Déjà récompensé d'un Ours d'argent du meilleur réalisateur à la Berlinale 2015 pour "Aferim!", le cinéaste roumain Radu Jude s'est à nouveau paré d'or pour son dernier long métrage "Bad Luck Banging or Loony Porn", en compétition en début d'année.
Le film suit les pas d'une professeure d'un lycée, Emi, dont la vie est bouleversée par la fuite d'une vidéo intime. Il est surtout le cri du cœur du cinéaste roumain contre l'hypocrisie et l'obscénité quotidiennes des sociétés contemporaines.
Un ovni radical
S'ouvrant par une séquence de plusieurs minutes de film X, tournée "pour de vrai" par l'interprète d'Emi, l'actrice Katia Pascariu, avec un acteur de porno, "Bad Luck Banging or Loony Porn" casse les codes de la narration.
Passée cette introduction, qui prive les moins de 18 ans du visionnement du film dans les salles romandes, la caméra suit une longue déambulation d'Emi dans les rues de sa ville, puis l'auteur propose un patchwork d'images et de textes allant d'archives de la dictature communiste à des allégories romantiques, et conclut avec un simili-procès de l'enseignante devant des parents d'élèves.
"C'est le genre de film que je trouve parfois difficile, parfois abrupt, assez aride je trouve par moments", indique à la RTS Stéphane Gobbo, chef de la rubrique culture du journal Le Temps, qui ajoute qu'il "pose de très bonnes questions".
"Un film d'une justesse redoutable"
Intégrant directement son "Top 5" des films de l'année, le critique cinéma de la RTS Philippe Congiusti ne tarit pas d'éloge à propos de "Bad Luck Banging or Loony Porn", qui constitue pour lui "un film d'une justesse redoutable".
Il relève la réussite de Radu Jude à dresser un portrait de notre société et à parler de la médiocrité, de l'obscénité de cette époque. L'obscénité qui n'est souvent pas sur internet ou dans des vidéos porno, mais qui se trouve, par exemple, dans l'arrogance du parvenu qui humilie celui ou celle qui n'a rien.
"Bad Luck Banging or Loony Porn" est film qui n'est pas réjouissant et même assez cynique. Mais il est aussi pétri d'humour, comme dans cette fin – il y en a trois possibles! – "cartoonesque" où Emi se prend pour une super-héroïne.
Sébastien Blanc