Valérie Lemercier se fait plaisir devant et derrière la caméra avec "Aline", un biopic dédié à Aline Dieu, jumelle romancée de Céline Dion. Le projet était casse-gueule puisque son modèle est une star, qu'elle est vivante et que son histoire est connue de tous.
Mais Valérie Lemercier relève le défi avec grâce, sans moquerie, sans mièvrerie, sans flagornerie mais avec une réelle admiration pour son modèle. C'est à la fois son meilleur film, le plus ambitieux - tournage dans quatre pays, couvrant toutes les saisons et tous les âges - et son plus beau rôle. Bouleversant par instants, drôle par dʹautres, "Aline" est une oeuvre extrêmement culottée dans sa forme et d'une rare bienveillance pour ses personnages.
Quatorzième enfant d'une famille québécoise où tout le monde fait de la musique, Aline Dieu a une voix en or et une grande ambition: elle veut devenir une star internationale. Son père, ses frères et ses soeurs mais surtout sa mère encouragent la benjamine, dont on apprend par ailleurs qu'elle n'était pas du tout désirée. Aline, grâce à Guy-Claude, un producteur au creux de la vague, va devenir ce qu'elle rêvait d'être.
"Ce n'est pas eux, mais un parfum d'eux", explique Valérie Lemercier qui joue le personnage d'Aline de l'âge de 7 ans à 50, entourée d'une fantastique bande de comédiens québécois (Danielle Fichaud, Sylvain Marcel, Roc LaFortune) qui donne au film son côté terriblement chaleureux et souvent comique. C'est d'ailleurs par la généalogie de cette famille des grands froids que commence "Aline" - nom donné à la petite dernière après un passage à la télévision de Christophe chantant son premier tube. Un début étincelant, à la manière d'un conte moderne.
Points communs entre Valérie et Céline
La comédienne et réalisatrice dit s'être intéressée à Céline Dion à partir de 1995, avec l'album écrit par Goldman. Depuis, elle est devenue fan et curieuse du destin de la plus grande chanteuse populaire. Il faut dire que les deux femmes ont des points communs.
Comme elle, je n'étais pas la plus jolie fille de l'école ou du quartier. Comme elle, je suis née dans une famille rurale et nombreuse. Et comme elle, j'ai trente ans de métier sur scène. En revanche, elle a beaucoup partagé sa vie avec son public, moi pas. Mais peut-être que ce film me fera un peu changer.
Au chapitre des ressemblances, on peut ajouter un sens du prosaïsme élevé au rang des beaux-arts chez les deux femmes. On se souvient de Céline Dion racontant par le détail, sans tabou et avec beaucoup d'autodérision les affres de ses différentes FIV.
Valérie Lemercier opère de même, de manière très terre-à-terre, pour signifier les différentes étapes de l'ascension d'Aline, loin du cliquant dramatique propre au biopic classique: une paire d'escarpins disproportionnée en vitrine pour dire l'ambition de la jeune Aline; une séance de dentiste hilarante pour raconter sa mise en beauté; un appartement où la star, désormais mère de famille, se perd de pièce en pièce pour signaler sa réussite. A cela s'ajoutent quelques gags personnels de Lemercier comme ce plat du jour réchauffé dans sa loge au sèche-cheveux parce que l'artiste n'a pas de temps à perdre.
L'accent sur l'histoire d'amour
Ce qui rend "Aline" si attachant, c'est le regard que porte Valérie Lemercier sur l'histoire d'amour entre Aline et Guy-Claude. "C'est un film sur elle, sur lui et sur la mère. J'ignorais que Céline était tombée en amour si jeune de son mentor et que cet amour a été longtemps contrarié. Cela a été difficile pour eux mais leur histoire s'est construite à deux. Il l'a révélée mais elle l'a sorti de sa crise professionnelles puisqu'il n'était plus rien au moment de leur rencontre. Ils se sont sauvés l'un l'autre" explique la réalisatrice qui s'est fait doublée dans les chansons par Victoria Sio.
Victoria Sio a une voix superbe, sans être celle de Céline Dion. Elle interprète des bouts de chansons qui, toutes, disent quelque chose de Céline à un certain moment de sa vie. Je l'ai dirigée comme une actrice
Beaucoup d'inconscience
Cette belle histoire d'amour, à la fois simple et compliquée par rapport à l'environnement, s'incarne par le fait qu'Aline et Guy-Claude sont toujours les deux à l'écran, sans champ ni contre-champ. "Tout se joue sous nos yeux", précise la réalisatrice qui dit être entrée dans son rôle avec aisance. "Je l'ai tellement regardée que cela venait tout seul". Elle est à la fois Céline, Aline et Lemercier, un véritable exercice d'équilibre pour un film profondément généreux et inventif qui commence et se termine par la chanson de Charlebois "Ordinaire", chantée par lui en ouverture et par elle dans un final lyrique.
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Ce qu'en pensent nos critiques
Rafael Wolf est totalement enthousiaste: "C'est un beau grand film populaire, avec des scènes musicales époustouflantes et d'autres totalement intimistes. C'est un film à la fois entier et totalement hybride, à l'image des premières apparitions d'Aline petite fille, où le visage de Valérie Lemercier est greffé sur un corps d'enfant. Immédiatement, un personnage est créée. Dès le début, par cette confiance dans l'artifice, dans le cinéma, le film nous emporte ailleurs, très loin des travers du biopic. A titre personnel, ce film m'a ému à un stade extrême. S'il ne faut voir qu'un seul film, c'est celui-là".
Thomas Lecuyer lui emboîte le pas: "Cette proposition de cinéma est totalement magique. Le regard de Lemercier sur son idole est plein de dévotion mais aussi totalement décalé, burlesque mais jamais moqueur, assumant pleinement un premier degré qui fait beaucoup de bien. Je précise qu'on peut ne pas être fan de Céline Dion et kifer totalement le film"
Marie-Claude Martin