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"La fracture", autopsie d’une société française qui va mal

Le nouveau film de Catherine Corsini, “La Fracture”, plonge le spectateur dans le chaos des urgences au soir d’une manifestation des Gilets jaunes.
Le nouveau film de Catherine Corsini, “La Fracture”, plonge le spectateur dans le chaos des urgences au soir d’une manifestation des Gilets jaunes. / 12h45 / 8 min. / le 20 septembre 2021
Dans son dernier film, à l’affiche dans les cinémas romands, la cinéaste Catherine Corsini brosse le portrait d’une certaine France. Elle fait se croiser un couple en crise, un personnel soignant épuisé et un "gilet jaune" blessé et en colère.

"La fracture" est un film choral dont le titre est à comprendre au propre comme au figuré. La fracture d’un bras, la fracture d’un couple et la fracture d’une société. Rafaela (Valeria Bruni Tedeschi), bobo parisienne névrosée et en pleine crise avec sa compagne Julie (Marina Foïs), chute dans la rue et se retrouve aux Urgences. Le service est proche de l'asphyxie, le personnel soignant est épuisé, le matériel manque, les places aussi.

Ce soir-là, il y a une manifestation des "gilets jaunes", avec son lot de violences et de débordements. Julie rencontre à l’hôpital Yann (Pio Marmaï), camionneur, "gilet jaune" justement blessé et en colère. Le film, presque un huis clos, débobine l’histoire de cette nuit tendue, avec du drame mais aussi de grands éclats de rire.

"Je me disais qu’il fallait que je parle de la société, j’avais envie de l’ausculter. Le cinéma ne doit pas démissionner de ce genre de thèmes", estime Catherine Corsini, interrogée par la RTS. Elle a trouvé le décor idéal de son film, alors qu’elle-même – comme son héroïne – s’est blessée en tombant, et s’est retrouvée aux Urgences: "J’ai alors vu comment tout allait mal."

Des soignants qui jouent leur propre rôle

"La fracture" est une fiction avec parfois des allures de documentaire. Catherine Corsini et son équipe ont choisi de vrais soignants. "Il fallait que les acteurs puissent jouer dans un cadre hyper fort. Quand un soignant intervenait, c’était juste. Cela amenait une vérité incroyable."

Ainsi, Aïssatou Diallo Sagna, aide-soignante dans la vraie vie, 38 ans, interprète Kim, une infirmière. Et elle le fait avec une grande finesse.

Nos critiques cinéma, mi-figue, mi-raisin

Comme souvent, nos critiques cinéma sont partagés sur le film. Pour Rafael Wolf, "passé la première moitié du film, dominée par l’humour décalé, déglingué et jubilatoire de Valeria Bruni Tedeschi, passé les performances remarquables de Marina Foïs et de Pio Marmai, 'La fracture' s'embourbe dans un portrait social terriblement binaire et caricatural où se confrontent des archétypes: 'gilets jaunes' anti-Macron contre bobos parisiennes. Un film dans l’air du temps qui semble déjà avoir été balayé par d’autres actualités."

Mais selon Julie Evard, ce film choral est "éblouissant, terriblement bien écrit, terriblement bien joué. Il dresse ce constat terrible d’un pays qui va mal et se divise. Un puissant récit politique."

Pauline Rappaz

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"La fracture", auréolé de la Queer Palm

Lors du dernier Festival de Cannes, "La fracture" a reçu la Queer Palm, un prix qui récompense les films traitant de thématiques LGBT+, queer ou féministes.

Dans ce film, l’homosexualité apparaît banalisée. Les personnages de Valeria Bruni Tedeschi et de Marina Foïs composent  un couple au bord de la rupture, un couple ordinaire. L’une est tombée enceinte par procréation médicalement assistée. "C'est une composante de la société. L'homosexualité est évoquée, mais elle n'est pas un sujet du film", explique Catherine Corsini.

La cinéaste est devenue la deuxième femme à obtenir ce prix, deux après ans après Céline Sciamma, récompensée pour son sublime "Portrait de la jeune fille en feu".