S'il fallait résumer le visage de Clint Eastwood, ce serait un regard vert et entre les deux yeux, tout en haut du nez, un espace étroit, ridé, condensé, obstiné, comme une cible qui nargue son adversaire, comme un troisième oeil qui regarderait à l'intérieur ou comme un plissement des yeux nécessaire pour distinguer les éléments dans le clair-obscur, la lumière préférée de Clint Eastwood, homme des nuances, des questions sans réponses et de la complexité.
Même à 91 ans, dans "Cry macho" où il se caricature à l'extrême, l'homme a conservé ce haut de visage immédiatement repérable, dont Sergio Leone a fait une légende dans sa trilogie du dollar, commencée en 1963.
Eastwood y incarne l'homme sans nom. C'est pourtant bien l'Italien qui lui permettra de s'en faire un, après une première carrière dans des séries B et dans la série TV "Rawhide".
Eastwood naît comme acteur international avec Leone, un cinéaste qu'il observe attentivement, déjà désireux de passer à la réalisation. Conscient de ses handicaps - il n'est pas un acteur shakespearien et se sent mal à l'aise avec les dialogues trop longs - il invente avec trois accessoires (le poncho, le cigarillo et le chapeau) cette silhouette hiératique qui avec l'âge ressemble de plus en plus à un Giacometti, ce héros solitaire et taiseux qui deviendra son personnage.
Son autre mentor sera Don Siegel qui le transforme en inspecteur Harry, flic incontrôlable et irascible, viril, réac et raciste, parfaite incarnation de l'Américain de droite.
Une image qui lui collera à la peau pendant très longtemps et qu'il prendra plaisir à déconstruire au fil d'une carrière à la longévité exceptionnelle, à la fois cohérente et totalement hétérogène puisque Clint Eastwood a tourné aussi bien des westerns que des mélodrames, des films musicaux que des films de guerre, des thrillers que des comédies romantiques, des biopics que des adaptations de romans.