Au programme d’Everybody’s Perfect figure notamment le nouveau film du réalisateur canadien Bruce LaBruce, "Saint-Narcisse" (2020), le classique de l’Anglais Derek Jarman, "Caravaggio" (1986) ou "La Fracture", film en compétition au dernier festival de Cannes de la Française Catherine Corsini. Une version réduite l’exposition "Champs d’amour", qui avait eu lieu à Paris en 2019 et qui explore cent ans de cinéma LGBT, est également proposée.
"Chaque année, nous recevons un nombre considérable de documentaires qui vont chercher dans les aspects du passé qui n’ont jamais été traités par les historiens", explique à la RTS Sylvie Cachin, directrice artistique du festival Everybody’s Perfect. "Je suis née dans les années 1970, et rien n'était raconté en histoire, en art ou en cinéma sur les composantes LGBTIQ+ de nos vies."
Il faut porter un nouveau regard sur l’histoire, avec un éclairage magenta... ou arc-en-ciel!
Un festival ouvert à tous les publics
Depuis 2010, le festival avait lieu tous les deux ans, jusqu’à l’arrivée de sa nouvelle directrice artistique, Sylvie Cachin, en 2018. Elle décide d'annualiser la manifestation, non sans difficultés, mais avec une passion et une énergie assurant un menu gourmand pour tous les cinéphiles curieux de découvrir des œuvres portant un regard plus égalitaire, plus inclusif et moins binaire.
"Dès les débuts du festival, il y a toujours eu de nombreux films à présenter, mais ils ne sont simplement pas dans le mainstream, peu accessibles, précise Sylvie Cachin. Notre mission est de présenter du cinéma LGBTIQ+, mais aussi de défendre les droits humains. D’ailleurs, Everybody’s Perfect s’adresse à tous les publics, qui se diversifient toujours plus chaque année. Cet aspect est essentiel, à quoi bon vouloir défendre une diversité dans une communauté fermée, en excluant d’autres personnes?".
Une évolution positive dans le cinéma mainstream
Même si la plupart des films diffusés sont indépendants, la directrice constate que le mainstream commence à s’ouvrir lui aussi. "Le cinéma commercial s’empare de plus en plus des sujets LGTBTIQ+, mais il ne le fait pas de manière 'pink-washée' (ndlr: parler de sujets LGBTIQ+ pour être à la mode, sans grande conviction). Ce changement est dû à une évolution globale de la société: les gens prennent conscience que dans leur entourage, n’importe qui peut faire partie de la communauté LGBTIQ+, et les personnes concernées se sentent beaucoup plus à l’aise quand il s’agit de s'exprimer."
Un festival qui doit se battre
Même si les mœurs évoluent, le festival et sa thématique LGBTIQ+ rencontre encore des obstacles. "Nous faisons ce festival grâce à de nombreux soutiens, mais il suffit d’une nouvelle direction dans une salle de culture pour que nous soyons remis en question. Nous restons une minorité, et nous devons toujours nous réaffirmer pour pouvoir exister quelque part", estime Sylvie Cachin.
À la naissance du festival en 2010, Edouard Waintrop dirige le cinéma du Grütli. Ce dernier soutient le festival. Lorsque Paolo Moretti arrive à la direction en 2019, cela change: "Il avait une vision du cinéma axée sur la distribution de sa propre programmation. Nous avions moins de place pour le festival. Nous avons dû argumenter auprès des cinémas du Grütli et de la Ville de Genève pour que ce festival puisse exister avec son identité et son intégrité, tel qu’il a existé jusqu’ici."
Propos recueillis par Raphael Wolf
Adaptation web: Myriam Semaani
Everybody’s Perfect, Geneva International Queer Film Festival, jusqu'au 17 octobre dans les cinémas du Grütli, Genève.