"La revanche des Crevettes pailletées", à voir actuellement en salles, reprend l'improbable formule qui avait fait le succès du premier volet en 2019: une comédie qui se revendique film "LGBT" mais s'adresse à toutes et tous, inspirée de la véritable histoire d'une équipe gay de water-polo basée à Paris.
Après avoir levé le tabou de l'homosexualité dans le sport, les réalisateurs Maxime Govare et Cédric Le Gallo se sont voulus encore plus politiques.
"Pour ce deuxième épisode, l'idée était de pousser tous les curseurs: ceux du militantisme et de la politique, mais aussi celui de l'humour avec de vraies scènes de comédie. Et visuellement, on voulait que ça soit encore plus fort", a expliqué à la RTS le réalisateur Cédric Le Gallo, joueur de water-polo à l'origine de l'aventure.
Des homos en Russie
Contrairement au premier épisode, on retrouve peu de scènes de sport et de compétition dans ce deuxième volet. "L'idée était d'amener les Crevettes à vivre une autre aventure", indique Cédric Le Gallo.
Et cette aventure se passe en Russie. Alors qu’ils sont en route pour les Gay Games de Tokyo, les joueurs de water-polo de l'équipe des Crevettes pailletées ratent leur correspondance et se retrouvent coincés au fin fond de la Russie.
Un scénario qui permet d'aborder des questions aussi brûlantes que l'homophobie d'Etat ou les crimes homophobes et dresse un portrait sans appel du pays de Vladimir Poutine, où les violences visant les homosexuels sont fréquentes. La Russie a introduit en 2013 sa loi contre la "propagande" homosexuelle auprès des mineurs, ce qui a servi de prétexte pour interdire des marches des Fiertés et l'affichage de drapeaux arc-en-ciel.
C'est dans cet univers que débarque la bande de joyeux drilles des Crevettes pailletées, rejoints par un nouveau personnage, Sélim (Bilal El Atreby), un jeune hétéro pétri de préjugés. Tandis que certains se terrent à l'hôtel, d'autres se risquent à l'extérieur. Mais en Russie, la recherche d'une boîte gay pour faire la fête ou d'un plan d'un soir sur une application de rencontre peut tourner au cauchemar.
Thérapies de conversion
Les "Crevettes" vont devoir fuir de redoutables "chasseurs de gays", qui tabassent des homosexuels au coin des rues, et découvrir l'enfer des thérapies de conversion, un programme mis en place dans un centre de détention pour "soigner" leur orientation sexuelle.
Rappelant qu'elle viennent juste d'être interdites en France, Le Gallo dit s'être inspiré de reportages et documentaires américains, pays où les entreprises qui pratiquent ces thérapies de conversion ouvrent beaucoup plus facilement leurs portes aux caméras.
En voyant avec ses co-scénaristes comment elles se déroulaient, le réalisateur français dit qu'ils ont été effarés et par ailleurs avoir beaucoup ri, "parce que ça frise vraiment le ridicule, avec par exemple des cours de virilité improbables", explique-t-il. "On s'est dit que c'était parfait pour une comédie dramatique puisque l'on pouvait à la fois dénoncer des méthodes scandaleuses qui ne marchent pas et en même temps s'en moquer."
Un film tourné en Ukraine
Tourner en Russie aurait été impossible à cause de la loi qui interdit la propagande LGBT. "Filmer deux hommes qui s'embrassent dans la rue nous aurait tous conduits en prison", expliquait Maxime Govare lors d'une avant-première. Le film a donc été tourné en Ukraine avant l'invasion russe.
Pour les réalisateurs, au-delà de l'homophobie, les "Crevettes pailletées" sont un hymne à la liberté en général, et le lien est à leurs yeux évident avec la situation actuelle de l'Ukraine.
"Le film raconte comment Poutine oppresse la communauté LGBT" (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres), relevait encore Cédric Le Gallo lors de cette avant-première." Aujourd'hui, Poutine oppresse le monde entier, donc ça résonne particulièrement".
Les deux réalisateurs ont un rêve: voir le conflit cesser et projeter leur film en Ukraine, ce qui était prévu avant la guerre. "Le plus tôt sera le mieux", espèrent-ils.
Propos recueillis par Anne Laure Gannac
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