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La lente sortie des rôles stéréotypés pour les musulmans à l'écran

Focus sur la sous-représentation et le culte des stéréotypes des acteurs musulmans
Focus sur la sous-représentation et le culte des stéréotypes des acteurs musulmans / 19h30 / 2 min. / le 31 janvier 2022
Les personnes de culture musulmane sont sous-représentées au cinéma et dans les séries et généralement cantonnées à des rôles de migrants, de dealers ou de terroristes. Mais les choses commencent à bouger… lentement.

Une étude américaine révèle que les personnages musulmans sont largement sous-représentés dans le cinéma: sur 200 films analysés, seul 1,6% des protagonistes sont de confession musulmane. De plus, comme le relève le réalisateur Mohcine Besri sur la RTS, ces personnes sont généralement "représentées dans un cadre très cliché et très péjoratif".

Bon ou mauvais, mais arabe avant tout

Une brève rétrospective du cinéma français suffit à se convaincre de ce constat: d'abord dans le cinéma colonial où le musulman fait figure de sauvage sanguinaire. Puis, dès les années 1970 et le succès des vaudevilles tournés au Maghreb, avec l'arabe mielleux et fourbe à l'accent exagéré. Viennent les années 1980 et le polar noir, avec des classiques du genre comme "Tchao Pantin", de Claude Berri, et des acteurs forcément dealers ou délinquants.

Il faut attendre les années 1990 pour découvrir une image plus positive avec le cinéma de banlieue propulsé par le film "La haine" de Mathieu Kassovitz, et d'autres comédies populaires comme la franchise "Taxi". Mais les choses sont peut-être en train de changer.

Une révolution en marche

Britannique, féministe et résolument punk, la série "We Are Lady Parts" narre la création d'un groupe de rock par cinq jeunes femmes musulmanes. Sur un autre registre, "Ramy" suit les péripéties d'un jeune new-yorkais branché fréquentant autant les sites pornos que la mosquée du quartier. Saluées par la critique, ces séries ont un point commun: des personnages principaux musulmans qui ne sont ni réduits à leur foi, ni à ce qu'elle inspire aux autres.

"C'est un peu une révolution", s'enthousiasme Yacine Nemra, comédien, humoriste et chroniqueur à la RTS, "car il y a une volonté d'humaniser ces personnages, d'en faire plus que des musulmans, des Arabes ou des personnages issus de pays musulmans".

Des stéréotypes tenaces

Yacine Nemra, lui-même d'origine maghrébine, ajoute: "Auparavant, quand on me proposait des rôles, c'était systématiquement pour jouer des figures de migrant, de dealer, de terroriste ou d'émir du Qatar qui tue des journalistes turcs dans sa cave". De l'orientalisme béat à l'islam radical, les rôles proposés aux actrices et acteurs de culture musulmane restent le plus souvent stéréotypés.

Pour les comédiennes et comédiens concernés, il est difficile de sortir de ces clichés. Et pour tout un chacun aussi, tant les stéréotypes sur la culture musulmane sont profondément ancrés.

Une forme de racisme ordinaire qui a inspiré "Nous autres" à Yacine Nemra, une série de vidéos douces-amères diffusées sur les réseaux sociaux et mettant en fiction des témoignages récoltés en Suisse romande. L'humoriste ajoute: "J'aimerais bien qu'on puisse filmer des personnes d'origine musulmane ou arabe sans que leur arabité ou le fait qu'elles soient musulmanes n'aient un rôle."

Proposer de jouer des gens et non plus des origines demande une prise de conscience, un processus lent, mais nécessaire.

Propos recueillis par Sarah Jelassi

Adaptation web: Sébastien Blanc

L'étude Missing & Maligned : The Reality of Muslims in Popular Global Movies (Absents et dénigrés : la réalité sur les musulmans et musulmanes dans les films populaires) a été réalisée par USC Annenberg Inclusion Initiative, un groupe de réflexion de l’université de Californie du Sud.

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