Publicités, séries ou monde de la mode… De plus en plus de productions culturelles proposent d'ériger les femmes de plus de 50 ans au rang de modèles. Au cinéma d'abord, avec des films comme "Rose", interprété par l'actrice Françoise Fabian, 88 ans. Ode à la vie, ce long métrage prouve que vieillir au cinéma n'est plus une fatalité, et que les corps de femmes d'âges mûrs méritent d'être célébrés.
L'immense succès de Grace and Frankie, série Netflix qui narre les péripéties de deux femmes de 70 ans, semble confirmer une certaine évolution des mentalités. "Il y a eu un changement… Peut-être qu'on le doit à des mouvements comme Metoo, qui oblige à instaurer des quotas. C'est une démarche nécessaire pour arriver à une pleine reconnaissance des femmes, quel que soit leur âge dans ce milieu", analyse la réalisatrice romande Stéphanie Chuat.
Ce changement se retrouve également dans la dernière saison de la série "Sex and the City", sortie le 9 décembre sur HBO, qui met à l'honneur la vie des femmes de plus de 50 ans.
Ouvrir le dialogue
En Suisse, seulement 7% de premiers rôles dans le cinéma - fictions et documentaires inclus – sont attribués à des femmes de plus de 50 ans. Un chiffre deux fois moins élevé que pour les hommes du même âge.
En partant de ce constat, Stéphanie Chuat a signé en 2018 le documentaire "Les Dames", qui suit le destin de plusieurs héroïnes, veuves ou seules. "On avait envie de parler de ces femmes, qu'on ne voyait et qu'on n'entendait pas… C'est clair que cela a rendu le projet plus difficile à vendre… Comment mettre la lumière sur des femmes rendues invisibles par la société?", questionne la réalisatrice.
Au final, le film trouve des producteurs et sort en 2018, remportant un franc succès à travers toute la Suisse. "Il y a eu un écho dans cette tranche d'âge mais aussi chez les plus jeunes. Cela a ouvert un dialogue sociétal plus large que le film en soi", ajoute Stéphanie Chuat.
Devenir une égérie
Un changement sociétal qui s'opère aussi dans la mode, où les sexagénaires commencent à être mises en avant dans la foulée du "body positive" – mouvement social en faveur de l'acceptation de tous les types de corps humains.
Caroline Ida Ours, 61 ans, est la nouvelle égérie de la marque de lingerie Darjeeling. Il y a 4 ans, un souci de santé lui donne envie de mieux profiter de la vie. Elle décide de se lancer sur les réseaux sociaux et crée un blog, " Fifty Years Of a Women", dédiée aux femmes de plus de 50 ans. Le modèle réunit aujourd'hui une communauté de plus de 50'000 personnes sur Instagram.
Celle qui se définit comme influenceuse "sexygénaire" met désormais sa notoriété au service d'une meilleure visibilité des femmes de tous âges. "Je reçois beaucoup de messages de femmes qui me remercient, qui me disent que mes photos les aident à se sentir mieux", témoigne le mannequin.
Si elle rencontre un fort succès, elle avoue que les modèles de son âge restent une chose rare. " Il y a encore peu de castings, mais les marques vont être obligées de s'adresser à nous, parce que nous représentons un grand pouvoir d'achat", ajoute-t-elle.
Lutter contre l'âgisme
Alors qu'elle habitait à Londres, la Française Sylviane Degunst se fait repérer lors d'un casting sauvage dans la rue. Elle travaille alors pendant 7 ans comme mannequin pour diverses marques et publications. À son retour en France, elle se met à chercher d'autres castings, sans succès.
Elle se rend compte que dans sa patrie, le culte de la jeunesse n'est pas encore mort et qu'il subsiste de grandes différences entre le monde francophone et anglo-saxon. Elle décide alors d'écrire un livre, "Moi vieille et jolie", pour dénoncer l'âgisme – terme employé pour souligner toutes formes de discriminations fondées sur l'âge.
"En France on néglige les femmes de mon âge. On a peur de leurs rides, de leurs taches et de leur chevelure blanche… Comme si vieillir, avoir des rides ou prendre du poids étaient des maladies", témoigne Sylviane Degunst. "C'est une réalité: les femmes d'âge mûr sont moins visibles. Mais plus on nous verra et moins on aura peur de vieillir", conclut-elle.
Sujet TV : Cecilia Mendoza
Adaptation web : Sarah Jelassi