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Rétrospective: les films marquants de l'année 2021

"Titane" raconte l'histoire d'une jeune femme au corps marqué par un grave accident. [Copyright Carole Bethuel]
"Titane" raconte l'histoire d'une jeune femme au corps marqué par un grave accident. - [Copyright Carole Bethuel]
Spécialistes cinéma pour la RTS, Philippe Congiusti et Rafael Wolf dévoilent leurs coups de coeur de l'année 2021. Deux films se retrouvent dans chacune de leur liste: "La fièvre de Petrov" de Kirill Serebrenniko, et "Titane", de Julia Ducourneau.

LES CHOIX DE PHILIPPE CONGIUSTI

"Oranges Sanguines", de Jean-Christophe Meurisse (inédit)

Parce que Jean-Christophe Meurisse est un génie. Il n’a pas de limite et signe une acide farce noire comico-trash aussi délirante que dérangeante pour mieux bazooker la macronie et le cynisme d’une politique qui a amplifié les inégalités. Un ministre des finances véreux qui va payer sa veulerie, des vieux surendettés obligés de se suicider après un concours de rock raté, une ado abusée mais à la vengeance réjouissante et au milieu, un dangereux psychopathe et son cochon à poil long. Trois histoires qui s’entremêlent et des impros qui fusent et ne laissent aucun répit au spectateur.

Un joyau qui deviendra culte!

"La fièvre de Petrov" de Kirill Serebrennikov

Parce que Serebrennikov est un génie. Le Russe nous offre une leçon de cinéma, du vrai, du qui demande un abandon total pour apprécier la puissance et la folie de la mise en scène au service d’une histoire incompréhensible ou se mêle alcool, nostalgie, souvenirs d’enfance, et critique de la Russie.

Un enchantement autant visuel que sonore.

"Bad Luck Banging or Loony Porn", de Radu Jude

Parce que Radu Jude est un génie. Après quatre minutes d’un vrai porno amateur moteur de sa démonstration, il balance la sauce et réalise un film radical en trois actes pour mieux délivrer une critique acerbe et caustique de notre époque gangrenée par l’hypocrisie et l’arrogance, où la médiocrité et l’obscénité ne se nichent pas là où on l’imagine!

Un OVNI délicieusement délicieux et tellement juste.

>> A lire : "Bad Luck Banging or Loony Porn", une critique sociale acide

"Titane" de Julia Ducourneau

Parce que Julia Ducournau est un génie. Même si sa vision du monde où hommes et femmes semblent irréconciliables fait froid dans le dos, sa proposition truffée de clins d’œil aux maîtres qu’elle vénère est une déclaration d’amour au cinéma de genre.

Une œuvre fascinante, hypnotisante, dérangeante, parfois brinquebalante mais au final, un pur kif qui fait du bien.

>> A voir, la bande-annonce du film "Titane" : Qui est Julia Ducournau, la lauréate de la Palme d'or 2021?

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"Neptune Frost", de Saul Williams et Anisia Uzeyman (inédit)

Parce que Soul Williams et Anisia Uzeyman sont deux génies. Ils offrent une sorte de rêverie poétique new age hip-hop enrobée dans une cyber love comédie musicale kitch qui frise souvent le ridicule, mais dieu que c’est bon! Dans ce film surréaliste totalement envoûtant, les peuples africains se libèrent du joug de l’Occident pour renouer avec la prospérité.

Un film follement fou et foutraque à la fois.

LES CHOIX DE RAFAEL WOLF

"Le genou d’Ahed" de Nadav Lapid (inédit)

Sur la base d’un récit et d’un personnage très autobiographiques, Nadav Lapid signe la chronique désabusée d’un double deuil: celui de la mère du héros, et celui d’un pays, Israël, que le cinéaste confronte à son nationalisme comme à son absence de liberté et d’ouverture.

Un film comme un poing dressé, un cri enragé, porté par une mise en scène démente.

"La fièvre de Petrov" de Kirill Serebrennikov

La longue déambulation alcoolisée d’un homme au cœur d’une Russie chaotique et surréaliste mélange rêve et réalité, passé et présent, comédie burlesque et tragédie.

Un tourbillon hallucinogène de cinéma baroque, d’une énergie dingue, qui peut nous perdre en route, mais qui s’impose comme le film le plus vertigineux que j’ai pu voir cette année.

"Nomadland" de Chloé Zhao

Multi-oscarisé, Lion d’or à Venise en 2020, le voyage intérieur et extérieur de Frances McDormand m’a bouleversé.

Entre fiction et documentaire, une œuvre d’une ampleur folle qui embrasse les questions du deuil, de la solitude, de la communauté et des origines de l’Amérique avec un sens de l’épure traversé par des fulgurances poétiques dignes du meilleur Terrence Malick.

>> A voir, la bande-annonce du film "Nomadland" : Le film "Nomadland", chef-d'oeuvre multiprimé, sort sur les écrans romands

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"Titane" de Julia Ducourneau

Palme d’or hautement controversée pour cette œuvre transgenre qui dynamite les frontières entre l’humain et la machine, le masculin et le féminin, jusqu’à réinventer le corps cinématographique de Vincent Lindon.

Un grand film tordu, malaisant, qui s’affranchit de toute psychologie au sein d’un récit quasi religieux où surgit la question de l’abandon et de la filiation réinventée.

"Green Knight" ("Le chevalier vert") de David Lowery

Visuellement splendide, soutenu par une mise en scène rigoureuse, le film confronte les vertus d’un aspirant chevalier, neveu du Roi Arthur, à la force de la nature, en l’occurrence une créature de bois.

Une fable médiévale, tripale et opaque fascinante qui renverse l’ordre du monde et oppose la religion, la croyance, la foi à l’immanence.

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