"Cet enfant ne pourra jamais parler tout à fait normalement et encore moins chanter!" Le diagnostic du pédiatre tombe comme un couperet à la naissance de Robin de Haas. Il a une malformation grave du palais. Trente ans plus tard, il est professeur de chant, "réparateur" de voix et inventeur d'une technique de coordination respiratoire qui se répand dans le monde entier.
Le documentaire "Robin des voix" retrace l'étonnant parcours de Robin de Haas, une fente palatine à la naissance lui ayant imposé des années de rééducation pour parvenir à parler intelligiblement. Dans sa vie, il compte deux moments clés liés à sa voix. Lors du premier, il est encore jeune. Malgré plusieurs chirurgies peu fructueuses, il a comme un déclic. S’il s’emploie à faire une certaine voix, on le comprend.
S’instaure alors un code avec son père. Dès lors que Robin de Haas parle et qu’on ne le comprend pas, son paternel se pince l’oreille pour le lui signaler. "C’était joli et ça me permettait de retrouver le chemin vers cette voix spécifique qui fonctionnait", raconte-t-il à la RTS.
Rencontre avec sa voix chantée
Ce deuxième moment clé, c’est sa rencontre avec sa voix chantée. Cette fois-ci, il est à New York avec Lynn Martin, avec qui il va approfondir la méthode de la coordination respiratoire. "Après un massage thoracique, je me suis levé et j’ai fait un son, se rappelle-t-il. C’était le son que j’avais toujours su devoir atteindre mais que je n’avais encore jamais fait", se souvient Robin de Haas.
En quelque sorte, son handicap s’est avéré être une force, le poussant à développer ces techniques vocales. "J’ai pris des cours tout autour du monde, mais les idées que l’on m’a transmises étaient assez banales, explique-t-il. A cause de mon handicap, elles n’ont pas bien marché pour moi. Cette faiblesse m’oblige à faire juste, à ne pas faire d’erreurs. Ce qui m’a certainement poussé à devenir plus malin".
Réutiliser les articulations oubliées
Avant ce film, Robin de Haas n’avait jamais évoqué son handicap. Pour lui, c’était un tabou total. Il craignait que son travail ne soit vu que sous le prisme de la pitié. Après avoir obtenu de la reconnaissance pour ses travaux de recherche, il a changé de posture: "Je me suis rendu compte que le fait d’en parler pourrait potentiellement aider des gens. C’est ce qui m’a convaincu d’accepter de faire ce documentaire".
Aider les gens, c’est une activité qu’il pratique au quotidien en donnant des cours de coordination respiratoire qu’il définit comme un principe simple de distribution de l’effort. "Dans notre cage thoracique, on a une bonne centaine d’articulations, détaille-t-il. Sans que l’on s’en rende compte, on emploie beaucoup une partie mais on en oublie complètement une autre".
Cette technique cherche donc à identifier les parties non utilisées chez chacun.e pour apprendre à les réutiliser. "Cela revient à redonner au corps cette richesse qui est légitimement la sienne, précise-t-il. Au même titre que Robin des Bois qui redonne aux pauvres une richesse qui devrait leur appartenir". D’où le titre du film.
Propos recueillis par Benoît Perrier et Ivor Malherbe
Adaptation web: Arthur du Sordet