Pour sa dernière apparition dans la peau de James Bond, l'acteur britannique Daniel Craig n'a pas été ménagé. Dans la pure tradition des 007, courses-poursuites, explosions, fusillades, cascades et gadgets sont au programme de "Mourir peut attendre" ("No Time to Die").
Dans ce nouvel épisode de la saga signé Cary Fukunaga, le personnage inventé par l'écrivain Ian Fleming a quitté ses activités au sein des services secrets et profite d'un repos bien mérité en Jamaïque. Une tranquillité interrompue lorsque son vieil ami de la CIA, Felix Leiter, vient lui demander de l'aide pour sauver un scientifique qui vient d'être kidnappé.
De retour au travail, le célèbre agent secret doit travailler avec une nouvelle et "désarmante" collègue, jouée par Lashana Lynch. Face à eux, un mystérieux ennemi doté d'armes high-tech, incarné par l'Américain Rami Malek, Oscar du meilleur acteur en 2019 pour son interprétation du chanteur Freddie Mercury.
La psychologue Madeleine Swann - la conquête de Bond depuis "Spectre" interprétée par la Française Léa Seydoux - semble aussi avoir des choses à cacher.
Initialement prévue en mars 2020, la sortie du nouveau James Bond arrive avec un an et demi de retard en raison de la pandémie. D'une durée de 2 heures et 43 minutes, ce 25e épisode des aventures du plus célèbre agent au service de Sa Majesté est le plus long jamais réalisé.
La féminisation est en route
Catherine Fattebert, spécialiste cinéma de la RTS, avoue n'avoir pas "boudé son plaisir". Grâce, entre autres, aux scènes d'actions qui se passent en Italie au début du film et qui sont absolument éblouissantes.
Tous les éléments qui font les James Bond sont présents, mais la franchise s'affranchit pourtant de certains codes dans cet épisode. La féminisation est en route et pour Catherine Fattebert, "ça fonctionne plutôt bien. On montre des héroïnes à la fois intelligentes, drôles, intéressantes et qui ont de la poigne".
Par contre, la critique n'a pas du tout été convaincue par la fin proposée et regrette que les motivations du grand méchant interprété par Rami Malek, et des méchants en général, ne soient pas plus développées. "La vengeance, ça va un moment", résume-t-elle.
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Des surprises déconcertantes
Rafael Wolf, critique cinéma de la RTS, a quant à lui été captivé par la logique de série qui se poursuit depuis "Casino Royale", premier film avec Daniel Craig. Il voit donc dans "Mourir peut attendre" une suite directe à "Spectre" sorti fin 2015, et qui avait rapporté plus de 880 millions de dollars de recettes dans le monde selon la presse spécialisée.
Il relève que dans ce volet beaucoup de rebondissements et de surprises attendent le public qui pourrait pourtant être décontenancé. "Ce film va fortement diviser, car il pousse jusqu’au bout la logique de déconstruction de 007", analyse-t-il.
Et si la première partie du film l'a convaincu, la deuxième, qui prend place après une ellipse de cinq ans, beaucoup moins: "On a le sentiment que les producteurs naviguent à vue pour savoir comment conclure cette période Daniel Craig et ça donne quelque chose d'un peu bancal". La question des potentiels futurs agents 007 (une femme? un acteur noir?) est d'ailleurs directement thématisée dans cet épisode.
"A la fin, j'ai eu l'impression que je ne voyais plus du tout un James Bond. A force de déconstruire le mythe pour l'humaniser et le placer dans une réalité sociale contemporaine, n'est-on pas est pas en train de le détruire entièrement?", se demande Rafael Wolf.
aq avec agences
Jeudi 30 septembre, "Vertigo" consacre une partie de son émission à la saga James Bond. A écouter sur les ondes de La Première entre 17h et 18h ou en replay.
Qui pour remplacer Daniel Craig?
Pas évident de remplacer Daniel Craig qui a porté le costume de James depuis 2006 avec "Casino Royale". En cinq films, dont "Skyfall" et "Spectre", l'acteur britannique de 53 ans a su apporter sa patte au personnage de l'agent au permis de tuer, sans bouleverser les fondamentaux mis en place par l'écrivain Ian Fleming il y a 70 ans.
Au moment de le remplacer, la production profitera-t-elle pour faire un pas vers la diversité, voire confier le rôle à une femme, prenant définitivement des libertés avec l'oeuvre d'Ian Fleming?
Sur le papier, l'acteur doit être "jeune, vigoureux et séduisant, c'est le triptyque fondateur. A l'époque, le morphotype était celui d'un homme blanc, mais rien n'interdit d'imaginer un Bond noir, asiatique...", explique Guillaume Evin, auteur de nombreux ouvrages sur James Bond, dont "Bond, la Légende en 25 films", publié cet automne.
Un choix qui enverrait un message, dans une industrie du cinéma qui ne cesse de s'interroger sur sa propension à perpétuer des stéréotypes: l'hypothèse de confier le rôle à l'acteur britannique noir Idris Elba ("The Wire", "Luther"), soutenue par un ex-007, Pierce Brosnan, a déjà suscité de nombreux commentaires racistes.
Un James Bond féminin?
Quant à l'idée d'un James Bond féminin, elle ne semble pas tenir la corde: dans "Mourir peut attendre", James Bond tente de goûter à la retraite et c'est une jeune recrue, Nomi, qui récolte le matricule "007".
A l'écran, c'est donc une actrice britannique noire de 33 ans, Lashana Lynch, qui devrait endosser le costume de l'espion mais sans en prendre le nom, une façon de "muscler les personnages féminins" sans remplacer James Bond lui-même, souligne Guillaume Evin. Une petite révolution qui a déjà valu à l'actrice une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux.
"Pourquoi une femme devrait-elle jouer James Bond, quand il devrait plutôt y avoir des rôles aussi bons que celui de James Bond, mais créés pour une femme ?" s'interroge Daniel Craig, interrogé sur le sujet par le magazine "Radio Times".