Merci Jean-Paul": le délégué général du Festival de Cannes Thierry Frémaux a salué sur Twitter la "générosité d'homme et d'acteur" de Jean-Paul Belmondo, qui "a inventé parmi les plus grands moments de l'histoire du cinéma. Merci Jean-Paul. Adieu Magnifique".
De son côté, la Mostra de Venise se rappelle, "avec grande affection et admiration de l'acteur Jean-Paul Belmondo, icône du cinéma français et international, et premier interprète extraordinaire de l'esprit de modernité propre à la Nouvelle Vague".
Le tournoi de tennis de Roland-Garros a aussi salué "l'un de ses plus fidèles amoureux".
Interrogé dans Forum, le directeur de la Cinémathèque suisse Frédéric Maire a estimé qu'il "était un peu notre Robert de Niro au niveau francophone, dans le sens où il était capable de tout jouer. Il était capable de se couler dans plein de rôles avec une grande facilité et de rester lui-même, Belmondo, tout en incarnant complètement son personnage".
Dans le 19h30, le réalisateur Lionel Baier a estimé que Jean-Paul Belmondo "a façonné tous les acteurs français qu'on voit aujourd'hui sur les écrans. On voit et on continue de voir Jean-Paul Belmondo dans la plupart des rôles qui sont tenus par des jeunes premiers comme par des acteurs plus anciens." Et de citer Jean Dujardin ou Pierre Niney.
Dans le 19h30 également, Julien Comelli, chroniqueur cinéma, a relevé que Jean-Paul Belmondo est '"une légende. On est au-delà du mythe".
Soirée spéciale sur la RTS
La RTS modifie sa programmation ce lundi en hommage à Jean-Paul Belmondo.
A 21h10 sur RTS2 sera diffusé "Le cerveau". Puis à 23h, ce sera "Peur sur la ville".